L’orchestre de Chambre de Toulouse est audacieux car il propose à son public des interprétations soit sur instruments modernes, soit sur instruments baroques selon le répertoire abordé, parfois dans le même concert. Provoquant la polémique des spécialistes il faut reconnaître que ce concept de baroque contemporain défendu par ces musiciens ravi un public toujours très fidèle. Ce soir, le répertoire baroque tardif pour violon a été honoré avec des compositeurs plus rares que Vivaldi à qui l’orchestre a déjà dédié de nombreux concerts.
Le violon qui aujourd’hui est un instrument si aimé, a du pendant près d’un siècle gagner pied à pied ses lettres de noblesses. Né au XVI° siècle il a du attendre le début du XVII° pour détrôner la viole et s’imposer. L’Italie l’a adoptée en premier lui offrant une place de choix dans la musique savante alors qu’il était issu de la musique populaire.
C’est donc tout naturellement que l’Orchestre de Chambre de Toulouse, constitué de cordes avant tout, a rendu hommage aux compositeurs du baroque finissant, allant jusqu’à 1787 qui ont tant fait pour cet instrument en sa plénitude. Ce concert en forme de patchwork a permis d’apprécier bien des compositeurs à travers l’Europe. Le charme, la virtuosité et la profondeur de sentiment dont le violon est capable ont habité les divers concerti, symphonies, Lamentations et airs de ce programme très agréablement construit.
Gilles Colliard qui dirige l’ensemble depuis 2004 a convaincu dès le début ses musiciens de jouer sur instruments anciens avec cordes de boyaux et archets baroques en fonction du répertoire abordé. Ce soir ils ont donc choisi de jouer uniquement sur ces instruments baroques. Leur aisance est appréciable sur les deux types d’instruments. La rigueur rythmique est étonnante avec une belle virtuosité de tous les pupitres. Les phrasés sont souples mais gagneraient à recherche d‘avantage de liberté et de nuances. Le choix artistique de Gilles Colliard tire ces compositions vers le début de l’âge classique, surtout Abel. Les compositeurs allemands et italiens font la part belle aux sonorités brillantes et à une virtuosité assumée. Mais le Bohémien Zelenka avec ses lamentations pour le Carême offre un mélange assez étonnant entre une basse continue baroque bien repérable et un classicisme formel. Son inspiration est très intériorisée et permet à l’âme du violon de s’exprimer avec beaucoup d’éloquence.
Les interprètes de ce soir ont impeccablement joué leurs parties avec beaucoup de maîtrise et d’élégance. Tout au plus manquait-il un grain de fantaisie baroque.
Le bis accordé a permis de rajouter un autre très grand compositeur pour le violon de l’époque pré classique : Locatelli. Des extraits de son pianto d’ Ariana ont charmés le public avec un mélange unique de virtuosité diabolique et d’intensité émotionnelle.
Ces « meslanges baroques », proposés par L’orchestre de chambre de Toulouse, ont permis de découvrir ou redécouvrir la variété des compositions pour le violon en une époque particulièrement riche.
Toulouse. Eglise Saint Pierre des Cuisines. 19 novembre 2009. Arcangelo Corelli (1635-1713) : Concerto grosso op. 6 n° 1 ; Jan Dismas Zelenka (1679-1745) : Lamentations pour le Carême ; Carl Friedrich Abel (1723-1787) : Symphonie op. 1 n° 5 ; Evaristo Felice Dall’Abaco (1675-1742) : Concerto op. 6 n° 2 ; Georg Philipp Telemann ( 1681-1767): Lustige Suite ; Francesco Maria Veracini ( 1690-1768): Aria Schiavona ; Georg Friedrich Haendel (1685-1759): Concerto Grosso op. 6 n° 8 ; Domenico Scarlatti (1685-1757) : Symphonie n° 7 en do majeur. Orchestre de chambre de Toulouse. Direction et violon, Gilles Colliard.