vendredi 25 avril 2025

Venise. Scuola Grande di San Rocco, le 15 avril 2012. Théodore Dubois : Symphonie Française. Debussy: Fantaisie pour piano (soliste: Alain Planès, piano). La mer. Les Siècles. François-Xavier Roth, direction

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Compte rendu de concert
Venise, week-end inaugural du festival Théodore Dubois
Symphonie Française de Théodore Dubois, le 15 avril 2012
Française et déjà européenne
Une Symphonie « Francaise », sur le papier, sonne démonstrative voire patriotique … En fait il n’en est rien: la partition regarde explicitement de l’autre coté du Rhin… vers Wagner évidemment, source d’inspiration incontournable auquel Dubois apporte sa maitrise harmonique, son talent d’orchestrateur, et surtout son sens de la structure. Subtilement Franckiste, il sait aussi assimiler la forme cyclique: reprise et réitération des thèmes antérieurement énoncés pour assoir davantage la puissante architecture sous-jacente assurant la cohérence interne de sa Symphonie de 1908.

Voici donc une oeuvre au classicisme éloquent que d’aucun voudront inévitablement minimiser dans le contexte de sa création: à l’heure de la révolution debussyste et ravélienne, Dubois pourrait faire figure de passéiste au romantisme désuet…. C’est a contrario une symphonie de synthèse ; et même, au souffle européen, d’autant plus intéressante dans le contexte du fort antagonisme franco-germanique si aigu au début du siècle; Dubois allusivement pacificateur… l’idée est loin d’être inintéressante; elle nuance même de façon imprévue cette esthétique académique que l’on réduit voire caricature par méconnaissance ou par paresse… Dubois fait sa révérence à Schumann et à Mendelssohn … Tout en demeurant fidèle à l’esthétique académique bien française qu’il sert jusqu’à la fin de sa vie.

De Français précisément, outre la citation de la Marseillaise qui émaille en filigrane l’accent et le panache des fanfares de cuivres du dernier mouvement, la partition de réconciliation a bien ce culte inaltérable de l’élégance et de la finesse qui ôte toute raideur à la solennité comme à l’ampleur de la grande forme.

Merci au Palazzetto Bru Zane de nous révéler un massif orchestral d’une grande tenue stylistique. Un nouvel apport mémorable à porter au crédit du Centre de musique romantique française, au même titre que la Symphonie romantique de Victorin Joncières de trente ans antérieure (1878), précédente révélation si enthousiasmante sous la baguette exaltée exaltante d’Hervé Niquet; et, elle aussi, si wagnérienne (avril 2011).

En choisissant Les Siècles, le Festival confirme ce choix légitime qui privilégie la couleur et la sonorité spécifique des instruments d’époque si magnifiquement articulés pour faire respirer un répertoire qui exige légèreté, transparence, couleurs… En ce sens, les instrumentistes requis apportent par exemple les justes proportions aux tutti, notés triples voire quadruples « f »: jamais épaisse, toujours idéalement détaillée, la sonorité de l’orchestre Les Siècles convainc sans rupture expressive ni faiblesse de tension; le geste analytique et si fluide de François-Xavier Roth restitue l’échelle des équilibres entre les pupitres dont chaque couleur et timbre spécifique brille par cette aspérité désormais préservée et en dialogue: les cuivres claquent avec rondeur, les cordes déversent un somptueux tapis aérien sur lequel s’inscrit le chant fruité des bois et des vents…
Bain symphonique d’une magistrale activité, – aux teintes et nuances restituées (présence de 2 harpes Erard)-, la Symphonie de Dubois est un vaste portique que François-Xavier Roth sert avec une vitalité régénérée admirable, évitant non sans justesse le boursouflé, le bavard, le superflu; maître du développement, Dubois évite souvent les dilutions gratuites; il s’accorde chaque séquence formelle en maître du tempo: rien à dire au déroulement du mouvement lent puis surtout au scherzando d’une jubilation trépidante purement …mendelssohnienne! L’imagination, la légèreté du geste, le sens du détail mais aussi cette faculté particulière à souligner l’unité spécifique de la partition en en révélant son écoulement organique… la direction de François-Xavier Roth apporte la souplesse et la transparence nécessaires.
Voilà une oeuvre inconnue restituée en pleine lumière, brillant de tous ses feux, par ses crépitements sonores d’une force presque tellurique du moins déjà impressionnante dès le climat profond et grave (wagnérien, brucknérien….) du largo initial… Base primordiale d’où jaillit et s’écoule l’élan vital pour ne plus jamais s’interrompre jusqu’au dernier accord final… Belle résurrection!


