samedi 26 avril 2025

Nancy. Salle Poirel, vendredi 7 novembre 2008. Camille Saint-Saëns. Niccolò Paganini. Jiafeng Chen, violon. Thierry Escaich, orgue. Orchestre symphonique et lyrique de Nancy. Paolo Olmi, direction

A lire aussi

Nancy dans la lumière

Alors qu’au-dehors la nuit tombe sur la place Stanislas et sur la place de la Carrière, qu’elle peut être belle la salle Poirel de Nancy quand elle enfile ses habits de lumière !

Nancy la belle endormie
Ce concert est pour nous l’occasion de rétablir une injustice et de donner un coup de projecteur sur une formation oubliée : l’Orchestre symphonique et lyrique de Nancy. Placé depuis 2006 sous la destinée de Paolo Olmi, il confirme peu à peu, à l’image de son grand voisin strasbourgeois, un retour au premier plan. En effet, on n’avait pas revu l’OSLN à pareille fête depuis des lustres, des temps qui paraissent ancestraux, c’était l’époque de Jérôme Kaltenbach (en poste jusqu’en 1999). Entre temps l’orchestre de la capitale des ducs de Lorraine s’était laissé endormir dans les bras de Sebastian Lang-Lessing. Celui qui fut l’orchestre de Ropartz se devait de réagir. On ne peut donc que se féliciter que le travail du dynamique Paolo Olmi porte ses fruits en retrouvant ainsi tout son talent et finalement toute son âme pour notre plus grand plaisir.

Une musique venue du cœur
Au-delà d’être un joyau architectural, typique du beau XIXème siècle, la Salle Poirel qui compte modestement quelque 883 places est un écrin presque idéal pour un concert de ce genre. Le spectateur y jouit d’une rare proximité, pour ne pas dire d’une véritable intimité avec les musiciens.
Le mélomane qui va à la rencontre de l’Orchestre symphonique et lyrique de Nancy ne doit pas y chercher une certaine idée de la perfection musicale. Mais plutôt une musique et des qualités venues du cœur qui rendent précieuses ce genre de formations. De l’énergie, un soupçon de volonté et de courage, une bonne dose d’enthousiasme, voilà la recette nancéienne. L’OSLN pallie à merveille ses limites par ce petit supplément d’âme qui crée une alchimie avec un public. Nancy n’est pas la grenouille qui cherchait à se faire aussi grosse que le bœuf. Ici on ne cherche pas à imiter les grandes formations nationales ou étrangères mais simplement à prendre du plaisir et à en donner au public. On sent en lui le groupe soudé et solidaire, tourné vers le plaisir à offrir a l’auditeur.

Coup de jeune sur Nancy

Jiafeng Chen. Retenez bien ce nom-là. Après Lang Lang et Yundi Li au piano, la Chine se lance à la conquête de l’instrument roi, le violon. Et le moins que nous puissions dire c’est qu’en la personne de Chen elle a trouvé un interprète des plus distingués. Né à Shanghai en 1987, Jiafeng Chen aurait selon la légende commencé le violon à l’âge de trois ans. Mais arrêtons là la caricature de l’enfant prodige. Car avec Chen on est loin de l’image réductrice du parfait élève qui aurait obtenu la reconnaissance de ses pairs et dont le jeu serait lisse et impersonnel. Il est tout le contraire.
Il suffit pour s’en convaincre de voir comment il aborda Saint-Saëns et Paganini : à bras le corps avec la fougue et l’impertinence d’un jeune homme de vingt et un ans qui a tout l’avenir devant lui. Evidemment tout ne fut pas exempt de reproche. Forcément lorsque l’on se jette la tête la première dans des œuvres de Paganini (1782-1840) on est toujours sur la corde raide. Chen n’a pas fait exception. Mais on lui pardonnera son manque de justesse par moment. Tant son allant et son courage faisaient plaisir à voir. L’orchestre n’avait plus qu’à se laisser guider et jouer au mieux son rôle d’accompagnateur, tâche dont il s’acquitta sans peine.

Tonitruante démonstration de force

Il faut dire que, pour Paolo Olmi et ses troupes, le véritable point d’orgue –c’est le cas de le dire – de ce concert était sans conteste l’exécution de la Troisième symphonie pour orgue de Camille Saint-Saëns (1835-1921).
C’est une riche idée que l’Orchestre Symphonique et Lyrique de Nancy eut en invitant l’organiste, compositeur et improvisateur Thierry Escaich (né en 1965). Mais aussi un choix courageux et audacieux. La 3ème symphonie pour orgue de Saint Saëns n’est pas si souvent interprétée en concert traditionnel, non pas du fait de la nature de l’œuvre, mais plutôt parce que la salle qui l’accueille doit disposer d’un orgue. Poirel n’en dispose pas d’ordinaire, on eut donc recours à un orgue moderne. Même si la sonorité en fut moins naturelle, le talent de son maître compassa largement ce manque d’authenticité.
On ne présente plus Thierry Escaich, véritable fer de lance dans la création musicale actuelle. Il était tout indiqué pour jouer les solistes de luxe le temps d’interpréter une œuvre aussi originale, à la dimension solennelle, moderne et avant-gardiste, au moment où son dernier disque « Organ Spectacular » paraît chez Accord.

Véritable apogée du genre, la Troisième Symphonie pour orgue de Saint-Saëns constitue le point de liaison entre la Symphonie fantastique de Berlioz (1830) et la Symphonie Turangalîla de Messiaen (1948). Conscient de cela, Paolo Olmi décida d’en livrer une lecture tout en contraste, mesurée et respectueuse de l’esprit de l’œuvre. Après un début de premier mouvement pris avec prudence et sur un tempo plutôt lent, Olmi gagnant en confiance – bien aidé en cela par un Escaich des grands soirs – se laissa emporter par le souffle de l’œuvre, pour finir par l’explosion finale.
Il est des pages de musique qui vous laissent sans voix, nul doute que l’adagio de cette symphonie n°3 en fasse partie. C’est sûrement là une des plages les plus touchantes de la musique symphonique. Cet arrière-fond d’orgue et ces cordes soyeuses tireraient des larmes au plus indifférent des auditeurs. Comme nous l’avons déjà dit Nancy a du cœur et cela s’entendait comme nulle part ailleurs. Les douze dernières minutes du premier mouvement nous laisseront un souvenir impérissable.

En guise de finale, Olmi nous offre une impressionnante marche en avant que rien ne semble pouvoir arrêter. Tantôt hiératique, tantôt militaire. Il y a quelque chose dans la battue de Paolo Olmi, une fougue, un entrain qui donne l’impression que ce chef part en campagne, à l’assaut des œuvres qu’il dirige. Tout en majesté au clavier de son orgue, Escaich lui emboîte le pas pour ce qui fut sûrement l’une des pages les plus puissantes entendues à Nancy depuis fort longtemps.


Nancy, Salle Poirel, vendredi 7 novembre 2008 . Camille Saint-Saëns, Introduction et Rondo Capriccioso pour violon et orchestre opus 28 – Symphonie n°3 en do mineur opus 78. Niccolò Paganini, Variations sur « Non più mesta accanto al fuoco » de La Cenerentola de Rossini opus 12 pour violon et orchestre. Jiafeng Chen, violon. Thierry Escaich, orgue. Orchestre symphonique et lyrique de Nancy . Paolo Olmi, direction



Illustrations: Paolo Olmi, Jiafeng Chen, Thierry Escaich (DR)

Derniers articles

Découvrez d'autres articles similaires

- Espace publicitaire -spot_img