Carousel tourbillonnant
Reconnaissons que, après une ouverture tourbillonnante avec sa fameuse « Valse du Carousel », son manège qui prend vie sous nos yeux et Billy que l’on voit grandir jusqu’à l’âge adulte, l’action peine à s’animer, la faute sans doute à des personnages somme toute ordinaires, sans démesure. En outre, les dialogues parlés apparaissent plus nombreux que les parties chantées, et les tableaux, où les rebondissements se font rares, n’évitent pas les longueurs. Il faut attendre la mort de Billy – fort peu émouvante au demeurant, de part sa narration – et la montée au Paradis pour que l’ouvrage décolle enfin. Le ballet qui dévoile Louise, la fille de Billy, est de toute beauté, en grande partie grâce à la performance épatante de grâce et d’impact de la jeune Beverly Grant.
La mise en scène de Jo Davies dépeint parfaitement cette communauté de pêcheurs de la Nouvelle-Angleterre au début du XXe siècle, aux valeurs familiales et positives, dont avait bien besoin le monde au sortir de la Seconde Guerre. Le Châtelet a eu la main heureuse quant à la distribution, impeccable jusqu’aux seconds rôles. Du Gardien des étoiles réconfortant et charismatique de Leslie Clack à la Mrs Mullin parfaitement détestable de Candida Benson, en passant par le ténor de caractère de David Curry en Enoch Slow et le malfrat efficace de Nicholas Garrett, tous sont admirablement tenus. La Nettie Fowler de Lisa Milne fait grande impression grâce à la chanson emblématique de l’œuvre « You’ll never walk alone », superbement chantée, alors que l’adorable Carrie Pipperidge de Rebecca Bottone se révèle très séduisante, usant avec art de son soprano délicieusement acidulé. Superbe Julie de Kimy McLaren, à la voix fruitée et colorée, parfaite dans son incarnation rayonnante de la femme amoureuse qui défend son amour coûte que coûte. Elle s’accorde parfaitement avec le Billy au baryton brut et légèrement rocailleux de Duncan Rock, magnifique dans son grand solo en première partie, et à la présence scénique indéniable, lui aussi semblant né pour incarner ce rôle.
Comme toujours, le chœur du Châtelet s’avère excellent, ainsi que l’Orchestre de Chambre de Paris qui sert cette partition avec le respect qui lui est du, tous dirigés avec une efficacité redoutable par Kevin Farrell.
Une belle soirée, qui démontre une fois encore la grande qualité artistique de la comédie musicale quand elle est dignement défendue… comme au Châtelet.
Paris. Théâtre du Châtelet, 20 mars 2013. Richard Rodgers & Oscar Hammerstein II : Carousel. Musique : Richard Rodgers ; Livret et lyrics : Oscar Hammerstein II. Avec Billy Bigelow : Duncan Rock ; Julie Jordan : Kimy McLaren ; Carrie Pipperidge : Rebecca Bottone ; Nettie Fowler : Lisa Milne ; Enoch Slow : David Curry ; Jigger Craingin : Nicholas Garrett ; Louise Bigelow : Beverly Grant ; Mrs Mullin : Candida Benson ; Gardien des étoiles / Dr Seldon : Leslie Clack ; Ami céleste / 1er policier : Tercelin Kirtley ; Mr Bascombe : Nicholas Cass-Beggs. Choeur d’enfants Sotto Voce. Direction : Scott Alan Prouty. Choeur du Châtelet. Orchestre de chambre de Paris. Direction musicale : Kevin Farrell. Mise en scène : Jo Davies ; Décors et costumes : Anthony Ward ; Lumières : Bruno Poet ; Matt Kinley ; Costumes : Andreane Neofitou ; Chorégraphie : Kim Brandstrup ; Vidéo : Andrzej Goulding