samedi 14 juin 2025

Hector Berlioz, Harold en Italie (1834).Mezzo, du 18 au 25 août

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Rêveries italiennes d’un enfant de Beethoven et de Shakespeare
Avant de se lancer dans la composition de son premier opéra, « Benvenuto Cellini » et sur les traces de sa « Symphonie Fantastique » (1830), Berlioz trentenaire excelle parfaire son écriture orchestrale. Vingt et un ans avant « L’Enfance du Christ« , pure pastiche néo-classique de 1855 qui est un hommage rendu son maître et mentor Lesueur, Berlioz s’empare du sujet littéraire imaginé par le poète anglais Byron : « Childe Harold« .

A propos du poème symphonique, il s’est lui-même exprimé dès 1834, -l’année de la création de l’ouvrage-, avec l’aplomb amusé d’un chroniqueur musical piqué dans sa curiosité, souvent ironique. Preuve que s’agissant de son style, souvent autobiographique, le musicien savait prendre le recul nécessaire pour concevoir le sentiment qui pouvait s’emparer du public à l’écoute de ses oeuvres. Porté par une « maladie de concerts » opiniâtre (Berlioz a produit à ses propres frais, nombre des représentations de ses oeuvres), le musicien reconnaît sa musique tel « un tissu d’extravagances et d’absurdités« .

le 18 août à 21h50
le 19 août à 14h50
le 24 août à 5h
le 25 août à 5h

Les 18, 19 et 25 août, ce programme suit la diffusion du Requiem par les mêmes interprètes : l’Orchestre de Paris dirigé par Christophe Eschenbach, programmé 1h avant. Consultez les horaires de diffusion dans notre dossier consacré au Requiem, en lien direct au bas de cette page)


Hector Berlioz, Harold en Italie
(1834)
Symphonie pour alto

Orchestre de Paris
Christophe Eschenbach, direction

Humaine nature, symphonie des sentiments
Sa « symphonie en quatre parties » intitulée « Harold » brosse un cycle de paysages à la faon des peintres ténébristes et naturalistes où le « vagabond voyageur« , figure centrale de l’épope musicale, comme le héros de Byron, incarné par l’alto soliste, erre solitaire, habité par ses obsessions méditatives. Si le genre symphonique permet à Berlioz de créer une forme musicale nouvelle, qui fusionne l’esprit de Beethoven et la grandeur de Shakespeare, un aboutissement est à nouveau atteint avec « Harold« . Il prélude au « Roméo et Juliette » (1839) où Berlioz introduit pour compléter une palette déjà foisonnante, le concours des voix humaines. « Harold » recueille les réminiscences du promeneur esseulé, en particulier les promenades du jeune musicien dans la campagne romaine lorsqu’il tait pensionnaire de la Villa Médicis. Les circonstances douloureuses et sentimentalement éprouvantes dans lequelles il loge à la Villa Médicis, ne rendent que plus insupportable ce qu’il vit comme un enfermement imposé. Musique et promenades lui donnent enfin la liberté tant recherchées.

Que nous conte « Harold en Italie« ? Dans la splendeur dorée, virgilienne, de cet « éden solaire », synthèse des paysages d’Italie, il voit autre chose. Non l’éternelle clarté des pins de Rome et la noblesse des marbres antiques et lustrés, mais la fresque visionnaire et grave de sa propre carrière : un chemin abrupt masqué par les ombres, interrompu par les gouffres profonds. Il est passionnant de constater que la nature féconde lui inspire non pas une gravure nette et précise la façon d’un chromo mais plusieurs visions fugitives et imprévues, comme « voilées » par le filtre sensible de sa propre imagination. Son inspiration est tout en finesse, d’une sensibilité rêveuse et contemplative, convulsive aussi, pénétrée par de multiples états hallucinatoires.
Le sujet est une ample méditation sur la Nature dont les profondeurs impénétrables renvoie immanquablement un examen critique de la nature humaine. Il s’agit de sonder la place de l’Individu dans l’Univers, celle de son destin, proie de forces énigmatiques. A la « mélancolie, au bonheur et la joie » (scène I) succède l’admirable prière nocturne des pèlerins (scène II) ; puis un « montagnard des Abruzzes chante sa sérénade à sa maîtresse » (scne III) avant que les fureurs de l’orchestre ne l’entraînent dans une « orgie de bandits » (scène IV).
Ombres et lyrisme d’une pensée déséquilibrée, traversée par une passion pour la beauté mais aussi pour le macabre et le fantastique.
Toujours flottant comme un papillon désabusé, se distingue la voix de l’alto, sur le fond des paysages, tour à tour, sereins et mystérieux, baignés par une torpeur d’étuve, puis emportés jusqu’à la passion finale.

Lors de la création, un orchestre étoffé comptant jusqu’à 130 « gaillards » rendait compte par un effet de miroir, des états mentaux de l’auteur. « Harold » s’est bien sûr Berlioz lui-même, en proie aux tourments d’une existence qui s’entête à lui barrer la voie de la plénitude et des honneurs.
Le temps lui manque, l’argent aussi. Peu de temps libre, peu de sérénité pour construire son oeuvre et poursuivre la composition de son opéra que le Paris musical doit connaître et applaudir.

Retrait et hommage de Paganini
« Harold » après la « Fantastique » de 1830 poursuit cet emportement génial et libre de l’écriture orchestrale où la recherche de climats musicaux imprévus et les colorations spécifiques dévoilent peu peu un talent unique, qui dérange plus qu’il ne rassure. Visionnaire et inclassable, la matière d’ « Harold » à la fois, concerto et symphonie, montre combien avec une sensibilité singulière, le musicien s’approprie un mythe littéraire et édifie un poème des passions et des nerfs, une aventure du sentiment. Tous les instants personnels s’y mèlent à son idéal esthétique. Désormais, on sent bien que dans l’orchestre, palpite une pensée en marche, un pur esprit qui s’accroît et captive, une âme qui absorbe et s’approprie les milieux pour en filtrer l’essence. Le résultat est déconcertant : il ouvre des horizons nouveaux.- pour lesquels le public sort déconcerté.

L’ouvrage était à l’origine une commande du violoniste Paganini qui était aussi un excellent virtuose de l’alto. Certainement désemparé par l’originalité du propos, où l’instrument soliste n’étale ni son panache ni ne participe au drame, mais plutôt médite et reste toujours en retrait, gardant sa propre intriorité critique, Paganini se rétracta finalement. « Harold » fut créé par l’altiste Chrétien Uhran lors des concerts produits par Berlioz lui-même, le 23 novembre 1834. Par la suite, le virtuose italien put se rendre compte combien neuve et puissante était la partition. Il fit remettre au génial auteur, « digne héritier de Beethoven« , la somme de 20 000 francs, afin de rendre hommage à son inspiration supérieure.

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