mardi 6 mai 2025

38e Nuits musicales d’Uzès (30) Du 18 au 27 juillet 2008

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38e Nuits musicales d’Uzès (30)
Du 18 au 27 juillet 2008

Musique ancienne, baroque, romantique, genres mélangés… Les Nuits au Duché d’Uzès ont le parfum de la garrigue proche ; la 38e édition rassemble en 8 concerts du 18 au 27 juillet 2008, des classiques du baroque (Te Deum de Charpentier, Miserere d’Allegri) et des partitions « anciennes » moins connues, et fait place au trio romantique, au piano lisztien et à des musiques métissées, entre moderne, jazz et folk.

De Racine à Gide et Resnais, et sur la place aux Herbes
« Quel est le point commun entre Marc-Antoine Charpentier, musicien de Louis XIV et Thomas Dutronc, fan, de Django Reinhardt ? A première vue, aucun, si ce n’est qu’ils figurent tous eux au programme des 38es Nuits Musicales d’Uzès et qu’ils font preuve, chacun dans son style, d’un sens festif, Te Deum pour l’un, univers plein d’humour pour l’autre. » Et le patron des Nuits, Eric Desnoues, d’ajouter : » Nous affirmons ainsi une ligne artistique libre de préjugés esthétiques, qui fait la part belle au plaisir de l’auditeur. » Va pour le plaisir en Uzège, terre des « vacances forcées » (et un rien amoureuses, peut-être), du très jeune Racine, de l’enracinement familial(pour moitié) d’André Gide, socle de la Religion Prétendument Réformée ( comme l’appelait Louis XIV qui ne pratiquait pas le Te Deum tiomphaliste sur les seuls champs de bataille extérieurs et aima bien révoquer l’Edit de Nantes), oui, vieille terre de résistance à l’oppression religieuse, et cadre du beau et secret film d’Alain Resnais, l’Amour à mort, quatuor de l’amitié entre jeunes Réformés du XXe….D’autant que cette rudesse et cette dramaturgie contrastées ont fait place de nos jours à une vision plus aimable et conviviale, comme la symbolisent les soirées concertistes et…débuts de nuit sur la Place aux Herbes, ses jeux d’enfants autour de la fontaine magique…

Le côté Janus de Charpentier

Donc 38 ans de ce festival, et un visage aimable, dominance baroque et ouverture sur d’autres temps et lieux des musiques…2008 commence par l’hommage à Marc-Antoine Charpentier, et comme souvent avec cet immense musicien, c’est « double face ». Le Te Deum, indicatif d’Eurovision, c’est toute une époque, « tout un monde lointain » dans la mémoire télévisuelle. On a peine à concevoir un monde baroque sans référence vaste aux œuvres de celui qui fut rival de Lully, illustrateur de Molière, « religieux » d’art officiel catholique, mais aussi des Jésuites, et au fond de son cœur, en pleines Leçons de Ténèbres qui le rapprochaient spirituellement du tragique janséniste…Le Te Deum sera donc une fois encore l’expression de la gloire, mais en arrière du fracas des victoires, il n’est pas interdit de penser à la foudroyante formule du moraliste XVIIe « La gloire est le soleil des morts », et à ce côté d’ombre qui est aussi le visage de Charpentier. L’une des 11 Messes du compositeur, Assumpta est Maria, sera davantage dans l’intime et la tendresse. On peut compter sur Hervé Niquet et son Concert Spirituel pour éclairer avec intuition et grandeur cette personnalité si complexe que leur effort a beaucoup contribué à nous rendre vivante, d’autant qu’Hervé Niquet, comme Philippe Herreweghe, se tourne aussi désormais vers des répertoires classiques et romantiques. On restera en ultra-baroquie italianissime, et du côté de chez les castrats –eux aussi très à la mode, en concerts, au disques, à la télévision, en fictions comme en récits réels -, avec des cantates de Vivaldi et Alessandro Scarlatti vers lesquelles on sera dirigé grâce au violoncelle et à la direction d’Ophélie Gaillard en l’ensemble qu’elle a fondé il y a trois ans, le Pulcinella, et avec une voix de contre-ténor que les spécialistes comparent à celle de Philippe Jaroussky, celle de l’ex-Petit Chanteur de Vienne, Max-Emanuel Cencic.

Tous les autres

Au titre des incontournés par un large public barocco-passionné, voici une nouvelle version du Miserere d’Allegri, mais, si vous savez, ce must que le pape interdisait de pirater sous peine de suspension d’internet et de communion dans l’Eglise. Et que le petit Mozart, parce qu’il était surdoué à la console, avait recopié de auditu proprio et in situ basilicae Sancti Petris… Le King’s College est sous la direction de David Trendell, qui selon la bonne tradition britannique fut d’abord jeune choriste à la cathédrale de Norwich, puis professeur et directeur au King’s, ultra-pédagogue et spécialiste de Byrd. C’est justement Byrd qui avec Tallis et Purcell représente l’âge d’or anglais, non sans un 2nd écho italien avec le Stabat Mater de Pergolèse. En suite de programme, on passe de la cathédrale Saint Théodorit au plein air de la cour et des jardins de l’Evêché, pour la musique de chambre. Belle triade pour des trios pré et post-romantiques le 2nd de Mendelssohn, le 1er de Brahms, et le 1er (Elégiaque) de Rachmaninov. Stéphanie-Marie Degand la violoniste, Marie-Josèphe Jude la pianiste et Emmanuelle Bertrand, outre leur perfection d’interprétariat classico-romantique (l’intégrale du piano de Brahms chez Lyrinx, pour M.J.Jude), se sont constamment engagées dans l’art contemporain, auprès de Tanguy, Ohana, Dutilleux, Bacri, ou Canat de Chizy, et ont adopté des formes d’intervention originales (Emmanuelle Bertrand, avec Pascal Amoyel, crée le « Block 15 », concert théâtral qui témoigne des musiciens sauvés par la musique entre 1939 et 1945). Puis superbement seul en scène et pan-lisztien, le pianiste Giovanni Bellucci joue La Sonate, la Fantaisie-Dante et la transcription-clavier de la 5e de Beethoven. Autodidacte mais vite virtuose, salué par Lazar Berman et l’unanimité de la critique internationale, cet Italien prodigieusement doué est particulièrement spécialiste de Beethoven (les 32 sonates) et de Liszt. La dernière phase des Nuits met en « duo » la guitare classique de Thibault Cauvin et le trio de guitare jazz de Diknu Schneeburger, donne sa radieuse place à la voix si émouvante de Cristina Branco rendant hommage au fado de Amalia Rodrigues , et confie à Thomas Dutronc le soin de poser la question jadis insistante de Papa : « Et moi, et moi et moi… » (Papa qui, dit-on, vit sur les hauteurs corses avec « 30 chats »), mais s’est tourné vers le côté jazz-manouche du monde musical pour s’accomplir avec ou « sans guitare », désormais adoubé par Bireli Lagrene…

Nuits musicales d’Uzès (30), 38e édition. G.Allegri (1582-1652) ; M.A.Charpentier (1634-1704) ; H.Purcell (1658-1695) ; A.Scarlatti ( 1723-1777) ; Franz Liszt ( 1811-1886)….
Vendredi 18 juillet (21h30 ; samedi 19 (22h) ; dimanche 20 (21h30 ; mardi 22, mercredi 23, jeudi 24, samedi 26, dimanche 27 (22h). Information et réservation : T. 04 66 62 20 00 et www.nuitsmusicalesuzes.org

Illustration: Marc-Antoine-Charpentier, Pergolesi (DR)

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