vendredi 19 avril 2024

Requiem de Berlioz à Bruxelles (Bozar)

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BerliozBruxelles, Bozar. Berlioz : Requiem. Les 6 et 7 novembre 2015, 20h. A l’affiche du Bozar de Bruxelles, la Messe des morts de Berlioz, grande fresque de déploration prolongeant le Requiem fastueux et profond de Gossec, hérité du XVIIIè. L’auteur de la Symphonie Fantastique (1830) élabore un panthéon symphonique pour accueillir les défunts, imaginant avant Verdi, les trompettes du Jugement dernier en une déflagration inimaginables auparavant. Recherche de timbres et de couleurs, expérimentation spatialisée aussi, Berlioz a vu grand, colossal même. Mais pour l’instant d’effusion et d’intimisme, il a préservé le recueillement et l’introspection la plus tendre grâce au ténor soliste convoqué pour le service (Agnus Dei).
Messe solennelle et funèbre… Le Requiem porte la mémoire des célébrations collectives de l’époque révolutionnaire et napoléonienne, ces grandes messes populaires où le symbole côtoie la dévotion, réalisées par exemple par Lesueur. D’ailleurs, l’orchestre de Berlioz n’est pas différent par son ampleur ni par le choix des intruments de celui de son prédécesseur. Berlioz citait aussi pour indication de l’exécution de son œuvre, le decorum des funérailles du Maréchal Lannes sous l’Empire.
Lorsqu’il entend le Requiem de Cherubini pour les funérailles du Général Mortier, en 1835, il songe à ce qu’il pourrait écrire sur le même thème… Sa partition ira « frapper à toutes les tombres illustres ». La commande officielle qu’il reçoit le plonge dans un état d’excitation intense : « cette poésie de la Prose des morts m’avait enivré et exalté à tel point que rien de lucide ne se présentait à mon esprit, ma tête bouillait, j’avais des vertiges », écrit-il encore.
Convoqué en images terrifiantes des croyants confrontés au spectacle de la faucheuse, le thème stimule la pensée des compositeurs au  tempérament dramatique, tel Berlioz, comme Verdi plus tard. Aux murmures apeurés des hommes, correspond l’appel terrifiant des cuivres et des percussions dont le fracas, donne la mesure de ce qui est en jeu : le salut des âmes, la gloire des élus, le Paradis promis aux êtres méritants, la possibilité échue à quelques uns de se hisser au dessus de la fatalité terrestre, rejoindre les champs de paix éternelle… Fidèle à la tradition musicale
sur un tel sujet, Berlioz insiste sur l’omnipotence d’un Dieu juste et la misère des hommes qui implore sa miséricorde.
Or ici les flots apocalyptiques se déversent pour mieux poser l’ample déploration finale, qui fait du Requiem, un œuvre poignante par son appel au pardon, à la sérénité, à la résolution ultime de tout conflit.
Héritier des compositeurs qui l’ont précédé, Gossec, Méhul,  , Berlioz sait cependant se distinguer par « l’élévation constante et inouïe du style » selon le commentaire de Saint-Saëns. Composée entre mars et juin 1837, le Requiem est joué aux Invalides le  décembre 1837 en l’église Saint-Louis des Invalides.
Le Requiem, une célébration mondaine… 
Sur le simple plan visuel, la Grande messe des morts est un spectacle impressionnant. Les effectifs de la création sont vertigineux et donneront matière à l’image déformée d’un Berlioz tonitruant, préférant le bruit au murmure, la déflagration tapageuse à l’expression des passions ténues de l’âme humaine. Pas moins de trois cents exécutants, choristes et instrumentistes, avec à chaque extrémité de l’espace où campent les exécutants, un groupe de cuivres. Si l’on reconstitue aux côtés du massif des musiciens, les cierges placés par centaines autour du catafalque, la fumée des encensoirs, la présence des gardes nationaux scrupuleusement alignés, l’oeuvre était surtout l’objet d’un spectacle grandiloquent et d’un ample déploiement tragique, un théâtre du sublime lugubre. Car il s’agisait en définitive, moins d’une commémoration que d’obsèques.
La renommée de Berlioz gagna beaucoup grâce à cet étalage visuel et humain qui était aussi un événement mondain : « Le Paris de l’Opéra, des Italiens, des premières représentations, des courses de chevaux, des bals de M. Dupin, des raouts de M. de Rothschild » s’était pressé là, comme le précise les rapporteurs de l’événement… pour voir et être vu, peut-être moins pour écouter.
Quoiqu’il en soit les mélomanes touchés par la grandeur de la musique sont nombreux, de l’abbé Ancelin, curé des Invalides, au Duc d’Orléans, déjà mécène du compositeur et qui le sera davantage. Berlioz put avoir la fierté d’écrire à son père l’importance du succès remporté, « le plus grand et le plus difficile que j’ai encore jamais obtenu ».
Et l’on sait que Paris, son public gavé de spectacles et de concerts, fut à l’endroit de Berlioz, d’une persistante dureté (que l’on pense justement à l’accueil glacial et déconcerté réservé à la Damnation de Faust ou encore à Benvenuto Cellini).

Bruxelles, Bozar. Berlioz : Requiem. Les 6 et 7 novembre 2015, 20h.

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