Contre toute attente, cette nouvelle soirée de l’Orchestre National de France fut belle. Au mois de décembre dernier, la Quatrième Symphonie de Mahler, dirigée par Daniele Gatti, avec la soprano Ruth Ziesak, nous laissait perplexes quant aux véritables affinités de l’Orchestre National avec l’univers du compositeur autrichien : interprétation terne, fragile, mal architecturée.
A notre sens, Kurt Masur a obtenu dans la Neuvième Symphonie plus de concentration de la part des musiciens de l’orchestre, plus de rigueur et d’écoute entre eux, sans oublier une palette de couleurs plus riche, tout simplement plus belle. Très nettement, les plus beaux moments de cette soirée se trouvaient dans les parties extrêmes de l’œuvre : un premier mouvement à la texture équilibrée, avec notamment une belle présence de tous les pupitres de cordes, des contrebasses aux premiers violons; tempo rapide, conduite assez contrastée du propos, parfois un peu précipitée. Masur n’appartient certainement pas à cette catégorie de chefs – inoubliables dans cette œuvre – qui s’extasient dans la douleur ou qui veulent absolument nous bouleverser. Il distille de la raison dans ce romantisme exacerbé et intériorisé à l’extrême. Nous livrerait-il de cette dernière œuvre de Mahler une lecture simple, immédiate, physique et efficace ?
Une vision hédoniste ? Les deux mouvements centraux, malgré un troisième qui manque pourtant de précision et de lisibilité polyphonique, semblent le confirmer : jouir avant tout de la seule texture orchestrale, qui atteint dans cette oeuvre un raffinement incomparable (cf. l‘épisode lent du Rondo-Burleske), parait prédominant. Vient alors l’Adagio final. Que se passe-t-il ? L’orchestre, stupéfiant, accomplit un miracle : les musiciens ont-ils pris la main ? La conception ne paraissait plus tellement la même. En tous cas, les phrasés sont d’une ampleur impressionnante, les cordes d’une puissance sombre et rugissante (les violoncelles et contrebasses!), et d’une homogénéité jamais mise en défaut. Depuis que classiquenews.com rend compte des concerts de l’Orchestre National, aucun concert, et surtout lors du cycle Schumann au mois de février dernier, ne nous avait fait entendre une pâte aussi dense et épanouie, exprimant à merveille la nostalgie indicible de ces pages extraordinaires. Rien que pour ces vingt-cinq dernières minutes, ce concert en hommage à Mstislav Rostropovitch, était passionnant.
Paris. Théâtre des Champs-Elysées, le 3 mai 2007. Gustav Mahler (1860-1911) : Symphonie n° 9. Orchestre National de France. Kurt Masur, direction.