Dubois, Debussy : équation dangereuse?

Le Palazzetto a décidément l’esprit du risque ; à la réhabilitation imprévue du Dubois symphoniste, chaque programme met en regard Dubois avec les fleurons de la modernité … Et non des moindres; afficher Dubois puis Debussy, c’est prendre le risque inévitable d’une comparaison laquelle risque fort de tourner à l’avantage du second; bilan a priori négatif pour une réévaluation attendue du compositeur académique.
Or dans un sillon déjà riche en réalisations passionnantes, le Palazzetto affirme son expertise dans un nouveau registre de concerts: « concerts d’évocation » ou « programmes historiques », où la confrontation des oeuvres programmées restitue l’éclat des écritures mais aussi toute une époque féconde où se nourrissent des esthétiques ici divergentes dont l’enchainement souligne les spécificités percutantes… Les chocs sonores qui en découlent, peuvent s’avérer très formateurs pour les auditeurs, plus habitués aux concerts de confort.
Vertus du concert « historique »
A Venise, jouer la Symphonie Française puis La Mer confirme chaque proposition musicale, rétablit chaque manière dans ses ultimes retranchements; c’est comme s’il s’agissait d’un concert éclectique propre au temps de Dubois et de Debussy: où s’affirme pour le premier, ce culte de la lumière, cette éloquence riche en équilibre et en mesure (si opposée aux germaniques); où se dresse comme un serpent des plus lascifs, l’extraordinaire sonorité d’un Debussy symboliste et impressionniste d’une sensualité orientale totalement irrésistible, ardent poète des climats extérieurs, à l’écoute de la houle océane comme du souffle du vent sur l’onde…
L’un prône le pur respect de la forme; le second réinvente l’écoulement symphonique en faisant éclater le cadre; on ne peut écouter inspirations plus opposées; et pourtant les contraires ici affrontés, s’exaltent; et n’oublions pas non plus que les deux auteurs sont deux Premiers Prix de Rome: le rappeler souligne combien deux lauréats célébrés par la même institution ont évolué si différemment; l’histoire des musiques liées au Prix de Rome recèle bien des surprises… C’est là aussi tout le passionnant chantier auquel s’engage le Palazzetto Bru Zane, depuis sa création à l’automne 2009…
De toute évidence par la sélection des oeuvres présentées, leur combinaison habile qui fait sens, le Palazzetto Bru Zane réussit son premier week end inaugural du festival Théodore Dubois: d’autant que les auditeurs peuvent pleinement mesurer l’apport d’un Dubois académique et raffiné, dans le genre chambriste comme dans la grande forme… Lire aussi notre compte rendu des deux concerts (chambristes) de la veille (« Nirvâna chambriste »: Trio n°2 et quintette de Théodore Dubois), Venise, Palazzetto Bru Zane, samedi 14 avril 2012.


Venise. Scuola Grande du San Rocco, le 15 avril 2012. Theodore Dubois : symphonie française. Debussy: fantaisie pour piano (soliste: Alain Planès, piano). La mer. Les Siècles. François-Xavier Roth, direction.
Jusqu’au 27 mai 2012, 4 week ends Théodore Dubois à Venise

Festival Théodore Dubois et l’art officiel, jusqu’au 27 mai 2012 à Venise. Festival événement présenté par le Palazzetto Bru Zane Centre de musique romantique française. Le Palazzetto organise sa programmation de concerts en plusieurs week ends, occasions rêvées pour séjourner à Venise le temps de son festival de printemps: encore 4 week ends à l’affiche jusqu’au 27 mai 2012 (samedi 28 et dimanche 29 avril: Quatuors et Messe Pontificale de Théodore Dubois; samedi 5 et dimanche 6 mai: musique symphonique et musique de chambre; samedi 19 et dimanche 20 mai: récital lyrique et musique de chambre; samedi 26 et dimanche 27 mai: mélodies et piano à 4 mains…). Chaque programme met en perspective les oeuvres de Théodore Dubois avec celles marquantes à son époque dont celles de Claude Debussy… Toutes les infos sur le site du Palazzetto Bru Zane Centre de musique romantique française à Venise.

festival événement

Le Festival Théodore Dubois présenté à Venise par le Palazzetto Bru Zane, se déroule du 14 avril au 27 mai 2012. Oeuvres symphoniques et sacrées, musique de chambre et programmes lyriques… le festival Théodore Dubois et l’art officiel est l’événement de l’agenda vénitien en avril et en mai 2012… Une occasion exceptionnelle de séjourner dans la Cité des Doges tout en savourant les délices oubliés d’un Romantique français à redécouvrir…

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