Poitiers, TAP. Jeudi 12 novembre 2015, 20h30. Mendelssohn, Sibelius, Schumann... Superbe concert symphonique Ă Poitiers au TAP, ce 12 novembre avec plusieurs oeuvres de compositeurs exaltĂ©s par le spectacle de la nature, flamboyante et insaisissable : Mendelssohn et Schumann, deux romantiques allemands (dâautant plus “naturels” dans ce programme puisque la saison 2015 – 2016 du TAP fĂȘte lâAllemagne) ; mais aussi des Ćuvres rares et concertantes (avec le concours du violoniste français Nicholas Dautricourt) du plus grand compositeur pour lâorchestre en Finlande : Jean Sibelius.
DĂšs 18h30⊠A lâoccasion de ce grand concert symphonique de la nouvelle saison 2015-2016 du TAP de Poitiers, les spectateurs pourront assister dĂšs 18h30 au Bar de l’Auditorium Ă une rencontre confĂ©rence (entrĂ©e libre) en prĂ©sence du chef invitĂ© (Jean-François Verdier) oĂč un comĂ©dien (JĂ©rĂŽme Rouger) Ă©lucidera non sans facĂ©tie les enjeux de la question qui fait dĂ©bat : pourquoi les chefs dâorchestre mĂšnent-ils tout le monde Ă la baguette ? (premiĂšre de trois sessions programmĂ©es au TAP : les 12 novembre donc, puis 11 fĂ©vrier et 17 mars 2016).
Mendelssohn, Sibelius, Schumann
3 poĂštes de la Nature
A 20h30⊠La Nature, étourdissante, flamboyante, inspirant un lyrisme éperdu, triomphe dans ce programme qui réunit les Romantiques Mendelssohn et Schumann, et aussi le moderne, génie de la musique symphonique en Finlande, Jean Sibelius (dont 2015 célÚbre le 150Úme anniversaire : LIRE notre dossier Sibelius dossier 2015).
Dâabord, lâouverture “Les HĂ©brides” du hambourgeois FĂ©lix Mendelssohn traduit le processus crĂ©ateur que cultivent les compositeurs : la nature leur fournit des sensations souvent vĂ©cues sur le motif (câest le cas de Mendelssohn, spectateur exaltĂ© pendant un voyage en Ecosse en 1829). LâĂ©criture nâest pas descriptive ou strictement narrative mais plutĂŽt subjective et intensĂ©ment Ă©vocatrice, recomposant le sujet observĂ©, traduisant les riches impressions ressenties devant cette Grotte de Fingal, – autre titre de la piĂšce -,  prodige minĂ©ral balayĂ© et fouettĂ© par la mer, et qui offre Ă Mendelssohn panthĂ©iste et naturaliste de premier ordre, lâoccasion dâexprimer en musique la grandeur et le caractĂšre surnaturel du spectacle ainsi dĂ©couvert pendant son voyage. RĂ©visĂ©e et achevĂ©e en 1830 (Ă Paris), lâannĂ©e de la Symphonie Fantastique de Berlioz, lâouverture “Les HĂ©brides” diffuse intactes, la puissance et la magie de l’impĂ©nĂ©trable Nature.
Tout aussi sensible Ă la Nature, Jean Sibelius (mort en 1957) en Finlande incarne le miracle symphonique scandinave qui prend son essor dans la premiĂšre moitiĂ© du XXĂšme (aux cĂŽtĂ©s de Nielsen, son contemporain danois). AprĂšs le premier romantique Mendelssohn, Sibelius approfondit encore lâexpression musicale de la Nature dans un style encore plus personnel et surtout synthĂ©tique : Ă©lan printanier, Ă©blouissement solaire ou plĂ©nitude suspendue de lâhiver, lâĂ©criture de Sibelius apporte autant que Mahler, le gĂ©nie dâun imaginaire inĂ©dit pour lâorchestre. OĂč le jeu des timbres associĂ©s, le dialogue entre les pupitres (cordes, cuivres, bois et vents), surtout lâexposition unique des thĂšmes caractĂ©risent un style immĂ©diatement reconnaissable par son irrĂ©pressible ardeur, entre passion, mystĂšre, intĂ©rioritĂ©.
