vendredi 19 avril 2024

Nuits Musicales d’Uzès, 40e édition. Du 16 juillet au 29 juillet 2010

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Nuits Musicales d’Uzès
Les 40 ans

(Gard). Du 16 au 29 juillet 2010

Festival des Nuits Musicales d’Uzès, Gard (30). 40e édition. 11 concerts , du vendredi 16 juillet au jeudi 29 juillet 2010. Une institution chargée d’ans, puisque les Nuits Musicales fêtent leur 40e édition. L’institution est aujourd’hui essentiellement vouée aux œuvres et interprétations « baroqueuses », mais comme chaque été un quart des invités se situe dans la mouvance du jazz, notamment manouche. Présence de la star contre-ténor Max Emanuel Cencic, des Gabrieli de Paul Mac Creesh dans les Vêpres de Monteverdi et de la Fenice (J.Tubéry) dans Purcell.

Une bonne prose ou de méchants vers

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festivals 2010On aime tellement le cadre uzétien que votre chroniqueur-incitateur a pris l’habitude – est-il bon, est-il méchant ? comme demandait Diderot – de vous encourager, une fois sur place, à lire les Lettres qu’en 1661-62 le tendre et déjà cruel Racine envoyait de son exil languedocien… Cette Correspondance que vous trouverez chez l’excellent-libraire-éditeur de la Place aux Herbes, Le Parefeuille, vous pouvez en lire à haute voix dans l’attente ou à la suite des concerts, vous promenant dans les rues tièdes de ce Duché que connut le poète de la Ferté-Milon avant d’avoir pu énoncer que « le jour n’est pas plus pur que le fond de mon cœur » ou le nom de « la fille de Minos et de Pasiphaé ». Vous l’avez sans doute appris au lycée, dans les librairies ou les théâtres, mais on en prend toujours davantage conscience : il y a peu d’écrivains aussi substantiellement musiciens que lui. Tiens, et si on jouait à imaginer qu’il fût encore là, en un juillet ardent, et qu’il goûtât d’ouïr autres harmonies que la sienne, si subtilement alexandrine ? Qu’il eût pu choisir dans les félicités annoncées de ces Nuits qui pour la 40e fois enchantent la Ville ? Et qu’il en eût pu rapporter les musiques à un état d’âme de basse continue qui lui permettrait de concevoir le bruit, la fureur et la beauté de ces tragédies venues de l’Antique grec ou romain, lui qui venait d’observer : « En ce pays-ci, on ne voit guère d’amours médiocres : toutes les passions y sont démesurées, et les esprits de cette ville, qui sont assez légers en d’autres choses, s’engagent plus fortement dans leurs inclinations qu’en aucun autre pays du monde…Un jeune homme de cette ville m’a montré une de ces beautés, comme nous revenions de la procession, elle est huguenote et nous n’avons point de belle catholique… Et il m’a aussi montré des vers sans quoi ils croient que l’amour ne saurait aller. Cependant j’aimerais mieux faire l’amour en bonne prose que de le faire en méchants vers… »

