Ferveur russe en Catalogne
Depuis 1983, Charles Limouse, flûtiste et chef d’orchestre, porte avec une foi communicative, l’essor du plus important festival de musique de septembre en Catalogne française. Quatre Week-ends, soit 9 concerts, du 5 au 27 septembre 2008, offrent aux mélomanes locaux (et aux vacanciers présents, encore nombreux en cette période post aoûtienne) l’occasion de découvertes musicales en accord avec la beauté des églises qui les accueillent, le plus souvent romanes, du territoire (département des Pyrénées Orientales). Le festival a ses quartiers administratifs à Elne, dont la Cathédrale (avec son cloître) demeure l’un des joyaux patrimoniaux à la périphérie de Perpignan… mais le Festival Musique en Catalogne romane rayonne aussi dans les villages et bourgs lovés aux pieds des Pyrénées.
C’est d’ailleurs la pertinence du concept qui aux côtés de la qualité musicale affichée, fonde l’attrait de l’événement: parcourir la campagne catalane en recherchant les lieux méconnus qui en sont les écrins, à l’écart des pôles urbains. D’ordinaire, l’essentiel de l’offre musicale et culturelle se concentre à Perpignan. Le Festival, depuis plus de 20 ans, fait battre le coeur musical des petis bourgs et villages, chaque mois de septembre, quand les vendanges ont commencé…
Il s’agit bien d’une proposition unique, qui compte en 2008 sa 26 ème édition dont l’adéquation entre le répertoire choisi et les lieux des concerts, n’est pas le moindre attrait. « J’ai souhaité offrir en septembre aux habitants catalans et à tous les touristes de la région, une opportunité exceptionnelle qui leur offre l’occasion d’écouter des musiciens de talent dans les églises romanes parmi les plus belles de France », précise Charles Limouse.
De fait, les festivaliers peuvent y écouter entre autres, le chef à la tête de l’Orchestre baroque Catalan dans un programme Haendel, l’ensemble Barcarole (avec Freddy Eichelberger, génial claveciniste, familier des ensorcelantes Witches)…. et de nombreux autres tempéraments, dédiés à la magie baroque, tels, en effectifs intimistes, Mira Glodeanu (violon, le 19 à Saint-Génis), Bruno Cocset (violoncelle) et Bertrand Cuiller (clavecin), duo épatant des Basses Réunis (écoutés et savourés à Sablé. Le 21 au Monastir), cet autre duo choc, fer de lance du label canadien Atma, Les Voix Humaines (les gambistes, Susie Napper et Margaret Little, le 26 à Canohès), enfin les virtuoses des hanches (hautbois et basson), dénommés « Hyponcondrie », le 27 au Boulou).
Nous étions témoins le 5 septembre du concert d’ouverture de la 26è édition du festival catalan, sous la voûte médiévale et majestueuse de l’église de Saint-André (de style lombard, XIè siècle) : ancienne abbaye (Sant Andreu) édifiée sous Charlemagne, qui depuis la Révolution a perdu son cloître. Un volume idéal pour la résonance juste du chœur Nevsky de Saint-Pétersbourg, ensemble de solistes professionnels qui n’ont de moines que le nom mais dont l’exigence et la musicalité, cultivées par leur leader Boris Satsenko (ténor), responsable du chœur depuis 2000, s’entendent à merveille dans l’expression de la ferveur de la Sainte Russie. Le groupe fondé en 1996, composé à Saint-André de neuf chanteurs (2 basses, 2 barytons, 5 ténors) évoque la diversité du répertoire liturgique monacal, depuis les neumatiques du XIè, jusqu’aux chants du XIXème, dont une part dévolue aux prières et hymnes baroques : Exapostilaire de Pâques, chant Poutevoy à trois voix du XVIIè (conclusion du canon des matines); Canon de Pâques de Nikolaï Diletsky (1630-1680) ; prière pour chaque heure de Saint-Iosaf de Belgorod (1705-1754) qui d’ailleurs, conclue la soirée. La filière vocale du Nevsky provient en grande partie des classes de chant du Conservatoire Rimski-Korsakov de Saint-Pétersbourg : c’est un chant ample et puissant, et d’une précision accentuée tout aussi convaincante, jouant des effets de spacialisation dans le chevet de l’église. Face au public, devant l’autel (l’une des tables les plus admirables de la région, avec son décor spécifique à lobes et à rinceaux du XIè), dans les chapelles latérales, formant cercle, les chanteurs excellent, robes noires, mines concentrées : ils tirent de leurs voix mêlées, fusionnées, alternées, la vibration du sacré, dont des notes basses magnifiques et opulentes. L’adéquation du lieu et du programme, incarné par des interprètes visiblement inspirés, est totale. Superbe soirée.
Saint-André. Eglise, le 5 septembre 2008. 26è Festival Musique en Catalogne Française. Chants des monastères de Russie. Chœur du Monastère de la Trinité Saint Alexandre Nevsky de Saint-Pétersbourg. Boris Satsenko, direction.
Toutes les informations, les lieux et les programmes à l’affiche du 26è festival sur le site Musique en Catalogne Romane, jusqu’au 27 septembre 2008. Réservations : 04 68 22 70 90.
Illustrations: Le choeur Nevsky de Saint-Pétersbourg. Charles Limouse (DR)