samedi 20 avril 2024

Angers. Le Quai, le 4 janvier 2012. Jacques Offenbach : La Vie parisienne. Franck Leguérinel… Claude Schnitzler, direction musicale. Carlos Wagner, mise en scène.

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Ce qui prime dans La vie Parisienne, nouvel accomplissement signé Offenbach après La Belle Hélène et Barbe Bleue, c’est son rythme trépidant, ses vertiges pétaradants, son délire sans limite, créant sur scène des instants de théâtre totalement burlesques (les dos qui craquent en cascades au III chez Mme de Quimper-Karadec), ce au rythme d’une loco emballée impétueuse (normal pour une action qui débute Gare Saint-Lazare).


Offenbach déjanté à Angers

Le Mozart des Boulevards connaît l’art du vaudeville (celui de Labiche) et de la comédie légère voire grivoise; mais il sait essentiellement varier et doser les effets contrastés avec un génie indiscutable de l’enchaînement et de la surenchère; resserrée en 4 actes qui passent comme lettre à la Poste, l’action virevoltante de La Vie Parisienne (créée en septembre 1873 au Théâtre des Variétés), rappelle qu’ici le théâtre s’invite à l’opéra en un banquet ininterrompu de sketches et de saynètes.
Carlos Wagner ne manque pas d’esprit, de facéties, d’à propos; structurant la continuité dramatique autour des deux repas (table d’hôte chez Raoul Gardefeu au II) puis souper au champagne (entre autres) où le Baron de G. s’encanaille avec de faux aristos (III)…
Quiproquos, satire sociale, veine comique voire lubrique … en ce sens, les gags de la mise en scène (en veux-tu? En voilà! ) ne maîtrisent pas, a contrario des grands panneaux décoratifs découpés en Tour Eiffel, l’art de la dentelle haute couture: dans une conception un rien racoleuse, souvent les chanteurs en rajoutent un peu trop, préférant l’impact visuel de gestes outranciers à la pure délicatesse de la musique qui, elle, est bien réelle.
Au final, voici un spectacle qui malgré cette infime réserve fonctionne plutôt bien grâce à la drôlerie de certains solistes, très affirmés dans la posture délirante.

A ce titre, saluons le bottier Frick, vrai teuton dépressif (excellent François Piolino), lui-même émoustillé par la belle gantière d’Amel Brahim-Djelloul, laquelle malgré une voix fluide et timbrée, manque a contrario de son partenaire, d’intelligibilité (heureusement que le soustitrage reprécise la verve en diable du livret de Meilhac et Halévy); quoique que sa prestation ubuesque en veuve noire d’un colonel, est l’une des incarnations les plus réussies. Bravo aussi pour le Bobinet de Marc Mauillon, très à l’aise dans cet esprit boulevardier, son naturel lunaire, parfaitement adapté au ton loufoque de la partition captive; à l’inverse, le gardefeu de Christophe Gay n’a pas hélas cette maîtrise. Dans le rôle du baron de Gondremarck, Franck Leguérinel apporte cette saveur idéale d’un vrai chanteur acteur, tout comme Emilie Pictet, Métella, vocalement et scéniquement très fouillée; donc convaincante. Le Prosper de Christophe Mortagne fait mouche: il est épatant dans tous les rôles travestis. Petite réserve en revanche pour le Brésilien de Bruno Camparetti, vocalement limité et lui aussi, assez peu intelligible. Quand on perd la clarté du texte chez Offenbach, 90% du mordant délirant des situations nous échappe.

Dans la fosse, Claude Schnitzler défend avec énergie une partition foisonnante et flamboyante d’airs à succès (premier air du Brésilien; « je veux m’en foutre jusque là » du Baron, « Il est content mon colonel », …). C’est pourtant la frénésie gourmande qui prime ici plutôt que la subtilité magicienne. Créée en décembre 2009 à Nancy, la production reprise par Angers Nantes Opéra n’a rien perdu de sa cohérence visuelle et scénique: on sort du spectacle l’esprit plus léger et l’âme en fête. Voici donc une production idéale pour marquer le début de la nouvelle année 2012.

Dernières dates: ce soir, jeudi 5 puis dimanche 8 janvier 2012.

Angers. Le Quai, le 4 janvier 2012. Jacques Offenbach : La Vie parisienne. Franck Leguérinel (le baron), Christophe Gay (Gardefeu), Marc Mauillon (Bobinet), François Piolino (Frick), Bruno Comparetti (le Brésilien), Christophe Mortagne (Prosper), Amel Brahim-Djelloul (Gabrielle), Emilie Pictet (Métella), Sophie Angebault (La Baronne)… Chœur d’Angers Nantes Opéra, Orchestre national des Pays de la Loire. Claude Schnitzler, direction musicale.
Carlos Wagner, mise en scène.

Illustrations: © Jef Rabillon.

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