vendredi 25 avril 2025

Voyages de Mendelssohn Suisse, France, Angleterre…

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Voyages de Mendelssohn
(Suisse, France, Angleterre…)

Suisse, France, Angleterre, mais aussi Italie (dans notre feuilleton prochain), Mendelssohn, heureux enfant né dans une famille aisée, peut parcourir l’Europe, trouvant dans les paysages rencontrés, une source intarissable pour son oeuvre musicale.
Paris, visité en 1825 puis 1832, le laisse de glace voire irrité… et c’est surtout en Suisse (1822) que l’observateur contemplatif trouve de puissants motifs d’inspiration…
Pendant son premier voyage en Angleterre (1829), le jeune compositeur de 20 ans découvre la force des éléments en Ecosse (grotte de Fingal) et succombe à la mélancolie romantique à Edimbourg où il visite la chapelle de la Reine martyre Marie Stuart. Deux oeuvres témoignent avec force de son inspiration où la musique non descriptive se fait pur langage de l’imaginaire: l’Ouverture des Hébrides et la Symphonie Ecossaise…

Le voyage est inscrit dans les gènes du compositeur, lui qui né le 3 février 1809 à Hambourg, a du fuir la ville hanséatique (devenue française en 1811), pour Berlin, avec ses parents et ses frères et soeur dont Fanny (née le 14 novembre 1805). Plus tard, Mendelssohn se fixe à Leipzig où il dirige la vie musicale, au Conservatoire qu’il fonde, et comme directeur musical de l’Orchestre du Gewandhaus…


En Suisse, de Ferney à Weimar…

Les Mendelssohn aiment voyager. D’autant que les voyageurs circulent en grand train: mêlant ce que le mobile curieux recherche aujourd’hui: évasion et luxe. Dès 1822, le jeune Félix découvre les paysages vierges suisses. Ferney, Chamonix, … autant de sites investis, admirés qui charment jusqu’à l’envoûtement le musicien dessinateur: son sens du dessin et de la précision rappelle le fin orchestrateur. A Kassel, il rencontre un modèle, Spohr. A Weimar, il retrouve Goethe (portrait ci contre) qui ne dissimulera pas son admiration pour le génie musical si prometteur. Le poète parle de ses dons prodigieux, de poète et de musicien, de sa fantaisie et de sa verve imaginative, (semblable au jeune Mozart), capable comme lui d’improviser au piano … sur les thèmes de Bach, Mozart, Beethoven.
Le jeune compositeur s’inspire de ces séjours pour nourrir son écriture musicale: ainsi, parmi les 12 Symphonies écrites comme des exercices à la demande de son professeur, -l’inflexible Zelter,- entre 1821 et 1823, la Neuvième ressuscite clairement l’observation méticuleuse des vallées helvètes. Il en fera de même, 10 ans après, en Ecosse, pour sa Symphonie Ecossaise ( à partir des sensations vécues in situ face aux îles Staffa, au nord est de l’Ecosse, lire ci après).


Paris, le défi perdu

Point de symphonie parisienne dans le catalogue de Mendelssohn… pourtant l’occasion se présenta. Le père Abraham aimait Paris parce qu’il y avait débuté sa carrière (florissante) de banquier en 1799.
En 1825, Mendelssohn séjourne dans la capitale française. L’activité urbaine le séduit… mais, Cherubini, directeur du Conservatoire, (portrait par Ingres ci contre) écoute le jeune compositeur jouer son Quatuor avec piano (opus 3) puis son Kyrie à cinq voix: enthousiaste et critique, le directeur propose au père de former le fils pour atteindre l’excellence. Hélas pour nous français, Mendelssohn se ravise: comment demeurer, écrira-t-il, dans une ville où pas un musicien ne connaît une mesure de Fidelio et surtout, estime Bach (son dieu) comme une « vieille perruque bourrée de science »?
Mendelssohn revient à Paris en 1832, alors capitale du romantisme musical: il y rencontre Chopin, entrevue polie mais sans affinités, surtout écoute avec horreur Robert le Diable de Meyerbeer qui le dégoûte à jamais du grand opéra à la française.


Un Shakespearien au pays de Victoria

Plus qu’aucun autre compositeur germanique, Mendelssohn se montre réceptif aux gloires épiques du romantisme britannique: en Ecosse, sur l’île de Staffa, il visite bien sûr, au Nord Est écossais, en 1829, la caverne profonde dite de Fingal, du nom du père du poète Ossian, guerrier glorieux, mis à l’honneur par la littérature depuis la fin du XVIIIème siècle, par Goethe et plus tard Walter Scott. Napoléon aura pour livre de chevet, les Songe d’Ossian, rêvant lui-aussi des conquêtes et des triomphes militaires… La grotte taillée naturellement, déploie à l’extérieur, ses orgues basaltiques d’origine volcanique qui lui conférant un air d’instrument minéral – à la fois monstrueux et fantastique-, n’ a pas manqué d’embraser l’imagination des jeunes romantiques…

Le compositeur séjourne 10 fois au pays de la Reine Victoria. A 20 ans, jeune découvreur enthousiaste de Shakespeare auquel il offre le génie de sa musique inspirée par A Midsummernight’s dream (Le Songe d’une nuit d’été, composé à 17 ans en 1826), Mendelssohn rend visite à son ami le diplomate Karl Klingermann, nommé à Londres. Le pianiste et aussi l’éblouissant clavieriste aux orgues de Saint-Paul, Mendelssohn séduit les anglais par ses airs polis, idéalement éduqués. En pur conservateur, élevé avec un goût « classique », le musicien admire au musée Titien et Van Eyck mais fustige le barbouillage trop laid d’un certain William Turner… (ci dessous, la Grotte de Fingal par Turner, lui aussi inspiré par cette merveille naturelle).


Affecté par les îles…

Après Londres, Edimbourg… le visiteur de la chapelle où fut couronnée Marie Stuart, la reine décapitée, imagine le début de sa Symphonie Ecossaise. Après Fingal, le musicien découvre les îles Hébrides (août 1829) : il en compose les premières mesures de son Ouverture (intitulée les Hébrides), hommage musical à un paysage dépassant l’imagination. L’oeuvre sera encore le sujet d’un travail méticuleux quant à son orchestration. Elle sera créée en 1832. A son écoute, Wagner pourtant peu admiratif de la musique de Mendelssohn, loue la qualité du paysagiste. Dans la partition, le compositeur montre combien le programme descriptif qui aurait pu guider sa main, sait surtout exprimer et ressentir comme une expérience sensible supérieur, la beauté vécue dans la confrontation des éléments. Dans la même période où Berlioz compose sa Symphonie Fantastique (1830), Mendelssohn souligne combien la musique gagne a contrario à ne pas suivre de plan précis, ni muselée, ni diluée. L’auteur des Romances sans paroles sait combien le verbe et le mot conducteur d’images, peuvent inféoder le flux musical, rétrécir le spectre expressif de la musique. Les notes composent un langage à part entière et Mendelssohn entend le démontrer.

Créée seulement en 1842 ( à Londres), la Symphonie Ecossaise, bien qu’amorcée en 1829, connaît une genèse plus longue encore. Partition rétrospective, nourrie des souvenirs et sensations éprouvées sur le motif, l’oeuvre suscite l’enthousiasme des londoniens et son auteur est présenté à Buckingham, à la jeune Reine Victoria.

Illustrations:
Félix Mendelssohn
Goethe
Cherubini par Ingres

Turner: La grotte de Fingal
La Grotte de Fingal en Ecosse
Félix Mendelssohn, portrait (DR)

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