CD Ă©vĂ©nement, annonce. RICHARD STRAUSS : Zarathustra, Till, Tod, Danses de SalomĂ© (Tanz), Lucerne Festival orchestra – R Chailly (1 cd DECCA, aoĂ»t 2017). EnregistrĂ© au Festival de Lucerne 2017 et constituant son grand programme dâouverture alors (11 aoĂ»t 2017), le rĂ©cital Richard Strauss dirigĂ© par Riccardo Chailly donne la mesure du travail du chef depuis la disparition in loco de Claudio Abbado qui aura tant ĆuvrĂ© pour lâavenir et le niveau musical du Festival suisse (et de son orchestre associĂ©). Depuis 2016, Chailly a pris les rĂȘnes de lâorchestre du festival / Lucerne Festival orchestra / Orchestre du Festival de Lucerne.
AprĂšs un excellent premier disque dĂ©diĂ© Ă Stravinsky (Sacre du printemps / Chant FunĂšbre / Funeral song), ce second opus rĂ©unit au total presque 1h30 de musique straussienne, parmi ses partitions les plus dĂ©licieusement onctueuses, dâun fini orchestral inouĂŻ, et toujours intensĂ©ment dramatique. Avec Gustav Mahler (chef et compositeur comme lui), Strauss demeure le symphoniste germanique le plus prolixe, dâune Ă©gal et flamboyante inspiration : un auteur majeur pour le tout dĂ©but du XXĂš.
Le relief des instruments, cuivres, bois, unisson flexible des cordes indiquent le trĂšs haut niveau des musiciens de lâOrchestre fondĂ© par Abbado en 2003. Le sens de la ciselure et ce mordant qui tend Ă tous les pupitres, Ă caractĂ©riser chaque phrase musicale par chaque instrumentiste sâexplique car chaque partie est tenue ici par le supersoliste dâun orchestre europĂ©en rĂ©putĂ© : la crĂšme de la crĂšme, comme le souhaitait Claudio Abbado dans son projet initial : concentrer chaque Ă©tĂ© des personnalitĂ©s reconnues (solistes, vedettes des programmes concertants et de musique de chambre comme de rĂ©citals en solo) invitĂ©e Ă enrichir encore leur expĂ©rience orchestrale.
Un « orchestre dâamis » souhaitant partager leur amour viscĂ©ral des grandes pages symphoniques (ce qui sâentend nettement dans « Also sprach Zarathustra » – 1896, en particulier dans sa section finale⊠incandescente, crĂ©pitante, et subtilement murmurĂ©e).
En plus de Zarathustra, le disque comprend aussi le poĂšme symphonique Till Eulenspiegels lustige streiche / Till lâespiĂšgle, formidable Ă©popĂ©e comique, burlesque et tragique dâun farceur mis au pilori de la bonne morale bourgeoise (1895) ; la traversĂ©e suspendue entre deux mondes, celui des vivants et celui des morts, Ă©prouvĂ©e, vĂ©cue par un moribond, atteint, dĂ©truit : Tod un VerklĂ€rung (mort et transfiguration), qui finalement se remet aprĂšs avoir ressenti lâabandon de son corps et la morsure de la faucheuse : spirituelle, et lĂ aussi finement caractĂ©risĂ©e, la lecture de Chailly et du Lucerne festival orchestra Ă©tonne par sa force et sa candeur dâintonation ; la vitalitĂ© des espoirs du mourant.
Le clou demeure la Danse des Sept voiles de SalomĂ©, musique suractive, voluptueuse, hypnotique comme peut lâĂȘtre un tableau de lâĂ©rotique Klimt. Chailly montre comment Strauss, hĂ©ritier de lâorchestre opulent, rutilant de Wagner, est un conteur magistral qui dote lâorchestre de couleurs et de parfums supplĂ©mentaires, non plus brumeux et nordiques, celtiques (Wagner et aprĂšs Bruckner), mais plutĂŽt orientaux, colorĂ©s et presque saturĂ©s dâune voluptĂ© nouvelle, gorgĂ©e de noblesse et de scintillements intĂ©rieurs.
Chailly a le sens de la palette straussienne et aussi, comme portĂ© par la rĂ©activitĂ© mĂ»re des instrumentistes, lâinstinct du dĂ©veloppement et de lâarchitecture. Opus majeur.
Parution annoncée le 6 septembre 2019. Grande critique développée dans le mag cd dvd livres de classiquenews.
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AUTRE CD Lucerne Festival Orchestra / Riccardo Chailly critiqué par CLASSIQUENEWS :
CD, compte rendu critique. STRAVINSKY : Le chant funĂšbre, Le Sacre (Chailly, 1 cd Decca 2017). Avouons notre plein enthousiasme pour lâĂ©lĂ©ment moteur de cet album : Le Chant FunĂšbre ⊠sombre et grave, et mĂȘme lugubre, dĂšs son dĂ©but, la partition cultive le mystĂšre Ă la façon dâune marche envoĂ»tĂ©e. Puis surgit une mĂ©lopĂ©e sinueuse Ă peine Ă©claircie par la flĂ»te et les violons, comme un dernier rĂąle. La rythmique un rien sĂšche, abrupte nâa pas encore la souple voluptĂ© Ă la fois incisive et mordante du Stravinsky mĂ»r. Câest une Ă©tape qui doit encore beaucoup Ă lâesprit de malĂ©diction, Ă©pais et sirupeux de LâOiseau de feu, mais la magie aĂ©rienne en moins. Et pourtant en un ruban sensuel et comme empoisonnĂ©, le jeune Stravinsky a le gĂ©nie de la couleur et des atmosphĂšres souterraines (montĂ©es harmoniques en orgue), ⊠ce pourrait ĂȘtre un poĂšme dramatique, hallucinĂ© entre Rachmaninov, le Tchaikovski le plus Ă©chevelĂ©, Liszt et Scriabine, entre torpeur, ivresse, fĂ©erie mortifĂšre. Lâapplication quây dĂ©veloppe Chailly est passionnante : le geste rend justice Ă une partition (opus 5) il est vrai, clĂ©. LIRE notre critique cd complĂšte : Lucerne Festival Orchestra / Riccardo Chailly.