La jeune compagnie de danse de Benjamin Millepied, L.A. DANCE PROJECT ouvre la saison chorĂ©graphique du Théâtre de Champs ElysĂ©es « TranscenDanses » avec un programme divers comprenant deux premières europĂ©ennes et la crĂ©ation française de sa dernière production « On the other side ». Au programme : Forsythe, le jeune danseur-chorĂ©graphe amĂ©ricain en vogue Justin Peck, la rarement vue Martha Graham… Une soirĂ©e avec tous les ingrĂ©dients, Made in America, pour plaire au plus grand nombre, nĂ©ophytes et amateurs confondus.
Affinités sélectives en mouvement
La soirĂ©e commence avec la remarquable pièce de William Forsythe « Quintett », sur la musique minimaliste du compositeur contemporain anglais Gavin Bryars. 25 minutes de poĂ©sie et de lyrisme abstrait et ambiguĂ«, avec la dĂ©contraction typique du style Forsythe, en l’occurrence revisitĂ©e par 5 danseurs sur la scène. Dans ce faux pas de cinq, les interprètes paraissent ĂŞtre dans une sorte de quĂŞte sinon existentielle, au moins expressionniste. Le tout pourtant non dĂ©pourvu d’amour ni d’humour, et en dĂ©pit de l’ambiance onirique installĂ©e par la musique rĂ©pĂ©titive, et les canons visuels qui en dĂ©coulent, la performance n’est jamais pesante ni prĂ©tentieuse. Comme souvent le cas chez Forsythe, ses danses brillent par leur sincĂ©ritĂ© Ă©motionnelle et intellectuelle, mĂŞme s’il n’est pas toujours forcĂ©ment compris. La comprĂ©hension est peut-ĂŞtre un facteur clĂ© pour la pièce qui suit, « Helix » de Justin Peck. Après une entrĂ©e au rĂ©pertoire heureuse au Ballet de l’OpĂ©ra de Paris avec sa pièce « In Creases », nous voici quelque peu perplexes. « Helix » a tout pour plaire, belle musique d’Esa-Pekka Salonen, tenues allĂ©chantes et simples de Janie Taylor, des danseurs de qualitĂ©. Or, la chorĂ©graphie certainement non dĂ©pourvue de beautĂ©, a du mal Ă captiver. PoĂ©tique mais pas rĂ©ellement, entraĂ®nante mais pas vraiment. L’impression est en l’occurrence fugace, mais les 9 minutes furent … lentes.
Une toute autre chose, le curieux et heureux regroupement des danses de Martha Graham, mère de la Modern Dance. Il s’agĂ®t d’une sĂ©quence de trois duos extraits du documentaire « A Dancer’s World » (1957). Nous voici devant une ambiance remarquable, au caractère authentique, avec le je ne sais quoi d’Ă©trange au travail du bassin, propre au style Graham. Les six danseurs des trois duos paraissent habitĂ©s d’une dynamique particulière, pĂ©tillante mais pas frivole, et, mĂŞme s’il s’agit des cinq danseurs de la première pièce, plus un sixième, ils ne sont presque pas reconnaissables tellement l’ambiance et la danse sont distinctes. C’est l’œuvre la plus ovationnĂ©e de la soirĂ©e ; nous nous rĂ©jouissons de voir des chorĂ©graphies de Martha Graham sur scène, surtout parce que nous sommes de l’avis que son Ĺ“uvre d’une valeur inestimable, reste trop peu prĂ©sente dans les grands théâtres parisiens, sans justification.
Le programme se termine, Ă©videmment, avec la crĂ©ation française de « On the other side » de Benjamin Millepied, dont la crĂ©ation mondiale eut lieu au mois de juin 2016. Exclusivement sur les musiques de Philip Glass, avec les costumes hauts en couleurs d’Alessandro Sartori, cette commande passĂ©e par Van Cleef & Arpels, est fabuleusement interprĂ©tĂ©e par la troupe. Mi-abstrait, mi-approximatif, le ballet de Millepied paraĂ®t raconter une histoire d’humains. Des ĂŞtres qui peut-ĂŞtre s’aiment, se touchent, se cherchent, se perdent… sans pour autant avoir une narration claire. Nous avons droit Ă une symphonie chorĂ©graphique Ă la musique (et parfois aussi la gestuelle) rĂ©pĂ©titive, avec des moments d’enthousiasme athlĂ©tique so American ; des tableaux de groupe parfois drĂ´les, parfois fantasques, jamais choquants, et surtout des duos Ă l’homosensibilitĂ© saisissante ; celui de deux hommes a fortement touchĂ© le public qui inonde par la suite la salle de bravos abondants Ă l’adresse des interprètes.
Une soirĂ©e et un programme de dĂ©couvertes et redĂ©couvertes, avec des crĂ©ations intĂ©ressantes et surtout une belle occasion de connaĂ®tre les qualitĂ©s du collectif de l’ancien Directeur du Ballet de l’OpĂ©ra de Paris. Des danseurs Ă l’entrain rafraĂ®chissant, performant mĂŞme un hymne Ă la modernitĂ© en mouvement dans un lieu emblĂ©matique de l’histoire de la danse au XXe siècle !