vendredi 9 mai 2025

Karol Szymanowski: Le Roi Roger, 1926 Clés de lectures, regards sur l’opéra…

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Karol Szymanowski
Lectures du Roi Roger
, 1926

La prochaine création parisienne de l’opéra de Szymanowski est l’événement lyrique à Paris en juin 2009 (Le Roi Roger, à partir du 18 juin 2009). C’est aussi une oeuvre majeure du XXè (1926) que Gérard Mortier programme tel un ultime cadeau, à la fin de son « règne ». Qu’en donnera la lecture du metteur contesté Krzysztof Warlikowski? Un nouveau brûlot dérangeant, provocateur, qui s’inspire du cinéma? La partition quoiqu’il en soit, est l’une des oeuvres les plus fascinantes. Regards sur Le Roi Roger.

Un berger provocateur

Le Berger qui se présente à la Cour du Roi Roger est l’élément perturbateur, l’agent qui bascule l’ordre, précipite les événements, dévoile le caché et dans le cas du Roi, met à nu ce que l’homme voulait taire. De quelle vérité s’agit-il? Le chant du Berger (ténor) s’adresse constamment au Roi (baryton) quand la reine demeure continument fascinée (et soumise) au charme du jeune homme inconnu… Szymanowski renverse aussi les règles de l’opéra traditionnelle et renforce l’attraction ténor/baryton, en un duo de fasciné/fascinant. Voilà qui change de la sempiternelle triade vocale instituée par l’opéra italien: la soprano aime le ténor qui doit rivaliser avec le méchant baryton.
Par ailleurs, l’action est moins physique et explicite qu’intérieure et psychologique. A la suite de Pelléas et de Parsifal, Le Roi Roger est un opéra de la psyché: miroir des pensées et désirs, fantasmes et intentions cachés des êtres en souffrance. Roger, être de pouvoir, est plus seul que tous ses proches. Le personnage écartelé, soumis à des désirs insatisfaits, troublé par l’apparition du Berger enchanteur, Dionysos séducteur, au terme d’une nuit d’avatars décisifs, finit par se trouver lui-même. L’issue dès lors est-elle alors renoncement ou révélation? A Chacun de trancher. L’ambiguïté de cette fin en forme d’interrogation fait aussi toute la richesse de l’ouvrage.

Opéra de la psyché

Szymanowski tient à délivrer en filigrane certains thèmes propre à sa vie personnelle (il était homosexuel, et donc comment ne pas établir un parallèle entre le trouble saisissant le Roi à l’égard du jeune berger et les épisodes de la vie du compositeur?). C’est surtout une partition qui touche à l’universel: un drame psychologique qui engage les forces souterraines de l’esprit. Au final, l’opéra décrit la métamorphose intime de Roger grâce à l’action vécue comme une initiation, un rite spirituel. Révélation, Tentation, transgression, transcendance et dépassement… tout cela s’inscrit dans le rôle du Roi.
Le fait d’inscrire le lieu du drame dans la Sicile du XIIè siècle est aussi un élément fort: les religions arabes, chrétiennes et juives, grecques et latines s’y sont admirablement mêlées sans heurt, créant la richesse de la Cour du Roi Roger. Même le personnage d’Edrisi, conseiller du souverain, personnage historique, enracine davantage l’opéra dans l’histoire et la vérité. Pourtant dans ce creuset civilisateur/pacificateur, le personnage central éprouve douleur, solitude, incompréhension. Individu/Société, désir/devoir: on voit bien les thèmes récurrents paraître à nouveau, ils sont désormais familiers dans les livrets d’opéras. Or Szymanowski imprime son action sur le mode psychologique: le duo et la relation trouble du Berger et du Souverain cimentent l’attrait et la nouveauté de l’oeuvre.

Quelle fin pour le roi?

Né homosexuel à Tymoszowska, près de Kiev, en bordure de la culture latine, dans cette Pologne qui s’est toujours chercher une identité stable, Szymanowski vit au profond de lui-même, le désir d’identité, d’autant plus vis à vis de son pays, des autres, surtout vis à vis de lui-même. L’orient qu’il aime déployer à l’orchestre ne serait-il pas le chant d’un monde rêvé? La musique d’une terre qui absorbe les conflits secrets? Qui-est-il réellement? Ce que les autres attendent de lui? Ce qu’il a identifié par lui-même? Le berger imprévu, non attendu mais provocateur, apporte des éléments de réponse. Il offre à Roger ce miroir de vérité qu’il n’avait jamais oser affronter.
La mise en scène d’un autre provocateur, invité flamboyant sur la scène de l’Opéra de Paris par Gérard Mortier, devrait laisser la conclusion de l’opéra dans cette ambivalence énigmatique qui la caractérise: ce voyage solarisé (son dernier air) qu’évoque Roger, ivre d’une extase nouvelle, est-il in fine, transgression et anéantissement, vision vers un nouvel épanouissement voire la vie éternelle?

Illustrations: le visuel mis en avant par l’Opéra de Paris pour la création du Roi Roger à Paris en juin 2009. L’acteur Ryan Philippe dans le film « Studio 54 » de Mark Cristopher

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