COMPTE-RENDU, critique, oratorio. VERSAILLES, Chapelle royale, le 24 nov 2019. HAENDEL : La Resurrezione. Les nouveaux Caractères, SĂ©bastien d’HĂ©rin. Les Nouveaux Caractères sous la direction de leur chef fondateur SĂ©bastien d’HĂ©rin donnent cet après midi la première de leur lecture d’un oratorio flamboyant mais dramatiquement saisissant : La Resurrezione de Haendel (1708), alors que le Saxon encore jeune achève son tour d’Italie, dĂ©couvrant Ă Rome (1706 – 1710), et le genre de l’oratorio et l’expressivitĂ© virtuose de la ferveur italienne.
Il en découle un drame sacré d’une étonnante puissance, lié certes à la musique, mais aussi au texte d’un lettré romain, particulièrement inspiré par le sujet du mystère et du miracle de la Résurrection ; chaque témoins du Miracle exprimant sa sidération et sa compassion admirable à mesure que le Diable se réjouit au contraire de la mort du Sauveur dont il doute de la nature divine et salvatrice.
Haendel reprend ici la tradition des oratorios du XVIIè, des Sepolcri, de tous les oratorios qui organisent l’expansion du drame musical à partir des personnages clés que sont la Vierge, Marie-Madeleine, Jean… chacun de leur air cristallise l’émotion ressentie et l’intensité de leur foi revivifiée.
Sébastien d’Hérin réactive à son tour la puissance dramatique de la partition, dans l’énergie et d’indiscutables rebonds dramatiques, se rappelant très probablement les plus de 40 musiciens (jusqu’à 47 !) qui sous la direction de Corelli assurèrent la création du drame allégorique au Palais Bonelli (propriété du commanditaire le Prince Francesco Maria Ruspoli).
Versailles réussit un coup de maître
en associant au décor de la Chapelle royale,
l’oratorio romain La Resurrezione de Haendel
superbement dĂ©fendu par SĂ©bastien d’HĂ©rin et ses Nouveaux Caractères…
Haendel joue avec un instrumentarium minutieusement choisi (comme JS BACH dans ses Passions) et SĂ©bastien d’HĂ©rin dĂ©montre une rĂ©elle sensibilitĂ© pour les timbres, veillant Ă la tenue des trompettes, hautbois, thĂ©orbe, viole de gambe, sans omettre le concert de flĂ»tes (Marie Madeleine ; ou la flĂ»te solo pour Jean) qui marquent de façon spĂ©cifique, le caractère de chaque intervention magnifiquement incarnĂ©e. D’autant que le choix des solistes accrĂ©dite la valeur de l’approche, dĂ©sormais emblĂ©matique du travail de SĂ©bastien d’HĂ©rin, dans la caractĂ©risation des personnages sacrĂ©s, dans l’explicitation graduelle et argumentĂ©e du drame, l’un des plus aboutis, des plus riches mĂ©lodiquement, et des mieux conçus par son architecture dramatique. On y relève par exemple le final de la première partie qui deviendra cette fameuse bourrĂ©e de la Water Music ; de mĂŞme que la conception impressionnantes des Ă©vocations confiĂ©es en particulier aux cordes, au souffle Ă©pique (entre autres, air pour Jean : “Cosi la tortorella” qui oppose la certitude ailĂ©e de la colombe aux plongeons tĂ©nĂ©breux du faucon prĂŞt Ă la chasser et fondre sur elle…), annonçant les grands oratorios de la maturitĂ©, ceux anglais de la dĂ©cennie 1740 (auxquels appartient Le Messie). SĂ©bastien d’HĂ©rin n’omet ni les vertiges d’une foi Ă©clatante, ni la sincĂ©ritĂ© de chaque protagoniste dont sobre et percutant, le soprano direct de Caroline Mutel (Marie-Madeleine), comme l’aplomb textuel de la basse FrĂ©dĂ©ric Caton (Lucifer). En Delphine Galou que nous avions il y a quelques annĂ©es dĂ©couverte dans le Viol de Lucrèce de Britten Ă Nantes, Marie-Cleophas gagne un relief Ă©vident, une prĂ©sence indĂ©niable grâce Ă sa persuasion mĂ©lismatique et son sens du texte. Les nouveaux Caractères n’en sont pas Ă leur premier concert dans le château de Louis XIV : ils y ont ressuscitĂ© Le Devin du village de Rousseau, ou L’Europe Galante de Campra… avec ce mĂŞme souci de prĂ©cision et de vraisemblance expressive.

