samedi 26 avril 2025

Jules Massenet (1842-1912), le dossier Werther (1892-1902)

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Titulaire du prix de Rome en 1863, obtenu grâce à la recommandation de Berlioz, le jeune Jules Massenet âgé de 21 ans est pensionnaire de la Villa Medicis pendant deux ans.
De retour à Paris, où il se marie, il commence à composer ses premières pièces d’envergure, tout en étant percussionniste à l’Opéra. L’entrée du jeune dramaturge sur la scène lyrique est fracassante grâce au Roi de Lahore (1877), il a alors 35 ans : le succès dépasse le cadre de l’Opéra pour lequel l’ouvrage avait été conçu. Il est célèbre dans toute l’Europe. Il est élu à l’Institut en 1879 : il est alors le plus jeune membre sous la Coupole. Suivent de nombreux ouvrages qui sont autant de succès populaires, lui assurant une fortune confortable : Hérodiade (1881), Manon (1884), Le Cid (1885), Werther (1892) et Thaïs (1894).
Lorsque l’engouement pour les œuvres de Wagner finit par inspirer tous les musiciens de son temps, et même infléchir le goût du public, les œuvres de Massenet sont moins acclamées, et leur auteur paraît même dépassé par la mode du wagnérisme ambiant. Il sait néanmoins se renouveler totalement, composant Le jongleur de Notre-Dame, en 1902, œuvre écrite totalement pour des voix masculines quand sa réputation jusque là était d’être l’auteur de la femme, abordant dans ses opéras, les facettes de la psychologie féminine, d’Hérodiade à Thaïs. Mais cet approche tend à réduire arbitrairement le travail musical d’un musicien soucieux de dramaturgie et d’efficacité scénique. Mort en 1912, il fut le professeur de Charles Koechlin, Gabriel Pierné, Rinaldo Hahn et Florent Schmitt.

Werther est un défi. En abordant d’abord le mythe littéraire écrit par Goethe en 1774, Massenet s’attaque au chef-d’œuvre de la littérature romantique, sombre, radicale, ténébreuse et passionnelle. Le drame naît ici d’un amour réciproque (entre Werther et Charlotte), cependant empêché par les contraintes sociales (Charlotte fiancé à Albert, est déjà engagée). L’histoire en elle-même serait assez banale si la force du sacrifice (Werther renonce un temps à cet amour « impossible » et laisse son aîmée dans les bras d’un autre), mais surtout le travail souterrain de la culpabilité (l’amour est plus fort que l’oubli et Werther revient mais il est trop tard : Charlotte s’est mariée) ne tirait les héros à dépasser leur simple existence. La musique de Massenet suit les mouvements de la psyché. Or on sait bien qu’aucun obstacle ne peut infléchir un cœur amoureux.

Les duos Werther/Charlotte sont les moments les plus intenses. Il s’agit bien d’opposer deux tempéraments qui résistent doublement. D’abord à l’autre, mais aussi à eux-même. Poids des convenances, fidélité à un serment passé, -Charlotte a juré d’épouser Albert à sa mère, défunte depuis-. Massenet en confrontant les deux amoureux exprime parfaitement tout ce qui est jeu chez l’un comme chez l’autre. Ce que les mots ne disent pas, la musique l’exprime clairement.

« Dès qu’il pris la plume Massenet
disloqua le contour mélodique des chants amoureux et trouva la formule
musicale de l’amour français moderne. Il a composé et fixé
l’hiéroglyphe sonore qui résume la sensualité parisienne
« , écrit Rinaldo Hahn, son élève.

L’amour est une souffrance qui épuise toute une vie, vision romantique, éprise d’absolu dont Goethe a créé une œuvre monumentale. Il y révèle en définitive la force du sentiment, cet imperceptible mécanisme de notre conscience, qui sans qu’ils en aient peut-être conscience, anime tout individu.
Le travail du temps a fait son œuvre et la réalité trop difficile à vaincre, sera fatale au jeune homme, il se suicide. Qui est Werther ? Pourquoi une version pour baryton?

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