mardi 6 mai 2025

Saint Gery. Orangerie du Château. 20 juillet 2011. Frantz Schubert, Dmitri Chostakovitch, Félix Mendelssohn. Quatuor Modigliani

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Le Quatuor Modigliani ouvre grand la vision


Le festival Chambre avec vues en est à sa troisième édition.
Ce pari audacieux de faire entendre de la musique de chambre en pays rabastinois, en des lieux souvent rares, bénéficie cette année du parrainage du prestigieux Quatuor Modigliani dont la valeur n’attend pas non plus le nombre des années. En l’Orangerie du très beau château de Saint Gery, toute de brique et de chaux blanche, la noblesse a rencontré la grâce sous le voile de l’éternité. L’instabilité de la météo a forcé à ce repli obligeant plus de 100 personnes à renoncer au concert car le vaste parc initialement prévu aurait pu accueillir tous ceux, trop nombreux, qui sont venus demander des places.
L’acoustique parfaite du lieu, sa simplicité ont été d’un rare charme, permettant de découvrir un beau lieu de concert.
Les Modigliani qui voyagent dans le monde entier ont accepté l’invitation en cette campagne tarnaise en voisins, car la région toulousaine a vu naître certains de ses musiciens.
Un public très nombreux a été très attentif à fêter d’emblée les jeunes instrumentistes dès leur entrée en scène. Le choc a été terrible quand dans cette atmosphère à la grâce aimable a surgi l’adagio presque atonal du quatuor D 46 de Schubert dans un tempo étiré qui a renforcé l’impression d’inquiétante étrangeté qui s’en dégage. Il est si troublant que cette œuvre si forte soit celle d’un tout jeune Schubert âgé de 16 ans ! L’auditeur subit un rapt de son quotidien par cette entrée en matière en forme de passage vers un autre monde. Celui de la simplicité faite musique mais sans repères harmoniques stables. La complicité de tous les instants par les regards, les sourires et les respirations est si belle à voir et si sensible à entendre ! Les concerts de ce quatuor sont chaque fois un instant magique. La montée en puissance de l’allegro con brio et sa franchise ont été parfaitement rendues. La beauté de la sonorité de chaque instrumentiste est mise au service de tous et le résultat est particulièrement émouvant. Les nuances sont parfaitement maîtrisées couvrant un très large spectre. Dans l’andante les chromatismes sont mis en valeur avec art. Le minuetto est plein de contrastes et la deuxième partie pianissimo nous démontre combien cette nuance avec cette harmonie des sons est un atout maître de ces jeunes sorciers. Ce son piano si fragile et si présent à la fois est désarmant. Quand au final dans un tempo vif il a semblé quitter la terre par son aérienne élégance. Cette œuvre de jeunesse porteuse déjà de grands moments a ouvert une série de trois œuvres associée pour cette raison. En effet le premier quatuor de Chostakovitch ( qui en écrira 15) date de 1938, proche du divertimento il a une allure classique, tout en mélangeant l’ordre habituel des quatre mouvements. L’humour et le grotesque si fréquents chez le grand compositeur russe sont ici magnifiés par la complicité malicieuse des musiciens qui en offrent une interprétation très accomplie. Se distingue la sonorité riche et profonde de l’alto de Laurent Marfaing dans le deuxième moderato.
Après l’entracte c’est à Félix Mendelssohn de proposer son premier quatuor.
Ce compositeur si doué, jeune prodige aussi précoce que Mozart a composé son quatuor en la mineur op.13, à 18 ans. On reste confondu devant la solidité et la grâce de la composition qui rend hommage, sans soumission, au géant Beethoven. C’est surtout le dernier mouvement qui s’approche le plus du style de ce dernier, comme un élargissement du modèle. Les Modigliani, très engagés, sont précis rythmiquement et osent un lyrisme émouvant jamais larmoyant. Les timbres sont tour à tour opposés ou entremêlés en un véritable travail d’orfèvre. Les nuances sont exquises et la beauté de la partition diffuse sans aucune entrave. Œuvre de jeunesse géniale, il semble normal que celle des interprètes y fassent écho en une apparente facilité.
Si un CD récent chez Naïve permet de retrouver cette œuvre par ces interprètes, le concert permet de noter la belle évolution avec un gain en souplesse et en invention et un engagement émotionnel encore plus fort.
Le public prompt à fêter ces interprètes enthousiasmants a obtenu deux bis. Une Polka de Chostakovitch adaptée pour le quatuor à cordes avec un humour inénarrable. Et le sublime mouvement lent, andantino avec sourdines, du quatuor de Debussy d’une infinie sensualité.
Un mot du public musicien qui a apprécié le silence suivant la musique en respectant ce moment si beau suivant le dernier accord (surtout la fin si délicate du quatuor de Mendelssohn), avant de tonner de ses applaudissements. Un instant de grâce à Saint Gery pour ouvrir le troisième festival Chambre avec vues. Les Modigliani ont été des passeurs vers l’infini.

Saint Gery. Orangerie du Château. 20 juillet 2011. Frantz Schubert (1797-1828) : Quatuor à cordes N°4 en ut majeur, D. 46 ; Dmitri Chostakovitch (1906-1975) : Quatuor à cordes N°1 en ut majeur ; Félix Mendelssohn (1809-1847) : Quatuor à cordes en la mineur op. 13. Quatuor Modigliani : Philippe Bernhard et Loïc Rio : violon ; Laurent Marfaing, alto ; François Kieffer : violoncelle.

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