Les auditeurs de la Chapelle royale de Versailles savent l’acoustique si particulière du lieu historique. Le jour de Pâques 1708, c’est la diva Durastanti qui chantait Madeleine tandis que deux castrats réalisaient les deux parties de soprano. A Versailles, sous la voûte peinte et son sujet du Christ ressuscité (par le néovénitien et grand coloriste La Fosse), la musique de Haendel a su émouvoir et toucher l’audience en une expérience unique qui se produit comme rarement quand le geste musical, le thème du drame, collent idéalement à l’écrin patrimonial qui les accueille (La Fosse peint sa Résurrection à la même époque que Haendel soit de 1708 à 1710 : magistrale convergence !). Superbe production qui atteste de la grande maturité artistique de l’ensemble fondé par Sébastien d’Hérin : Les Nouveaux Caractères. A suivre.
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COMPTE-RENDU, critique, oratorio. VERSAILLES, Chapelle royale, le 24 nov 2019. HAENDEL : La Resurrezione. Les nouveaux Caractères, Sébastien d’Hérin.
Jeanine De Bique, soprano (l’Ange)
Caroline Mutel, soprano (Marie-Madeleine)
Delphine Galou, contralto (Marie-Cleophas)
Hugo Hymas, ténor (Jean)
Frédéric Caton, basse (Lucifer)
Les Nouveaux Caractères
Sébastien d’Hérin, direction musicale
Les Nouveaux Caractères, SĂ©bastien d’HĂ©rin Ă VERSAILLES :
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CD, critique. ROUSSEAU : Le devin du village (Château de Versailles Spectacles, Les Nouveaux Caractères, juil 2017, cd / dvd). “Charmant”, “ravissant”… Les qualificatifs pleuvent pour évaluer l’opéra de JJ Rousseau lors de sa création devant le Roi (Louis XV et sa favorite La Pompadour qui en était la directrice des plaisirs) à Fontainebleau, le 18 oct 1752. Le souverain se met à fredonner lui-même la première chanson de Colette, … démunie, trahie, solitaire, pleurant d’être abandonnée par son fiancé… Colin (« J’ai perdu mon serviteur, j’ai perdu tout mon bonheur »). Genevois né en 1712, Rousseau, aidé du chanteur vedette Jelyotte (grand interprète de Rameau dont il a créé entre autres Platée), et de Francœur, signe au début de sa quarantaine, ainsi une partition légère, évidemment d’esprit italien, dont le sujet emprunté à la réalité amoureuse des bergers contemporains, contraste nettement avec les effets grandiloquents ou plus spectaculaire du genre noble par excellence, la tragédie en musique.
CD, critique. CAMPRA : L’EUROPE GALANTE, 1697 (Nouveaux Caractères, Hérin, nov 2017 – 2 cd CVS Château Versailles Spectacles). Campra dut-il décamper ? Le 24 oc 1697, le compositeur employé de l’Archevèque de Paris, n’avait pas souhaité voir mentionné son nom sur les affiches et le livret car son patron n’aurait pas vu d’un bon œil la conception d’un ouvrage à la sensualité et aux références érotiques scandaleuses… Dans les faits, Campra revendiquera officiellement la paternité de l’Europe Galante, puis du Carnaval de Venise de 1699, après s’être libéré de ses engagements d’avec l’Archevêché de Paris en octobre 1700. Le Ballet selon la terminologie du XVIIè (et non pas « opéra-ballet » comme il est dit aujourd’hui par les musicologues), séduit immédiatement par la sensualité séduisante de son écriture, la fine caractérisation des actes selon le lieu concerné et le style « ethnographique » évoqué.