Les Deux SĂ©rĂ©nades pour violon et orchestre opus. 69, créées en 1915 colorent la sensibilitĂ© instrumentale du compositeur, son souci de la couleur comme de la construction, par une teinte profondĂ©ment mĂ©lancolique (que lâon retrouve aussi dans son exceptionnel Concerto pour violon composĂ© 10 ans auparavant en 1905).
Cycle dâune rare cohĂ©rence poĂ©tique, les Six Humoresques (1917-1919) consultent les pages dâun livre de paysages dâune Ăąpre et pĂ©nĂ©trante beautĂ© : Sibelius y redouble dâexaltation et dâintrospection, sachant varier les climats et soigner lâenchaĂźnement des 6 piĂšces dont la derniĂšre, la plus bouleversante, bascule en un rĂȘve intĂ©rieur.

Nicholas Dautricourt, violon (DR)
La Valse triste de 1904 est contemporaine de la composition de la Symphonie n°3 en ut majeur : elle est emblĂ©matique de la rĂ©ception des oeuvres de Sibelius : au dĂ©part destinĂ©e comme musique de scĂšne Ă la piĂšce Kuolema d’Arvid Jarnefeld, la force pudique de son irrĂ©pressible Ă©lan lâa immĂ©diatement distinguĂ©e et depuis le chef lĂ©gendaire Karajan, (celui mĂ©ditatif et le plus rentrĂ©, – qui aima l’enregistrer avec le Berliner Philharmoniker-), la piĂšce jouĂ©e dĂ©sormais de façon indĂ©pendante, fait partie des grands tubes des concerts symphoniques : elle touche par sa pudeur mesurĂ©e, et son intensitĂ© quasi spirituelle, construite sur le plan favori du compositeur : une croissance progressive du matĂ©riau sonore qui de fait, en sĂ©quence finale, exulte et sâembrase, pour revenir au murmure du dĂ©but. Un chef dâoeuvre dramatique, qui saisit aussi par sa science de lâinstrumentation.
AprĂšs lâentracte, la Symphonie n°1 « Le Printemps » de Robert Schumann regarde du cĂŽtĂ© de lâexaltation juvĂ©nile dâun Mendelssohn. En 1841, Schumann est lâheureux Ă©poux de la pianiste Clara Wieck dont le pĂšre nâavait cessĂ© dâoeuvrer pour reporter la noce. ExaltĂ©e elle aussi, mais aussi dâun tendresse qui sait ĂȘtre recueillie et intensĂ©ment pudique (rĂȘverie du Larghetto), la premiĂšre Symphonie de Schumann est un feu ardent et lumineux, le premier essai – rĂ©ussi- du compositeur dans le format symphonique, lui qui nâavait jusque lĂ que traiter en maĂźtre, les oeuvres pour piano et le lied (mĂ©lodie germanique). Et signe dâune filiation fraternelle prĂ©sente dans le choix du programme de ce concert, câest Mendelssohn lui-mĂȘme au Gewandhaus de Leipzig, qui crĂ©e la partition le 31 mars 1841, dĂ©livrant cette joie spontanĂ©e, de fait printaniĂšre qui est la couleur gĂ©nĂ©rale de toute la Symphonie.
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Poitiers, TAP Théùtre Auditorium
Jeudi 12 novembre 2015, 20h30
Concert Mendelssohn, Sibelius, Schumann
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Felix Mendelssohn : Les Hébrides op. 26 (ouverture)
Jean Sibelius :
Sérénade n°2 pour violon et orchestre en sol mineur op. 69,
Humoresques pour violon et orchestre
(Nicholas Dautricourt, violon)
Valse Triste op.44
Robert Schumann : Symphonie n° 1 en si bĂ©mol majeur op. 38 Le PrintempsÂ
Orchestre Poitou-Charentes
Jean-François Verdier, direction
