vendredi 19 avril 2024

Compte rendu, opéra. Nanterre, Théâtre Bernard Marie Koltès, le 18 février 2015. Les Funérailles de la Foire (d’Après Fuzelier, Lesage, d’Orneval). Judith Le Blanc, mise en scène. Compagnie Les Pêcheurs de Perles. Avec Lucile Richardot (La Foire), Geoffroy Buffière (L’Opéra), Cécile Achille et Camille Merckx (les Comédies-Italienne et Française), Valentin Vander (un spectateur agacé, le Médecin, Mezzeval, le Public…).

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CMBV-theatre-de-la-foire-les-funerailles-de-la-foire-lesage-comedie-parodieCLIC D'OR macaron 200Surprenante production où la Foire ne délire pas,  elle si astucieuse et facétieuse en diable. ..  agonise ici telle une mourante qui va expirer. Un spectateur d’ailleurs s’en offusque dès le début,  exprimant non sans justesse qu’il n’est pas venu ici pour pleurer mais bien pour rire. Une Foire qui pleure et sait émouvoir par des pleurs et lamentations déchirantes voilà qui trouble.  Mais la valeur du théâtre forain n’égale t elle pas par sa puissance et son invention les effets de l’Académie royale ? Comique et tragique se côtoient avec une exquise sincérité de ton. La situation pour surprenante qu’elle soit à l’avantage de dévoiler les caractères…L’agonie exacerbe les profils et si l’Opéra son cousin reconforte la condamnée,  les Comédies-Italienne et Française savourent non sans hypocrisie et cynisme la mort prochaine de leur rivale.

Les deux scènes concurrentes (Comédie Italienne et Comédie Française donc) sont de vraies chipies,  mordantes et perverses en diable, prêtes à tout pour faire tomber la Foire : Cécile Achille et Camille Merckx font des sirènes persiflantes jamais en reste d’une duplicité ; face à elles,  l’opéra paraît en casque emplumé façon XVII ème (référence à l’opéra de Lully), plus intéressé que réellement compatissant (le jeu du baryton Geoffroy Buffière devra encore s’affiner) ; c’est essentiellement la mezzo Lucile Richardot qui porte par son naturel délirant,  sa gravité expirante,  sa musicalité sûre et dramatiquement aboutie,  toute la subtile tension du spectacle. Dès le début, son chant du cygne trouble par sa profondeur,  son lugubre sublime qui montre combien tragique et comique fusionnent avec une grâce troublante, rare.

 

 

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A l’époque de la Querelle des théâtres au XVIIIème …

La Foire agonise et … ressuscite

 

Entre les 4 allégories, dont l’activité des confrontations évoque ici la querelle entre les théâtres parisiens,   un même acteur chanteur se distingue aussi : l’impeccable et hilarant Valentin Vander  glisse son évident plaisir théâtral dans la peau de plusieurs personnages : le spectateur outré dont nous venons de parler, Mezzeval, le médecin fossoyeur et ses citations latines qui citent constamment Molière,  un curé transi et un chanoine maladroitement chauffeur de fidèles (pour la messe des funérailles de la Foire), enfin le public qui montre en fin d’action combien il a bon goût … en lorgnant  le décolleté de la Foire. La justesse de son jeu multiple offre au caractère de la Foire,  un vrai partenaire, égal en souplesse expressive, en versatilité émotionnelle.

Tout le travail des chanteurs se concentre sur le jeu de scène … Avec d’autant plus de relief que le décor à part le fauteuil de la foire, se résume au vide du plateau. Sans artifice et sans décorum divertissant,  le spectateur se délecte des vaudevilles, des parodies d’airs tragiques qui émaillent le texte de Fuzelier et Lesage,  génies bien oubliés aujourd’hui de l’intelligence théâtrale. Les deux volets du drame datent de 1718 et 1721 ; ils composent un diptyque aux enjeux contrastés et complémentaires : les funérailles donc affirmant un beau tableau lugubre puis le retour à la vie de celle qui fut enterrée un peu trop tôt.

La succession des airs contrastés, le jeu finement caractérisé des 5 chanteurs-acteurs composent un concentré satirique, parodique, surtout drôlatique qui nourrit toutes les saveurs, d’une heure riche en performances ; captivant et divertissant, le spectacle fait la synthèse de l’histoire de l’Opéra-Comique, c’est à dire la scène lyrique à la marge de l’Académie royale.  Force est de constater qu’ici la contrainte et les règles imposées stimulent l’obligation de renouvellement et d’invention permanente.  Car la Foire continûment brisée,  toujours attaquée,  jamais atteinte, renaît bel et bien coûte que coûte: des funérailles à sa résurrection sans omettre l’hommage de tous, l’esprit forain reste  l’un des plus tenaces, probablement le plus inventif.  Pour preuve cette production qui file sans ennui,  fait rire tout en édifiant.  En combinant l’érudition vivante par ses nombreuses allusions et références, en jouant surtout la carte du parodique délirant,  préservant de facto l’essence de l’esprit comique,  le spectacle est une réussite réjouissante et à ce titre, un coup de cœur donc décroche le CLIC de classiquenews.  Ne manquez pas ses prochaines reprises.

 

 
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Compte rendu, opéra. Nanterre, Théâtre Bernard Marie Koltès, le 18 février 2015. Les Funérailles de la Foire (d’Après Fuzelier, Lesage, d’Orneval). Judith Le Blanc, mise en scène. Compagnie Les Pêcheurs de Perles (benjamin Pintiaux, collaboration artistique). Avec Lucile Richardot (La Foire), Geoffroy Buffière (L’Opéra), Cécile Achille et Camille Merckx (les Comédies-Italienne et Française), Valentin Vander (un spectateur agacé, le Médecin, Mezzeval, le Public…).

Illustration : Lucile Richardot incarne l’ensorcelante Foire © classiquenews 2015

 

 

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