mardi 16 avril 2024

Les Musiques de Beauregard Saint Genis Laval (69), du 13 au 28 juin 2009

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6 èmes

Musiques de Beauregard

Saint Genis Laval (69)
Du 13 au 28 juin 2009

« Petit » Festival de fin juin pour préparer les plus « grands » : la 6e édition des Musiques de Beauregard propose 5 concerts, dont le domaine d’élection demeure baroque, qui sonne si bien et intimement dans le cadre de l’Orangerie. Des ensembles lyonnais (Vallottti, Jardins de Courtoisie) précèdent le violoniste italien Giuliano Carmignola (en duo avec Riccardo Doni) et Gustav Leonhardt, qui jouera ses chers Français du XVIIe et du XVIIIe.

Je vis je meurs je me brûle et me noye…

On a déjà beaucoup dit – en toute louange – sur le cadre classico-végétal du Parc (très Noces et Cosi Fan Tutte) de Beauregard, à Saint Genis Laval, au sud de l’agglomération lyonnaise. Cette année, la programmation de ce petit festival bien ciblé-baroque ( directeur artistique : Daniel Missire) remonte en Renaissance et descend en moderne. L’ouverture s’y est faite avec la guitare de l’ex-petit prodige Emmanuel Rossfelder, aujourd’hui fêté et invité un peu partout en Europe et Amériques… : un peu de tout-espagnol-et-brésilien, XIXe et XXe, en commençant par – l’auriez-vous cru – de Verdi, une auto-fantaisie sur les thèmes de La Traviata, et allant chez les plus attendus Tarrega, Granados, Albeniz, avec rappels de…Bach et Weiss. Puis les Jardins de Courtoisie – quel joli titre pour célébrer l’amour médiéval et ses modalités ultérieures ! – vont en Renaissance. L’ensemble créé il y a 5 ans par la chanteuse Anne Quentin-Delafosse est, on le sait, d’origine lyonnaise : dans son concert, il « jumelle » – comme elles le furent naguère sans cérémonies municipalo-économiques – les villes d’Entre-Rhône-et-Saône et du bord de l’Arno, du temps que Florence et Lyon florissaient dans l’édition poétique et musicale. Et que sinon Ronsard, du moins Maurice Scève allait célébrant l’ésotérique beauté féminine et la hautaine Délie, « Plus tost seront Rhosne, et Saone desjoinctz, Que d’avec toy mon cœur se desassemble », qui était probablement la belle Louise Labé , elle plus directe dans l’expression d’amour, rappelez-vous « je vis, je meurs, je me brûle et me noye, J’ay chaut estreme en endurant froidure ». Il y avait aussi en ce superbe temps renaissant Pernette du Guillet, qui « rimait » sans dissimuler : « Le grand désir du plaisir admirable Se doit nourrir par un contentement De souhaiter chose tant agréable. » A Lyon aussi, Jacques Moderne imprimait des « Musiques de Joye » européennes, bref c’est une grande et belle époque dont nous parleront Anne Delafosse, le luthiste Diego Salamanca et le flûtiste Gwenaël Bihan. (On se rappellera que les Jardins alliés à Céladon viennent aussi de nous révéler au disque les mélancoliques pièces de l’anglo-italien (de coeur) John Coprario…)

A l’ombre du Vésuve

L’ensemble Vallotti fondé à Lyon la même année que les Jardins entend installer les spectateurs « à l’ombre du Vésuve », donc à l’écoute des très connus Alessandro Scarlatti et Giovanni Battista Pergolèse, et des à-davantage-découvrir Leonardo Leo, Giuseppe Porsile et Domenico Sari ( La soprano Juliette Perret, les violonistes François Costa, Myriam Bis-Cambreling et Annabelle Luis, le flûtiste Mathieu Bertrand et la claveciniste Maija Massinen). Et puis, dans le cadre de la rafraîchissante Orangerie de Beauregard, « deux ambassadeurs du monde baroque » sont invités en tête d’affiche. Le violoniste Giuliano Carmignola, après « l’avoir joué plutôt classique » (avec Nathan Milstein, Henryk Szering, Claudio Abbado et Eliahu Inbal) est entré en baroquie internationale, et c’est à ce titre qu’il ira rejoindre l’Italie de Vivaldi, Albinoni, Locatelli ou triller en diable dans Tartini, puis se faire un peu plus nordique chez J.S.Bach. Au clavecin, Riccardo Doni, qui joue très régulièrement dans…le Jardin Harmonique de son pays ( Il Giardino Armonico) et avec Christophe Coin ou Gustav Leonhardt.

Contre le siècle

Et justement… voici l’Invité par excellence, celui dont la présence élégante mais non hautaine, distinguée, hors du battage médiatique tenu en horreur par ce Réformé hollandais, honore Beauregard et couronne la session 2009. Gustav Leonhardt est l’un des Pères Fondateurs du baroque revisité par la 2nde moitié du XXe, mais pas au sens échevelé-théâtralisant que ce mouvement a parfois pris. Claveciniste, organiste, chef d’orchestre, il maintient avec distante fermeté, sans concession aucune à ce que jadis on eût appelé « le siècle », une conception vivante et distanciée à la fois des musiques dont il parle « la langue ». On ne saurait trop conseiller aux mélomanes de l’Orangerie la lecture préalable ou ultérieure du très beau livre-portrait-entretien que Jacques Drillon vient d’écrire « Sur Leonhardt » (éditions Gallimard). On y verra comment ce Hollandais aristocrate « vitupère l’époque » (selon la formule d’Aragon), ou du moins une grande partie d’elle : « De nos jours, le moyen, le commun et le populaire inspirent une aversion dont les rares que nous sommes ne peuvent empêcher l’aggravation. L’œil et l’oreille sont face à l’uniformité, celle de séries sans fin, et de la diffusion constante d’une infatigable musique enregistrée. Cela nourrit l’aversion, et pousse les unhappy few à attaquer cette normalité épouvantable à coups d’extravagante anormalité… ». Mais comme le dit J.Drillon, « il ne s’agit ni de nostalgie, ni de regret, mais d’un amour neuf pour les choses du passé…Il n’est pas un nostalgique, il dit seulement : à une certaine époque de l’histoire, il s’est passé des choses plus intéressantes qu’aujourd’hui. Il est notre contemporain, au sens où l’entendait Roland Barthes : il est inactuel. » Tiens, il est trop tard pour songer à une projection « in situ proprio » de la passionnante « Petite Chronique d’Anna Magdalena Bach », que Jean-Marie Straub et Danièle Huillet « composèrent » dans les années Soixante, mais tâchez d’en voir une réédition : Gustav Leonhardt y tenait le rôle du Cantor, non comme un acteur doublé par des interprètes, mais comme musicien. Vous y penserez, n’est-ce pas, chers auditeurs de l’Orangerie, où vous écouterez Gustav Leonhardt jouer non point évidemment des Italiens (il ne les comprend pas et même ne les aime pas…), ni Bach, mais le monde français du XVIIe et du XVIIIe auquel il est si naturellement accordé, Dumont, Louis Couperin, D’Anglebert, Forqueray, Rameau.

6e Festival des Musiques de Beauregard (69, Saint Genis Laval). Emmanuel Rossfelder, Ensemble Vallotti, Les Jardins de Courtoisie, Giuliano Carmignola, Riccardo Doni, Gustav Leonhardt.
Samedi 13 juin 2009, 21h ; mercredi 24, 21h ; jeudi 25, 21h; samedi 27, 18h; dimanche 28, 17h.

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