dimanche 4 mai 2025

Beethoven, P. de Montaigne. OSLV, Laurent Pillot.Lyon, les 20 et 21 avril 2007

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Ludwig van Beethoven,
Messe en ut
, 1807

Pascal de Montaigne,
Sarn VI


(création mondiale)

Orchestre Symphonique
Lyon-Villeurbanne
,
Chœur d’Oratorio,
Laurent Pillot, direction

Eglise de l’Annonciation
(Lyon, 9 ème ardt)
Vendredi 20 avril 2007 à 20h30
Samedi 21 avril 2007 à 19h

Du classique
et du contemporain


Selon un schéma identique à celui de la Trinité et dans la même semaine d’avril, une autre église de l’agglomération lyonnaise – l’Annonciation, style moderne-modéré, dans le quartier de Vaise – accueille un programme classique-et-contemporain, entre Beethoven et de Montaigne. Ici, c’est un ensemble d’origine moins régionalisée qui travaille à la réalisation des deux œuvres, dont l’actuelle est en création mondiale. L’Orchestre symphonique Lyon-Villeurbanne est formé de plus de 70 instrumentistes, et depuis plusieurs années mène une politique de diffusion pour larges publics des grandes œuvres du répertoire classique, romantique et moderne. Le chef, Laurent Pillot, fondateur de son ensemble, a une expérience internationale du symphonique et du lyrique, commencée à l’Opéra de Lyon entre 1991 à 1996, et entre autres affirmée, après Salzbourg, Vienne ou Aix-en-Provence, en occupant de 2003 à 2006 le poste de directeur musical associé à l’Opéra de Los Angeles, auprès de Kent Nagano. La fusion orchestrale-chorale est très affirmée avec les Chœurs de Lyon-Bernard Tétu, notamment pour la section Oratorio que dirige Catherine Molmerret. Quatre solistes se joignent à l’ensemble dans la partition beethovénienne, les sopranos Virginie Pochon et Florence Villevière, le ténor Jan-Marc Bruin et la basse Frédéric Caton.

Les grosses colères de Ludwig

Car c’est d’abord du Beethoven musicien sacré qu’il s’agit. Opéra-Beethoven : vous dites Fidélio, et c’est fini (ou presque : ouvertures, esquisses…) et vous avez raison. Messes-Beethoven : Missa Solemnis. Point final ? Ecrasé par le chef-d’œuvre de 1822, vous oubliez une « petite » Messe de 1807, sans surnom, et seulement dénommée par sa tonalité (ut majeur) ou son n° d’opus (86). Négligeable ? Point du tout. Commandée par le prince Estherazy et peu appréciée par lui – d’où une grosse colère de l’auteur à la création et un départ-spectacle du château d’Eisenstadt – , l’œuvre ressemble par sa structure et ses principes de rapport à la liturgie et au dogme, aux œuvres contemporaines de Haydn, mais affirme la primauté du texte resté très intelligible. « Il y a beaucoup de joie dans tout cela, car le catholique va, le dimanche dans son église, joyeusement paré. » Est-ce le croyant Beethoven qui s’exprime ainsi ? Surtout le compositeur, sans doute, qui mesure et crée des « résonances » dans le cœur et l’esprit de l’auditeur, convié à participer à une exultation plus unanime. Les expansions grandioses et savantes à la fois seront la marque ultérieure et géniale de la « Solemnis ». Avec l’ut majeur : une église plus qu’une cathédrale, en somme, un monument plus habitable que la surhumaine œuvre de 1822, et dont le Kyrie traduit d’emblée le climat de prière presque tendre.

Le monde obsédant de Sarn

Laurent Pillot est très attaché pour la structure de ses concerts, à l’idée de ne pas couper des écritures modernes, voire actuelles, le répertoire qui va de la fin du XVIII ème au XX ème. C’est ainsi qu’il inscrit une pièce en création, puisée dans la série des « Sarn » composée par Pascal de Montaigne. La compositrice – vous lisez dans le prénom une orthographe exacte, ajoutée au patronyme, lui-même non-pseudo…- est auteure d’une œuvre peu prolixe, ce qui s’explique aussi par une très longue interruption d’activité, pour raisons graves de santé, entre les années de formation musicale (violon, piano, orgue et composition) et la reprise d’écriture au cours des années 1980. Même si Pascal de Montaigne est actuellement dans le projet d’une tragédie lyrique et musicale, son œuvre est surtout consacrée au piano (un prix au Concours International de Rome est venu la récompenser en 1999) et aux formations chambristes, éventuellement « agrandie » par les orchestrations. Au cœur de cette inspiration, et donnant son titre un peu mystérieux à toute la série d’une « work in progress », les Sarn, dont le concert de Vaise révélera la VI ème étape. « Sarn, explique le compositrice : néologisme obsédant, réminiscence du passé, vision d’un très étrange et sauvage univers qu’on peut percevoir en se penchant au dessus de l’abîme, à mi-chemin entre vertige et volupté. » De Sarn I à Sarn IX, il y a l’expansion d’un solo initial (piano) à un groupement instrumental qui finira en « nonette » (pour employer le terme traditionnel, d’ailleurs un rien inharmonieux), selon une probable symbolique de progression spirituelle.

Sarn VI, selon l’organiste et compositeur Loïc Mallié, correspond à une étape « depuis un langage proche du dodécaphonisme et de l’atonalité jusqu’à une polymodalité et des nuages de gammes par tons mélangés ». Mais aussi –et surtout ?- , au-delà du « tour de force esthétique », vers « une sensation indescriptible d’adoucissement ». Car Sarn, « néologisme obsédant » est aussi le titre d’un roman de l’Anglaise Mary Webb, œuvre hantée du début XX ème dans la tradition du roman de solitude féminine qui a marqué depuis toujours la compositrice. Les paysages hallucinés (« l’eau qui clapote, partout où vous regardez ou écoutez, de l’eau, des grands arbres immobiles et pensifs, le lieu qui semble avoir été créé juste une heure auparavant et pas pour vous ») renvoient à un univers mémoriel d’enfance et à un microcosme qui reflète les tentions intérieures de l’être. Ce « grand œuvre » au centre de la création musicale n’est pas sans faire penser dans son principe, à l’obsession pour Jean Barraqué du roman tentaculaire d’Hermann Broch, La mort de Virgile, qui « organisa » l’écriture du compositeur français disparu en 1973. Avec Sarn VI, une partition et un univers sont à découvrir…

Tél.: 04 72 98 25 30 ou www.solisteslyontetu.com

Illustrations
Ludwig van Beethoven, portrait (DR)
Mary Webb, autoportrait photographique (DR)

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