PARIS, Palais Garnier : Eliogabalo de Cavalli : 14 septembre-15 octobre 2016. RecrĂ©ation baroque attendue sous les ors de Garnier Ă Paris… Grâce au musicologue Jean-François Lattarico (collaborateur sur classiquenews, et auteur rĂ©cent de deux nouveaux ouvrages sur l’opĂ©ra vĂ©nitien du Seicento et sur le librettiste Giovan Francesco Busenello), les opĂ©ras de Cavalli connaissent un sursaut de rĂ©habilitation. Essor justifiĂ© car le plus digne hĂ©ritier de Monteverdi aura Ă©bloui l’Europe entière au XVIIè, par son sens de la facĂ©tie, un cocktail dĂ©capant sur les planches alliant sensualitĂ©, cynisme et poĂ©sie, mĂŞlĂ©s. Avec Eliogabalo, recrĂ©ation et nouvelle production, voici assurĂ©ment l’évĂ©nement en dĂ©but de saison, du 14 septembre au 15 octobre 2016, soit 13 reprĂ©sentations incontournables au Palais Garnier. Avec le Nerone de son maĂ®tre Monteverdi dans Le couronnement de PoppĂ©e, Eliogabalo illustre cette figure mĂ©prisable et si humaine de l’âme faible, « effeminata », celle d’un politique pervers, corrompu, perverti qui ne maĂ®trise pas ses passions mais en est l’esclave clairvoyant et passif… Superbe production Ă n’en pas douter et belle affirmation du Baroque au Palais Garnier. Leonardo Garcia Alarcon, direction musicale. Thomas Jolly, mise en scène. Avec entre autres : Franco Fagioli dans le rĂ´le-titre ; Valer Sabadus (Giuliano Gordie)… soit les contre tĂ©nors les plus fascinants de l’heure. Un must absolu.
HISTOIRE ROMAINE. L’histoire romaine laisse la trace d’un empereur apparentĂ© aux Antonins et Ă Caracalla (auquel il ressemblait Ă©trangement), Varius Avitus Bassianus dit HĂ©liogabale ou Elagabal, devenu souverain impĂ©rial Ă 14 ans en 218. L’adolescent, politique prĂ©coce, ne devait rĂ©gner que … 4 annĂ©es (jusqu’en 222). Le descendant des Bassianides, illustre clan d’Emèse, en raison d’une historiographie Ă charge, reprĂ©sente la figure emblĂ©matique du jeune prince pervers et dissolu, opposĂ© Ă son successeur (et cousin), le vertueux Alexandre SĂ©vère. En rĂ©alitĂ©, l’empereur n’Ă©tait q’un pantin aux ordres de sa mère, l’ambitieuse et arrogante Julia Soaemias / Semiamira (comme ce que fut Agrippine pour NĂ©ron). PrĂŞtre d’Elagabale, dieu oriental apparentĂ© Ă Jupiter, HĂ©liogabale tenta d’imposer le culte d’Elagabale comme seule religion officielle de Rome. Le jeune empereur plutĂ´t portĂ© vers les hommes mĂ»rs, Ă©pousa ensuite les colosses grecs HiĂ©roclès et Zotikos, scandalisant un peu plus les romains. Les soldats qui l’avaient portĂ© jusqu’au trĂ´ne, l’en dĂ©mit aussi facilement prĂ©fĂ©rant honorer Alexandre SĂ©vère dont la rĂ©putation vertueuse sembla  plus conforme au destin de Rome. Une autre version prĂ©cise que c’est la foule romaine dĂ©chainĂ©e et choquĂ©e par ses turpitudes en sĂ©rie qui envahit le palais impĂ©rial et massacra le corps du jeune homme, ensuite trainĂ© comme une dĂ©pouille maudite dans les rue de la ville antique.
CAVALLI, 1667. Utilisant Ă des fins moralisatrices, le profil historique du jeune empereur, Cavalli brosse de fait le portrait musical d’un souverain “langoureux, effĂ©minĂ©, libidineux, lascif”… le parfait disciple d’un NĂ©ron, tel que Monteverdi l’a peint dans son opĂ©ra, avant Cavalli (Le Couronnement de PoppĂ©e, 1642). En 1667, Cavalli offre ainsi une action cynique et barbare, oĂą vertus et raisons s’opposent Ă la volontĂ© de jouissance du prince. Mais s’il habille les hommes en femmes, et nomme les femmes au SĂ©nat (elles qui en avaient jusqu’Ă l’interdiction d’accès), s’il ridiculise les gĂ©nĂ©raux et rĂ©gale le commun en fĂŞtes orgiaques et somptuaires, Eliogabalo n’en est pas moins homme et sa nature si mĂ©prisable, en conserve nĂ©anmoins une part touchante d’humanitĂ©. Sa fantaisie perverse qui ne semble connaĂ®tre aucune limite, ne compenserait-elle pas un gouffre de solitude angoissĂ©e ? En l’Ă©tat des connaissances, on ignore quel est l’auteur du livret du dernier opĂ©ra de Cavalli, mais des soupçons forts se prĂ©cisent vers le gĂ©nial Ă©rudit libertin et poète, Giovan Francesco Busenello, dont la philosophie pessimiste et sensuelle pourrait avoir soit produit soit influencĂ© nombre de tableaux de cet Eliogabalo, parfaitement reprĂ©sentatif de l’opĂ©ra vĂ©nitien tardif.
Eliogabalo de Cavalli au Palais Garnier Ă Paris
Du 14 septembre au 15 octobre 2016
Avec
Franco Fagioli, Eliogabalo
Paul Groves, Alessandro Cesare
Valer Sabadus, Giuliano Gordio
Marianna Flores, Atilia Macrina
Emiliano Gonzalez-Toro, Lenia
La Cappella Mediterranea
Choeur de Chambre de Namur (préparé par Thibault Lenaerts)
Leonardo Garcia Alarcon, direction
Thomas Jolly, mise en scène
UN OPERA JAMAIS JOUÉ DU VIVANT DE CAVALLI… Eliogabalo n’est pas en vérité le dernier opus lyrique de Cavalli : le compositeur allait encore en composer deux autres après (Coriolano, Massenzio), mais Eliogabalo est bien l’ultime ouvrage dont nous soit parvenue la partition.  LIRE notre dossier complet dédié à Eliogabalo de Cavalli au Palais Garnier à Paris
SIMULTANEMENT, Ă l’OPERA BASTILLE : La Tosca de Pierre Audi, nouveau directeur du festival d’Aix (en 2018), est l’autre nouvelle production Ă suivre : du 17 septembre au 18 octobre 2016 Ă Bastille. Avec la Tosca de Anja Harteros ou Liudmyla Monastyrska (voir les dates prĂ©cises de leur prĂ©sence), Marcelo Alvarez (Mario), Bryn Terkel (Scarpia)… 10 reprĂ©sentations.
Illustrations : portraits de Cavalli, Busenello — 2 sessions de rĂ©pĂ©titions d’Eliogabalo avec Franco Fagioli sous la direction du comĂ©dien Thomas Jolly / © OpĂ©ra national de Paris