vendredi 19 avril 2024

COMPTE RENDU, CRITIQUE, concert. DIJON, le 19 mars 2019. Soh, Davies, Ens intercontemporain

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Compte rendu, concert. Dijon, Opéra, Le Consortium, le 19 mars 2019. Diana Soh, Tansy Davies, Misato Mochizuki, Maja Solveig Kjelstrup Ratkje, Nina Senk, Lara Morciano / Ensemble intercontemporain. Sous le titre « Féminin pluriel », les solistes de l’Ensemble intercontemporain nous présentent six compositrices de notre temps, nées entre 1968 et 1984. Toutes sont étrangères, d’horizons parfois lointains, la moitié ayant transité par l’IRCAM. La variété de leurs origines, de leurs cultures, de leur parcours nous vaut un programme où les esthétiques se juxtaposent.

   

L’INTER, au féminin pluriel…

 
 
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Pour ouvrir et conclure, deux pièces qui font dialoguer un soliste et l’électronique en temps réel, qu’affectionne particulièrement l’IRCAM depuis Boulez. Diana Soh, singapourienne installée en France, est la première compositrice. Le dispositif complexe qu’installent les techniciens pour cette pièce singulière et concise va permettre au piccolo virtuose de jouer sur tout ce dont l’instrument est capable : les frappes des doigts sur l’instrument, le souffle et l’articulation de l’interprète vont introduire une musique foisonnante, que l’on pourrait imaginer captée dans une gigantesque volière tropicale. [p] [t] [k], écrit en 2014, sollicite une forme de chorégraphie du geste instrumental, stupéfiant dans sa démonstration, tout comme le travail de l’intelligence artificielle de la réponse électroacoustique. Dans Arabescos (2002), Tansy Davies, anglaise, s’inscrit dans une forme et un langage plus « classiques ». Chaque séquence, caractérisée, séduit. A la déambulation du hautbois et du piano, avec des résonances somptueuses du dernier, succède une interrogation que le piano ponctue de petites interjections. La séduction n’est pas moindre de la suivante, de couleur très française. L’humour guilleret des deux complices, puis la jubilation, staccato, avant la détente et le rappel des résonances initiales. On aurait plaisir à réécouter cette œuvre très personnelle. Misato Michozuki, japonaise autant que française nous vaut une œuvre pour hautbois solo, « Au bois bleu » (1998), sorte de ranz des vaches du XXIe siècle, mettant à profit tout ce dont un virtuose est capable pour offrir une palette sonore proprement inouïe. Que de chemin parcouru depuis la Sequenza VII de Berio (1969) ! Fascinant. Maja Solveig Kjelstrup Ratkje, norvégienne, est familière de la scène. Son Breaking the News (2010), sorte de happening pour quatuor (flûte, violon, violoncelle et piano), est une pochade : chaque interprète dispose d’un mégaphone dont il use pour lire un article d’un journal dont il s’est muni, à côté de sa partition. De l’Equipe à El Païs, nous aurons ainsi des nouvelles, rompues par des interventions musicales, où les pastiches, les citations les clins d’œil abondent. Exercice rafraîchissant, chargé d’humour. Le quatuor suivant, Movimento fluido III pour flûte, cor anglais, clarinette et piano (2010), de la slovène Nina Senk, est de toute autre nature, ample, puissante, dramatique, tendue. Version révisée de celle de 2007 pour flûte alto, violoncelle et piano, c’est une œuvre élaborée, qui dépasse le caractère chambriste pour atteindre à une dimension quasi symphonique. Raggi di stringhe s’intitule la dernière œuvre du programme. Ecrite par l’italienne Lara Morciano en 2011 pour violon et électronique en temps réel, c’est une œuvre forte, qui, sans jamais être répétitive, rappelle par moments Different trains (John Adams) par la régularité de la scansion. Les climats changeants, notamment un passage très lyrique, sont chargés d’affects. L’électronique, très élaborée, suscite autant d’intérêt que le jeu extraordinaire de la violoniste.
Y a-t-il clairement une musique de femmes, écrite par des femmes ? Manifestement, la réponse est négative. Ignorerait-on les origines des auteur(e)s que rien ne permettrait d’en deviner le sexe. Le panorama offert témoigne en tous les cas de la vitalité de leur participation à la musique de notre temps, comme de la mondialisation du langage dans sa plus large diversité.

 

 

 

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Compte rendu, concert. Dijon, Opéra, Le Consortium, le 19 mars 2019. Diana Soh, Tansy Davies, Misato Mochizuki, Maja Solveig Kjelstrup Ratkje, Nina Senk, Lara Morciano / Ensemble intercontemporain. Crédit photographique © Albert Dacheux

 

 

 
 

 

 

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