Monteverdi, Bach, Pergolèse

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festivals 2010Qu’est-ce que « le tendre et cruel » eût préféré en ces onze concerts donnés en cathédrale, temple, jardin de l’Evéché ou cour d’honneur du duché ? Pour l’ampleur de l’architecture, la magie des timbres, les effets de questions, de réponses et d’échos dans l’espace, le lien entre la pensée théologique rigoureuse et le sens de l’inflexion liée à la Femme et à la Mère : dans cet ensemble de 1610 – il ya donc 400 ans ! -, Les Vêpres de la Vierge, Monteverdi peut expérimenter son écriture la plus moderne (stile nuovo). Le Gabrieli Consort and Players, conduit par son fondateur, Paul Mac Creesh, spécialisé dans la musique ancienne depuis bientôt trois décennies, sait aussi franchir les limites du baroque pour chercher dans les écritures ultérieures ce qui augmente la splendeur de la pensée monteverdienne. De façon bien plus intime – et pourtant au plein air embaumé du Jardin d’Evêché – l’une des partitions les plus importantes du clavier occidental, ouvrant un chapitre de la solitude créatrice : les Variations Goldberg où J.S.Bach cherche et trouve à travers le labyrinthe des métamorphoses. Le pianiste Ramin Bahrami, né à Téhéran en 1976, a beaucoup étudié et joué en Allemagne et surtout en Italie, où il a une intense activité de concerts et d’enregistrements salués par la critique européenne, notamment pour l’Art de la Fugue et d’autres partitions de J.S.Bach. Au fait, Bach, c’est aussi une « famiglia », diraient les Italiens, une « gens » auraient annoncé les Romains(de l’Antiquité) : non seulement dans l’antériorité de Johann-Sebastian, mais dans sa descendance, et ce sont deux des fils du Kantor que l’Orchestre de Toulouse (Gilles Colliard, violoniste et chef, « descendant » spirituel du fondateur de cet ensemble, Louis Auriacombe qui l’inventa en 1953…)) placent en concerti ou sinfonie à côté de leur Père. Carl Philipp Emanuel est le plus inventif des adeptes de la Sensibilité, un courant allemand qu’on peut assimiler au pré-romantisme, et Johann Christoph Friedrich, lié au poète Herder, fut à la fois classique et moderne….Encore J.S.Bach avec deux Cantates ( BWV 82 et 84), mais aussi le génial Italien fauché par la mort à 26 ans, Giovanni Battista Pergolèse, né il y a 300 ans, et dont on ne célèbre pas avec assez de ferveur universelle la mémoire. Son Stabat Mater, œuvre ultime, est « dans son premier verset le plus parfait et le plus touchant qui soit sorti de la plume d’aucun musicien », disait Jean-Jacques Rousseau, et l’une des partitions les plus pathétiques au monde musical…La soprano Camille Poul et l’ensemble du Banquet Céleste sont conduits par Daniel Guillon.

Sa Reine Mary

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festivals 2010Un autre génie tôt disparu, Henry Purcell (1659-1695), avait le goût de la « célébration », et pas seulement pour des œuvres de pure commande par les Grands du royame. Il admirait Sa Reine Mary, protectrice des arts, composa en son honneur plusieurs Odes pour ses anniversaires (en particulier, ici, celle de 1693), et dut écrire en 1695 une musique (Funeral Sentences) pour son service funèbre. Prémonition de sa propre mort, quelques mois plus tard ? Des extraits du King Arthur rappellent que le génie musical de Purcell s’exprima dans le théâtre, rejoignant les intuitions et les splendeurs de son contemporain Purcell. On s’en convaincra s’autant mieux que les solistes, le Chœur,l’Orchestre de la Fenice…et tous les spectateurs sont sous le charme d’un des chefs les plus sensibles de l’ère baroqueuse, Jean Tubéry. Qui de nos jours, est le contre-ténor européen le plus souvent cité ? Certains diront Philippe Jarrousky, et ils n’auront point tort, mais l’étoile de Max Emanuel Cencic est vite montée au firmament. Et voici, entouré par l’ensemble I Barocchisti (héritier de la légendaire Cameristica di Lugano, qu’Edwin Loehrer fondait et dirigeait dès les années 50 du XXe, certains aînés admirateurs du Baroquisme avant la lettre s’en souviennent avec émotion) l’incomparable-agilissime (est-ce assez de superlatifs ?) dans des extraits d’airs opératiques, italiens (Vivaldi, Albinoni) et Allemands (à moins que ce ne soit Il Sassone dans sa période péninsulaire, donc Haendel).

