lundi 28 avril 2025

La Roque D’Antheron. Parc du Château de Florent, le 18 août 2012. Mendelssohn… Chamayou, Neuburger, pianos ; Hong-Kong Sinfonietta. Wing-Sie Yip, direction

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En sa trente deuxième édition, le festival de la Roque d’Anthéron a su garder son âme grande ouverte, certes à l’Instrument Roi, mais avec une générosité et une recherche de partage qui fait tout l’art d’un festival de pure passion. Rien n’est cédé aux marchands, pas même un fléchage publicitaire dont il n’est nul besoin. Le public acquis et fidélisé trouve l’accès avec facilité, ce qui n’est pas évident pour le néophyte… Déjà l’agréable promenade à pied par l’allée de platanes pluricentenaires avec ça et là dans la prairie d’élégants piques-niqueurs permet de déguster les charmes d’un lieu unique dont les arbres aux frondaisons généreuses gardent une fraîcheur précieuse en cette période caniculaire. Les gradins métalliques très confortables et la scène couverte originale au milieu d’arbres immenses sur un plan d’eau, avec ses panneaux phoniques blancs font le reste: ils annoncent un moment inoubliable. Le programme très original dédié à Félix Mendelssohn promettait lui-même beaucoup.


La magie du lieu avec un Chamayou impérial !


Bertand Chamayou a abordé ce premier concerto rarement joué, avec panache et avec la recherche constante de complicité avec ses partenaires. Les pianistes sont des êtres souvent solitaires et ce soir le sens du partage porté par ce festival a été resplendissant. Bertrand Chamayou est passé du rang de jeune prodige à celui de musicien de grand talent maîtrisant totalement un jeu souverain en termes de nuances, couleurs et phrasés. Mais ce qui aujourd‘ hui lui permet de s’aventurer dans la cour des plus grands est un touché qui semble pouvoir s’arrondir, devenir élastique afin de chanter et de faire totalement oublier la notion d’instrument de percussion. Une attitude calme et une position plus détendue qu’autrefois permet de voir combien son rapport au piano est à présent pure harmonie. Le cantabile dont il est capable et la pureté du jeu perlé sont les qualités les plus rares de cet admirable musicien. Le partenariat avec la chef d’Orchestre Wing-Sie Yip est marqué par une pureté formelle de tous les instants. Précision et architecture sont leurs égales préoccupations, mais la subtilité des phrasés et les nuances du pianiste sont un cran au-dessus de celles obtenues par le chef d’orchestre. Les qualités de cet orchestre japonais sont comme souvent instrumentalement remarquables ici tout particulièrement aux cordes. L’énergie déployée par les instrumentistes de l’orchestre fédère un certain enthousiasme communiqué au public qui fait un triomphe général. Le plus fêté est bien Bertand Chamayou qui domine avec une aisance confondante une partition exigeante.
La symphonie Italienne de Mendelssohn est peut-être la plus aimée du public. Contemporaine de ce premier concerto pour piano elle a l’énergie de la jeunesse et l’ivresse de la découverte des couleurs chaudes de la péninsule pour un protestant du grand nord. La mise en place est impeccable, la battue du chef est précise et ferme sachant s‘assouplir de temps en temps. Mais l’interprétation, si elle ne manque pas de séduction, ne trouve pas ce petit grain de folie contenue dans maints endroits de la partition. Les violons se montrent sous leur meilleur jour, les bois et les cuivres sont plus discrets et manquent de couleur et de personnalité.
En deuxième partie de concert, le très rare concerto pour deux pianos, œuvre de première jeunesse, nous est proposé. Composé pour les 19 ans de Fanny, la sœur chérie de Félix, cette œuvre a été conçue comme un cadeau personnel ayant eu un premier usage domestique. De toute évidence l’orchestre a moins préparé cette pièce que la symphonie et une certaine déception devant le manque d’imagination de la direction et le manque de précision de l’orchestre limite quelque peu notre plaisir. Bertand Chamayou, prenant de toute évidence la partie de Félix semble dominer toute l’interprétation par une musicalité éblouissante de pureté et un style quasi mozartien de tous les instants. Voici un art généreux qui se met au service du jeu collectif quand bien même sa retenue ne lui permet de déployer qu’une partie de ses moyens. Frédéric Neuburger semble presque timide à côté de son collègue et Wing-Sie Yip se contente par moment de battre la mesure. L’orchestre a de beaux moments et aussi quelques flottements… La partition est elle-même plus sympathique que géniale en son allure post mozartienne. Mais les deux pianistes sont fêtés par un public heureux.
Les deux bis offerts par les pianistes côte à côte, avec Chamayou en bas, permet une sorte de rééquilibrage entre les deux pianistes qui en vrais complices sont généreux et ne manquent pas d’humour. La danse d’Anitra de Peer Gynt de Grieg est splendide d’énergie jubilatoire et le Jardin de Dolly de Gabriel Fauré a bien du charme et de l’élégance avec une pointe d’humour bien rafraîchissante dans ces versions à quatre mains.
Au final une très belle soirée au service du partage avec un Bertand Chamayou de grande classe. Pour un festival international voilà donc une belle réussite et le public nombreux est parti comblé.

La Roque D’Antheron. Parc du Château de Florent. Le 18 août 2012. Concert Félix Mendelssohn (1809-1848) : Concerto pour piano et orchestre n°1 en sol mineur op.25 ; Symphonie n°4 en la majeur « Italienne » ; Concerto pour deux pianos et orchestre en mi majeur. Bertrand Chamayou, Jean-Frédéric Neuburger, pianos ; Hong-Kong Sinfonietta ; Direction : Wing-Sie Yip.

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