CD. Simone Kermes : Bel canto ( 1 cd Sony classical) … Diva abonnĂ©e aux risques et aux rĂ©citals conçus comme de surprenants pots pourris (au sens du XIXème : combinant airs cĂ©lĂ©brimissimes et inĂ©dits Ă fort potentiel), la diva Simone Kermes signe un nouvel album indiscutablement exaltant offrant dans ce panorama bel cantiste, – Ă part Monteverdi, unique immersion baroque, et qui fait figure de très beau ressourcement aux origines-, une leçon de romantisme vocal ou de Bel Canto romantique.
Aux cĂ´tĂ©s des airs très connus et abordĂ©s (voire sublimĂ©s) par les plus grandes avant elle (dont Ă©videmment CaballĂ© pour ici Casta diva et I Masnadieri…), Simone Kermes Ă©claire plusieurs avatars du sentiment romantique selon les auteurs, de Rossini (extraits de Maometto II et Semiramide), Bellini (Norma, Adelson e Salvini), surtout Donizetti dont le piquant lui va Ă ravir (lire ci après), enfin les Verdi de jeunesse, celui guerrier et très ouvertement patriote de I Masnadieri et particulièrement Attila : l’Ă©pĂ©e vocale qu’y brandit l’hĂ©roĂŻne Odabella, est pleine d’Ă©clat et d’esprit de conquĂŞte : une lame qui est comme la voix affĂ»tĂ©e, osant tout, y compris l’assurance d’aigus lumineux.
De toute évidence, sa voix blanche, de baroqueuse assumée, au vibrato très contrôlé, accordée à une technique de vraie coloratoure souvent insolente qui lui permet de vocaliser autant de variations libres, confirme un vrai tempérament vocal et dramatique.
Simone Kermes, bel cantiste accomplie
L’excellent Mercadante (Virginia d’ouverture, Naples 1866) affirme sa nature idĂ©ale en coquette triomphante (un caractère très wĂ©bĂ©rien et aussi Straussien, celui de La Chauve souris), associant du piquant et de la tendresse virevoltante. MĂŞme instinct musical remarquable pour ses Donizetti, frappĂ©s d’une belle audace (avec ce mordant expressif parfaitement Ă©noncĂ© pour la rare et captivante Betly – Naples 1836-, dont les accents buffa annoncent l’astucieuse Norina de Don Pasquale de 1843) ; ses Bellini, sont tendres, et ses Verdi (I Masnadieri) plus intĂ©rieures et tragiques, dĂ©voilent une sensibilitĂ© aiguĂ« d’amoureuse plus grave, nous offrant comme variations, (et se distinguant de son aĂ®nĂ©e Montserrat CaballĂ© lĂ©gendaire ici), des cascades de vocalises parfaitement enfilĂ©es : l’indice d’une superbe actrice, n’hĂ©sitant pas Ă la diffĂ©rence de nombre de ses consĹ“urs moins audacieuses, Ă affirmer un vrai format dramatique qui passe essentiellement par une maĂ®trise technicienne impressionnante et un style prĂŞt Ă en dĂ©coudre.
Moins convaincante cependant dans Mozart, Simone faiblit dans le plus classique des romantiques : sa Reine de la nuit patine surtout dans le second air, plus mitraillée voire mécanique.
Quoiqu’il en soit la diva Ă©merveille dans le choix des airs, très habilement enchaĂ®nĂ©s : une galerie d’hĂ©roĂŻnes romantiques dont elle maĂ®trise toutes les facettes tĂ©nues de ce bel canto synonyme grâce Ă sa conception d’Ă©lĂ©gance lĂ©gère, de virtuositĂ© subtilement expressive. Au registre de la tendresse, Adelson e Salvini, ouvrage du premier Bellini (Naples 1825) fait rayonner la langueur crĂ©pusculaire portĂ©e Ă son sommet dans Casta diva (Norma 1831) : sur la harpe enchantĂ©e, la voix de la soprano trouve ici et lĂ , pour Nelly comme pour Norma, le ton juste entre naturel et Ă©lĂ©gance : une Ă©vidente comprĂ©hension de l’art du bel canto, de nature extatique, sans jamais perdre le relief ni la tension articulĂ©e du texte (très beau legato pour le chant Ă©lĂ©giaque de la prĂŞtresse gauloise. De toute Ă©vidence, une superbe incarnation qui assoit si nous en doutions, la musicalitĂ© souveraine de la diva.
Quant au style rossinien, sa seule Semiramide (Venise 1823), d’un aplomb plus classique et d’une grâce Ă©thĂ©rĂ©e, avec ses cascades parfaitement filĂ©es elles aussi, confirme la très grande classe d’une pyrotechnicienne de haut vol. Son ” Bel raggio lusinghier “, modèle de dĂ©claration amoureuse princière classe d’emblĂ©e ” La Kermes ” parmi les plus habitĂ©es : musicalitĂ©, technique, style, surtout feu exaltĂ©/exaltant : d’une belle santĂ© vocale, la diva double sa maĂ®trise technicienne d’une incarnation stylĂ©e, d’un angĂ©lisme clair et cristallin qui foudroie. Quelle classe !
En Ă©gĂ©rie romantique, ambassadrice d’un rĂ©cital Ă©patant, la diva Simone Kermes convainc absolument entre haute virtuositĂ© coloratoure et incarnation dramatique subtilement nuancĂ©e. Prolongeant ses prĂ©cĂ©dents ” dĂ©lires ” baroques (Vivaldi), la muse romantique (qui s’affiche ainsi en couverture, nous promettant la lĂ©vitation) atteint Ă©videmment son objectif. Et ce n’est pas la complicitĂ© des instrumentistes du Concerto Köln qui dĂ©ment une telle rĂ©ussite musicale. Superbe rĂ©cital.
Simone Kermes, soprano. Bel canto. Bellini, Rossini, Donizetti, Verdi, Mercadante, Monteverdi …Â Â 1 cd Sony classical