mardi 19 mars 2024

DVD, compte rendu critique. BOITO : Mefistofele. Pape, Calleja, OM Wellber (1 dvd C major 739208, 2015)

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mefistofele-boito-opera-munich-rene-pape-joseph-caleja-dvd-critique-review-cd-classiquenewsCLIC_macaron_2014DVD, compte rendu critique. BOITO : Mefistofele. Pape, Calleja, OM Wellber (1 dvd C major 739208, 2015). En 4 actes, l’ouvrage de Boito assemble les meilleurs éléments de son indiscutable génie dramatique et lyrique. D’abord créé en 1868 à Milan, puis remanié, recréé à Bologne en 1875, enfin recréé à Milan en 1881, Mefistofele est l’aboutissement d’un travail pharaonique réalisé par le librettiste devenu compositeur, toujours soucieux d’honorer sans la dénaturer la source goethéenne qu’il entend servir. Il compose mais écrit aussi le texte de son ouvrage, œuvre de toute une vie. Hélas trop peu jouée car les effectifs y sont démesurés et les parties des solistes redoutables. Plus d’un s’y sont cassés les dents (et la voix).

 
 

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boito-arrigo-mefistofele-operaAu théâtre national de Munich, en novembre 2015, Boito fait son grand retour avec l’opéra faustéen par excellence, où il synthétise toute sa grande ingénierie lyrique apprise auprès de Verdi (comme librettiste de Simon Boccanegra, Otello puis Falstaff) : Mefistofele. Munich a voulu ostensiblement nous en mettre plein la vue, à grand renfort de machinerie impressionnante, style dispositif Lepage pour le Ring du Metropolitan Opera de New York… On peut regretter ces frais visuels démultipliés, mais reconnaissons la cohérence du propos et l’indéniable souffle que la succession des tableaux produit. La mise en scène de Roland Schwab a le mérite de l’ironie et de la facétie, du cynisme et du démoniaque. Ainsi le dispositif met en scène une vaste boîte infernale où l’humanité se vautre sans retenue, excitée par celui qui sait la rendre démente pour sa perte, Mefisto. C’est un grand livre d’images qui répond à la démesure arrogante de son vrai héros en titre, Mefistofele… omniprésent, grand bonimenteur à la face des hommes, passifs, poussifs, naïfs et veuls… Intense, économe dans sa gestuelle, énigmatique et fascinant à souhait, René Pape compose un Mefistofele impeccable : cynique, provocateur, mordant, désabusé mais si juste. Dominateur et d’une perversité brillante. Avec une rudesse voire une âpreté, feinte ou réelle qui saisit. Il est bien ce démon noir qui a la haine de l’humanité, trop heureux d’en révéler à chaque épisode, l’indicible félonie, l’indignité crasse, la repoussante lâcheté…
Côté femmes, l’Elena de Karine Babajanyan s’impose naturellement, mieux que la Margherita, bancale, imprécise et parfois hurlante, – donc agaçante de Kristine Opolais (en rélaité, malgré son engagement dramatique, dépassée vocalement par l’épaisseur du rôle).

 

 

 

Racés, subtils, d’une mâle intensité : René Pape et Joseph Calleja

 
 

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calleja-mefistofeleL’HEUREUSE SURPRISE VIENT DE CALLEJA… Parfois maladroit dans certains Verdi précédemment critiqués (Simon Boccanegra), – malgré un style raffiné toujours impeccable, le ténor Maltais Joseph Calleja a fière allure et affirme un tempérament scénique et vocal, égal au Mefisto de René Pape : le premier est lumineux, ardent et tendre ; le second, noir et satanique : deux voix, deux acteurs d’une présence indéniable, habilement contrastés, s’affrontent ici. Concernant Calleja, l’élégance et le raffinement de son chant (« Dai campi, dai prati », air d’extase espérée, et prière ardente un rien désabusée), idéalement incarné comme expressif, comme son physique, reconnaissons souvent non exploité ailleurs, participe pleinement à la réussite de son Faust. Il veut par arrogance et idiotie, être ébloui par ce que lui apportera le génie démoniaque ; le sommet de cette surenchère et débauche (qui rend les décors et machineries hollywoodiens légitimes de facto) étant au IV, la nuit du Sabbat antique : où paraît Hélène de Troie, la plus belle séductrice faite femme : ici caricaturée en infirmière en chef… au chevet d’un Fasut devenu fou : la séquence est sidérante et juste. L’humanité est maudite, condamnée à la folie collective et individuelle. Pourtant curieux, mais désabusé, Faust, d’une suavité déjà fatiguée, se lasse des offrandes visuelles orgiaques que lui prodigue Mefisto, lequel doit bien admettre, en conclusion, qu’il n’a pas su émerveiller Faust, qui en avait fait la demande.
Faust gavé, lui-même désabusé, meurt mais en adorant Dieu, seule source d’admiration. On sait combien Boito fut d’abord abondant, trop ? (la version de 1868 durait 5h), puis de plus en plus synthétique, réécrivant, réadaptant, racourcissant pour proposer des versions resserrées, mais dignes selon lui du drame épique de Goethe ; en 1875, puis 1876, enfin à la Scala en 1881.

 

Omer Meir Wellber - photo by Tato BaezaDans ce feu d’artifice visuel et dramatique foisonnant, la direction de Omer Meir Wellber parvient à maîtriser l’importance des effectifs présents et l’équilibre scène / fosse. La ligne expressive est préservée parfois au détriment d’une certaine clarté, mais le chef, qualité des meilleurs, sait s’appuyer sur les plus impliqués, dont les deux solistes furieusement mâles, Faust et Mefisto, et les choeurs de l’opéra bavarois, d’une remarquable articulation et prestance dramatique. Dommage que les femmes ne se montrent pas à la hauteur de cette oeuvre singulière et réellement captivante. Le déballage spectaculaire qui s’offre ainsi aux spectateurs pointe les faiblesse et les arguments de l’opéra : sa démesure disparate et son manque de continuité dramatique, mais aussi ses tableaux, chacun, subtilement caractérisé, musicalement comme vocalement : ironie saillante et sardonique de Mefisto qui perce l’unité apparente des anges au prologue ; la scène du jardin au II, où Faust amoureux, s’éprend de la pauvre Marguerite… Le DVD rend compte heureusement de cette vaste fresque entre musique et poésie. C’est un polyptique d’une fièvre expressionniste, touchante dans ses intentions de spectacle total. La rareté de l’œuvre sur scène et donc son caractère exceptionnel au dvd appellent un CLIC  de CLASSIQUENEWS : il était temps de posséder enfin d’une captation intégrale du sommet lyrique de Boito.

 
 
 

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mefistofele-boito-opera-munich-rene-pape-joseph-caleja-dvd-critique-review-cd-classiquenewsDVD, compte rendu critique. BOITO : Mefistofele. René Pape (Mefistofele-, Joseph Calleja (Faust), Karine Babajanyan (Elena), Kristie Opolais (Margherita)… Bayerisches Staatsorchester, chorus and children’s chorus, Bayerisches staatsoper. Omer Meir Wellber, direction. Munich, octobre et novembre 2015 — 1 dvd C major 739208.

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