La Querelle des Bouffons, 1752
Alexandre et Benoît Dratwicki
France musique, le 24 février 2007 à 18h
Paris, 1752. A l’Opéra (à l’époque Académie Royale de musique), un violent débat agite les esprits, théoriciens, musiciens, philosophes, spectateurs de tout genre.
D’un côté, Rousseau se passionne pour la Serva Padrona de Pergolèse, un intermezzo italien, simple et frais, facile à entendre, séduisant et accessible dont le spectacle a déclenché les joutes critiques.
De l’autre, les partisans de la grande tradition théâtrale, héritée de Lully, le fondateur de la tragédie lyrique du Grand Siècle, et que perpétue Rameau, à l’époque de Rousseau.
Sous la Querelle des Bouffons, dont le nom vient de la troupe des chanteurs interprétant le joyau de Pergolèse, se cache l’une des batailles esthétiques les plus cinglantes dont Paris a l’exclusive. Les esprits s’échauffent sur la question de l’opéra. Machine obsolète appartenant à l’ordre monarchique (de fait, toute tragédie lyrique doit comprendre son prologue qui avantage explicitement la personne du roi), invraisemblable, sophistiquée, ennuyeuse, d’un côté. De l’autre, genre noble par excellence, seul capable d’élever moralement le coeur des auditeurs, de les transporter au delà de l’imaginable. L’affaire prend donc aussi un tour politique et même social: dans les attaques qui fustigent un ordre obsolète et poussiéreux, se précise aussi une remise en cause profonde de la représentation des héros et des dieux, par conséquent des souverains et de la monarchie.
Sur la scène des Bouffons soufflent déjà l’esprit d’une contestation jamais éteinte.
Et après la mort de Rameau (1764), Gluck, favori de la Reine Marie-Antoinette semblera répondre à la levée de boucliers, vers plus de simplification et de clarté expressive, au travers des tragédies qu’il fait représenter sur la scène parisienne, à partir de 1774.
Illustrations
Jean-Jacques Rousseau (DR)