La gloire de Django

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festivals 2010Et puis quatre autres, autrement. D’abord un domaine que le Patron d’Uzès aime beaucoup explorer, et auquel il demeure fidèle, au Duché ou en sa Chapelle lyonnaise de la Trinité : le chant orthodoxe. D’autres Vêpres que monteverdiennes, non moins splendides : celles que Rachmaninov écrivit d’après la tradition de son pays natal, et que le Chœur de la Société Philharmonique (Saint-Pétersbourg) magnifiera sous la direction de Yulia Khutoretskaja. A propos de centenaire, n’oublions pas celui de Django Reinhardt, en « son univers coloré où vie et musique s’entremêlent , pour un spectacle généreux, authentique et passionné ». Les manouches du Trio Winterstein, l’Angelo Debarre Sextet et le violoniste Costel Nitescu rendent cet hommage. Puis encore un pianiste israëlien, à peine trentenaire, « le plus surnaturel de la scène actuelle du jazz » : c’est Yaron Herman en trio avec le contrebassiste Simon Talleu et le batteur Cédrick Bec qui déchaînera un « ouragan jubilatoire ». Enfin l’inclassable (parce que libre) William Sheller : descendu de la planète rigoureuse-classique, il a inspiré Barbara, composé des Symphonies et des albums parfaitement originaux, dans un esprit qui allie, selon l’humeur, cette source tradtionnelle, le rock, la science-fiction pour une œuvre à la fois intime, populaire et sophistiquée ». Et puis, parce que Uzès est aussi un lieu de formation, l’Académie Musicale vous invite à un concert que donnent au Temple enseignants et stagiaires. Et encore, à la sortie de certains concerts, vous pourrez rencontrer les artistes au Jardin, « pour un moment d’échanges et de convivialité »…

Un vrai bruit qui frappe les airs

festival nuits musicales uzes 2010, actualite  festivals 2010Nous avions laissé le jeune Racine choisir ses délices parmi les soirées de cette quinzaine en juillet 1662. Où le rencontrerez-vous, car on suppose qu’il ne pourra venir tous les soirs, ne faut-il pas le temps d’étudier la théologie – qui devrait faire de lui un convenable ecclésiastique (donc « bénéficiaire », grâce à son bon oncle, le charmant chanoine Sconin) -, d’envoyer des lettres à ses amis Parisiens, de bailler aux corneilles (qui tournent vers la tour ducale), de rêver… ? Les ensembles du baroque dont on parle ici ne se nomment-ils pas Banquet Céleste, Musiciens du Paradis, La Fenice ou Divina Armonia ? Et puisque nous sommes dans l’imaginaire et les chevauchements chronologiques, ne peut-on penser qu’il adresse par double avance une requête aux Nuits Musicales pour l’inscription à un programme 2011 des Cantiques Spirituels qu’il écrira à la fin de sa vie ? Connaissez-vous les admirables musiques qui en ont été inspirées à Delalande, Colasse et surtout Louis Marchand : « Sans amour, ma gloire n’égale Que la gloire de la cymbale Qui d’un vain bruit frappe les airs » ? Il est vrai que pour l’heure notre jeune homme cite plutôt cette « fille d’Uzès qui prit une poignée d’arsenic et en mourut pour se venger de son père, qui l’avait querellée fort rudement. Telle est l’humeur des gens de ce pays-ci, et ils portent les passions au dernier excès. » Telle est l’humeur changeante du futur auteur de Britannicus, Bajazet, Iphigénie et Phèdre … D’ailleurs, faites vite pour une rencontre, car très bientôt il choisira de regagner la capitale : « J’aurais beau ici invoquer les Muses : elles sont trop loin pour m’entendre, elles sont toujours occupées auprès de vous autres Messieurs de Paris. Il arrive rarement qu’elles viennent dans les provinces. »

Nuits Musicales festival nuits musicales uzes 2010, actualite festivals 2010d’Uzès, 40e édition. Du 16 juillet au 29 juillet 2010. Vendredi 16, 21h30 ; samedi 17, 22h ; dimanche 18, 18h ; mardi 20, mercredi 21, 22h ; vendredi 23, 21h30 ; samedi 24, 18h ; dimanche 25, 21h30 ; mardi 27, mercredi 28, jeudi 22h, 22h. Information et réservation : T.04 66 62 20 00 ; www.nuitsmusicalesuzes.org

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