samedi 12 octobre 2024

CD, compte rendu critique. Dixit Dominus : Vivaldi, Handel, Mozart (Jordi Savall, 1 cd Alia Vox, juin 2015)

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dixit dominus handel mozart vivaldi jordi savall alia vox cd review cd critique classiquenews presentationCD, compte rendu critique. Dixit Dominus : Vivaldi, Handel, Mozart (Jordi Savall, 1 cd Alia Vox, juin 2015). Enregistré à l’Auditori de Barcelona début juin 2015, ce programme copieux et cohérent affiche la grande aisance et ce fini instrumental autant autant que vocal qui caractérisent les effectifs réunis autour du catalan Jordi Savall. Comme son pair en réalisations baroques, visionnaires et décisives, William Christie dont le geste margnifiquement ouvragé lui aussi s’est engagé en 2016 pour la défense du message spirituel de JS Bach (fabuleuse relercture de la Messe en si, dont une étape est passée par Barcelona aussi), Savall publie l’expérience sacrée réalisée en 2015, reliant en une filiation secrète les 2 Baroques majeurs : Haendel / Handel et Vivladi, auquels il associe le singulier – entre classique et préromantique, Mozart, tous ambassadeurs de l’épopée guerrière et spirituelle du texte Dixit Dominus. Ne manque ici que la proposition de JS Bach qu’il aurait été pourtant passionnante d’ajouter à ce Triptyque musical, d’une rare pertinence artistique.

Le Psaume 110 (ou 109 dans la nomenclature juive, reprise par La Vulgate de Saint-Jérôme) est l’un des piliers de la dévotion catholique, – alliant foi conquérant et victorieuse, – les enfants et anges armés du Divin s’exprimant dans la jubilation collective, entre nervosité et jubilation suspendue voire extatique. Entre doxologie proclamative (certainement portée,inspirée, pilotée par le Roi David soucieux d’affirmer sa foi) et aussi témoignage d’une foi sincère et intime vécue par chaque croyant (éclat des parties solistiques, en dialogue ou contrepointant la masse chorale). La séquence est particulièrement tout au long de l’année liturgique car elle est donnée en général au début de l’Office dominical des Vêpres.

Chez Vivaldi (Dixit daté de 1717, soit au moment où le Vénitien affirme son statut de compositeur incontournable à la Pietà de Venise, car il devient alors Maestro de’ concerti, après la mort de Gasparini), la coupe rythmique, nerveuse, bondissante mais toujours suave s’impose (on est à l’opposé des stridences âpres voire incisives de bien des baroqueux italiens et français) ; mais le profil plus intériorisé des parties de solistes, – comme le duetto des deux sopranos (Tecum Principium), ou celui plus inquiet, et comme traversé par un sentiment d’incertitude ou de souffrance (De torrente in via bibet, pour contreténor), sait donc cultiver aussi l’impact incarné et intime des prières. Cette lecture proche des souffrances humaines trouve un équilibre somptueusement exprimé ici, par le sentiment de tendresse et les climats de fragilité inhérent à la condition de chaque croyant. Sentiment d’errance instable que résout et finalement efface totalement le trio riche en certitude Gloria Patri (3 voix d’hommes, d’une sobriété rassurante).

  

Dixit superlatif
Triptyque sacré somptueusement inspiré

Dans la perspective du Vivaldi, le choeur du Dixit mozartien (k 193, daté de 1774) semble prolonger cette fraternisation à l’œuvre, en un acte de rapprochement collectif, presque entonné sur le ton de la confidence sereine et sûre, qu’inspire une ferveur inexpugnable, infaillible, inextinguible. La certitude viscérale en serait le caractère le plus emblématique : Mozart nous promet un océan d’apaisement, de joie victorieuse et finale. Malgré son caractère et son esprit fraternel, d’une tendresse inédite alors, la partition marque en 1774, les débuts du service des Mozart, père et fils, à la Cour de l’indigne prince-archevêque Colloredo, lequel finira par congédier les deux musiciens en… 1777.

Le dernier choeur Et in saecula seculorum, – d’un format et d’un esprit très handélien, prépare idéalement au dernier volet de ce triptyque thématiquement très juste. Savall place alors un Magnificat, d’une effusion maternelle inscrite dans la lumière, comme si au sommet de l’acte fervent collectif, l’hommage à la Mère, en était le point le plus intense et le plus profond. En réalité, dans les faits liturgiques, le Magnificat est l’un des derniers épisodes de l’office dominical des Vêpres : sa situation ici est donc tout à fait justifiée. Belle exégèse musicale.

De fait le HWV 232, affirme le tempérament dramatique et nerveux d’un Haendel,… très vivaldien. Comme quoi la boucle est bouclée et ici, souligne une formidable parenté et filiation marquée par la cohérence. Mais l’articulation projetée, quasi guerrière du premier choeur, Dixit Dominus, est d’une remarquable acuité linguistique. « Energisez votre consomnes comme vos voyelles », auraient dii l’excellent Christie. Savall, frère interprète, partage la même exigence comme la même exactitude : l’activité du chœur est superbe de précision, d’abattage, de couleurs et de rondeur « picturale ». Nous sommes à l’inverse de tant de lectures que leurs confrères ou soit disant disciples / héritiers perpétuent aujourd’hui dans la sécheresse ou la précision/sité automatique (cf. les Gardiner, Rousset ou Niquet, tous en perte de vivacité comme d’urgence). Savall a le talent de le vie, du mouvement grâce à des chanteurs nuancés, et comme fragilisés, donc humains, et des instrumentistes prêts à les secourir dans une odyssée musicale qui nous parle essentiellement de fragilité humaine. La tenue pour ce Haendel de la jeunesse (le Dixit est composé en 1707 par un très jeune compositeur de 22 ans, – d’une maturité déjà exceptionnelle, venu à Rome se perfectionner) est ostensiblement lumineuse et éclatante. Portée par une alliance maîtrisée entre urgence et vitalité. Le tonus altier que lui réserve Savall et ses troupes, apporte au caractère collectif outrageusement vainqueur de l’intonation chorale, la vigueur et la force des textes.

 

 

La réussite du geste savallien est de savoir pour chacun des compositeurs, caractériser et colorer idéalement les options expressives, selon les enjeux du texte et l’esprit de l’écriture musique. Ce programme baroque pur, associant 3 « Illustres » de l’histoire musicale entre Baroque et classicisme, rétablit la justesse du geste savallien qui, – aux côtés des innombrables programmes fraternels et de réconciliation entres peuples et cultures – un combat rendu essentiel depuis les 3 années que nous venons de vivre-, s’avère des plus convaincants. L’articulation des textes, la souplesse et l’accentuation du flux musical, la richesse sonore et l’intelligence dans la conception artistique globale, suscitent l’admiration. Excellent triptyque sacré.

 

 

 

CLIC_macaron_2014Cd, compte-rendu critique. DIXIT DOMINUS : Vivaldi, Mozart, Handel. Solistes et instrumentistes de La Capella Reial de Catlunya – Le Concert des Nations (Manfredo Kraemer, concertino). Jordi Savall, direction. 1 cd ALIA VOX AVSA9918.

 

 

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