Heinrich Schütz
Symphoniae sacrae, livre I, 1629
France Musique
La tribune des critiques de disques
Dimanche 3 mai 2009 à 10h
Somme vénitienne
Très étroitement lié à la secunda prattica italienne, en particulier montéverdienne, Schütz cisèle rythme, mélodie, tempi afin de mieux projeter le geste saisissant du verbe.
Le Livre I regroupe une vingtaine de pièces latines dont l’articulation musicale met en lumière des extraits empruntés à L’Evangile de Saint-Matthieu, aux Psaumes, au Cantique des cantiques, à plusieurs textes du 2è Livre de Samuel.
Contrairement aux Livres II et III, en allemand, le Livre I choisit des textes latins. La science de l’écriture et la hauteur de l’inspiration annoncent évidemment les Petits Concerts Spirituels, composés en temps d’affliction et de meurtrissures, entre 1636 et 1639, Schütz étant confronté, à Dresde, – où il est maître de chapelle à la Cour de Saxe depuis 1617-, comme tous ses contemporains au spectacle atroce des ravages de la Guerre de Trente Ans.
Plusieurs joyaux musicaux s’imposent à l’écoute de cette oeuvre grandiose, à la fois sensuelle, extatique, dont le rapport texte et musique demeure la clé de l’architecture (écriture naturellement syllabique).
Elève de Giovanni Gabrielli à Venise (jusqu’à 1612, date de son retour à Kassel), Schütz apprend la science de l’harmonie et des superbes portiques choraux, en demeurant toujours attentif au sens des paroles. Il approche aussi Monteverdi lors d’un second séjour vénitien en 1628 qui lui permet de perfectionner davantage encore sa maîtrise du geste musical et vocal. Le Livre I recueille particulièrement les fruits de son assimilation des recherches monteverdiennes. C’est donc l’aboutissement de ses travaux personnels d’ascendance vénitienne. Dans les oeuvres suivantes, Schütz opère une fusion plus subtile encore entre l’approche linguistique italienne et le contrepoint d’ascendance saxonne.
Du livre I, mentionnons en particulier le n°13: « Fili mi absalon » (SWV 269): bouleversante élégie d’après le 2è Livre de Samuel. David y déplore la mort de son fils Absalom: « Absalom, Absalom, que ne suis-je mort à ta place! ». Schütz écrit un lamento poignant pour basse, 4 trombones et continuo: gravité mordante et prenante qui s’achève avec l’anéantissement des dernières forces du souverain, inconsolable, accablé.
Illustration: Heinrich Schütz, portrait par Rembrandt (DR)