vendredi 29 mars 2024

Richard Wagner: Lohengrin Portrait du chevalier du Graal

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Richard Wagner

Lohengrin

Lohengrin est composé entre 1846 et 1848, au même moment où Schumann compose Genoveva: on peut donc estimer les deux partitions comme deux opéras du romantisme absolu où s’expose la théorie de l’amour et de la réalisation humaine chez les deux auteurs. Les deux ouvrages pâtiront des révolutions de 1848 et ne seront créés qu’en 1850, le 28 août à Weimar concernant Lohengrin au Hof-Theater sous la direction de Franz Liszt. Quelle vision Lohengrin transmet-elle du projet artistique de Wagner et de sa conception de l’amour entre deux êtres?

Lohengrin, dernier opéra romantique de Wagner, brosse le portrait de l’élu, charismatique mais coupé du monde humain, divin mais imparfait dans sa relation avec les mortels. Pour Wagner, c’est la représentation éloquente de la tragédie de l’artiste, écartelé entre le monde idéal et le monde terrestre, entre le Graal et la politique. S’il rejoint à la fin de l’ouvrage le royaume de Montsalvat et sa lumière pure, Lohengrin vit cependant un échec. Il n’a pas pu se faire aimer des hommes. Plutôt être compris qu’être admiré. Comme Wagner, auteur de l’avenir, souhaite se faire aimer du public.
Chevalier du Graal donc être immortel, Lohengrin secourt Elsa von Brabant, contestée politiquement par l’odieuse Ortrud, magicienne noire et envieuse; le chevalier agit, s’engage, prend des risques pour que le bien et la justice soient rendus à qui de droit. La vision de Wagner est dans l’action et n’a que faire du principe esthétique absolu de « l’art pour l’art ».

Il s’agit bien pour le compositeur de rester en relation avec son époque et de défendre un art mortel.
On peut reprocher à Elsa de manquer de confiance en elle pour être digne de l’amour du chevalier qui lui demande une confiance absolue, en lui, dans ses sentiments qu’il éprouve pour elle. Une confiance au delà de toute rationalité et de toute raison: un serment où l’intuition et le sentiment prime.
Mais on peut aussi reprocher à Lohengrin, la monstrueuse demande dictée à Elsa si elle souhaite être digne de cet amour: « tu ne me demanderas jamais mon nom, qui je suis et d’où je viens »… m’aimer tel que je suis, là et maintenant… Qui peut accepter un tel amour?
Aveuglement.

Lohengrin, chevalier de l’impossible

Il était venu (annoncé de ce fait) avec un cygne, il repart avec une colombe: la vision change; elle scelle l’incommunicabilité entre les deux univers. Le cygne était, aboutissement de la magie d’Ortrud, un symbole de passage et de médiation entre le divin et l’humain; la colombe incarne la transcendance et le monde suprahumain.
Lohengrin avant la Tétralogie (et surtout La Walkyrie) souligne cette période cruciale dans la vie de Wagner où lecteur de Shopenhauer (1854), le compositeur a le choc du réalisme tragique de l’existence, d’autant plus vécu par l’artiste, habité par la nécessité vitale de créer et de se faire comprendre voire aimer en retour… Sur terre, rien n’est possible: ni l’accomplissement terrestre de l’auteur en quête de compréhension, ni la réalisation de l’amour qui né du désir, ne produit que désillusion, dépit, échec, destruction… et solitude dans le cas du Chevalier qui retourne à la sphère divine dont il est issu.

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