Compte rendu, rĂ©cital de piano. Paris, salle Gaveau, le 4 novembre 2015. RĂ©cital Piano Seasons, les Saisons… Tchaikovski, Piazzola, Carrapatoso. Filipe Pinto-Ribeiro, piano. RĂ©cital intime et poĂ©tique Salle Gaveau ! Le pianiste portugais, – « Steinway Artist » -, Filipe Pinto-Ribeiro offre Ă Paris pour la prĂ©sentation de son nouvel album paru chez Paraty « Piano Seasons », un programme personnel qui est Ă l’image de son album discographique, un parcours musical mĂ©ticuleusement Ă©laborĂ©. C’est un aperçu du contenu du double album, avec les saisons comme thème conducteur. Nous avons donc trois approches diffĂ©rentes sur le sujet avec Tchaikovsky, Piazzolla et Carrapatoso, formant triptyque. L’Ă©vĂ©nement extraordinaire est aussi l’occasion de cĂ©lĂ©brer les 50 ans de la dĂ©lĂ©gation française de la Fondation Gubelkian ; il correspond aussi Ă deux premières françaises des arrangements pour piano.
Explorateur, poète alchimiste, Filipe Pinto-Ribeiro assemble les étapes d’un parcours marqué par la sensibilité et le coeur…
Tchaikovsky, Carrapatoso, Piazzolla…
Voyage au long des époques et des saisons
Le dĂ©but du programme est une citation du maĂ®tre Zen Dogen : « Au Printemps, les fleurs du cerisier, l’EtĂ©, le coucou. L’Automne, la lune, et l’Hiver, la neige, claire, froide ». Une introduction mĂ©ditative qui sied bien Ă la poĂ©sie inhĂ©rente Ă la thĂ©matique du rĂ©cital et ces trois visions des saisons, avec leurs couleurs et leurs arĂ´mes particuliers, immersion spĂ©cifique Ă chacun des siècles des trois compositeurs. Un voyage poĂ©tique et pittoresque au XIXe, XXè et XXIe siècles. Le soliste commence avec des extraits des « Saisons » de Tchaikovsky pour piano solo. Une sĂ©rie de pièces courtes composĂ©e par le maĂ®tre Russe entre la première de son Concerto pour piano en si bĂ©mol mineur et son premier ballet, Le Lac des Cygnes. La commande suscite des contraintes tonales et programmatiques avec une certaine influence allemande, particulièrement Schumannienne, tout en restant remarquablement slave. Filipe Pinto-Ribeiro dĂ©ploie ses nombreux talents dès les premières mesures. Sa très fine sensibilitĂ© est le trait de caractère dominant tout au long du rĂ©cital. Cet aspect touchant se distingue et Ă©tonne davantage dans les extraits Ă la mĂ©trique et au rythme irrĂ©guliers comme « Carnaval ». L’interprète dĂ©ploie sa technique toujours alliĂ©e Ă une sensibilitĂ© directement palpable (« Troika », mouvement d’une difficultĂ© redoutable).« Barcarolle » se fait sommet d’expression et de beautĂ©, non seulement par l’exĂ©cution des aspects polyphoniques et contrapuntiques du morceau, mais aussi grâce Ă l’accord harmonieux de la personnalitĂ© de l’artiste, avec un je ne sais quoi de nostalgique et d’insulaire ; l’approche très poĂ©tique Ă©voque le mouvement lent d’une barque qui appareille pour peut-ĂŞtre ne plus jamais revenir.
Telle sensibilitĂ© romantique se maintient dans la première française des Quatre dernières saisons de Lisbonne de son confrère, le compositeur portugais contemporain Eurico Carrapatoso (il s’agit Ă©galement d’un premier enregistrement mondial). L’œuvre est un mĂ©lange de folklore portugais, de romantisme et de modernisme musical. L’Hiver, au clair de Lune de janvier brillant sur le Tage, n’est pas sans rappeler Debussy et Satie. La Valse mĂ©lancolique du Printemps a un certain charme folklorique tout comme la Marche (im)populaire de l’EtĂ© qui mĂ©lange sombre religiositĂ© et musique de boulevard. Le Fado des Nymphes du Tage de l’Automne est le morceau le plus langoureux : il est ouvertement nostalgique. Un chant viscĂ©ralement Portugais, de grande beautĂ©.
Le rĂ©cital se termine avec la première française d’un nouvel arrangement pour piano solo (signĂ© Marcelo Nisinman) des Saisons de Buenos Aires du compositeur argentin Astor Piazzolla. Sommet du Nuevo Tango mĂ©langeant tango traditionnel, classique et jazz. Ici toute la pompe argentine cĂ´toie en permanence la sensualitĂ© inhĂ©rente au style du tango, tout en dĂ©montrant avec frivolitĂ©, et de façon expressionniste, une riche palette de sentiments (tristesse, solitude, passion…) ; ce par le biais d’une virtuositĂ© pianistique Ă la fois scintillante et directe, dans laquelle Filipe Pinto-Ribeiro ne fait qu’exceller !
L’artiste est aussi gĂ©nĂ©reux avec un public chaleureux et impressionnĂ© : il offre trois bis dont nous relevons la forte sensibilitĂ©, demeurĂ© intacte, en particulier la beautĂ© sublime du premier : une mĂ©lodie de l’OrphĂ©e de Gluck arrangĂ© par Sgambati puis c’est le chant sombre et populaire du Jongo, Dance Nègre d’Oscar Lorenzo Fernandez. Des bijoux musicaux et poĂ©tiques qui confirment l’attrait particulier de ce rĂ©cital intime et virtuose Ă la Salle Gaveau ! La dĂ©couverte d’un pianiste au toucher sensible et Ă la technique remarquable dans le cadre intimiste et chaleureux de la Salle Gaveau s’impose aux auditeurs parisiens venus l’écouter. C’est une soirĂ©e riche en couleurs et en saveurs dont la qualitĂ© mĂ©morable se retrouve dans le disque qu’il vient de faire paraĂ®tre chez Paraty. Un grand artiste Ă suivre dĂ©sormais.
Compte rendu, récital de piano. Paris, salle Gaveau, le 4 novembre 2015. Récital Piano Seasons, les Saisons… Tchaikovski, Piazzola, Carrapatoso. Filipe Pinto-Ribeiro, piano.