samedi 26 avril 2025

Haendel: Rinaldo (Dantone, Glyndebourne 2011) 2 dvd Opus Arte

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Créé en 1711, repris ensuite en 1735, Rinaldo est l’oeuvre des premiers triomphes londoniens du jeune Haendel, de retour de l’Italie si inspiratrice. Ainsi les londoniens découvrent l’opéra italien grâce à une jeune homme de 26 ans… D’après La Jerusalem délivrée du Tasse, l’opéra met à profit le contexte de la première croisade pour échafauder un véritable et complexe labyrinthe des coeurs. La guerre est moins celle des armes que des sentiments.
A l’époque de la croisade menée par Godefroy de Bouillon (Goffredo: très présente Varduhi Abramayan) contre le roi de Jérusalem, le sarrazin Argante (vif et nerveux Luca Pisaroni), le lieutenant chrétien Rinaldo amoureux d’Almirena (fille de Goffredo) doit vaincre les sortilèges de la magicienne, alliée des Sarrazins, Armida, qui est tombée amoureuse en vain du beau chevalier. L’intrigue se complique encore quand Argante succombre aux charmes d’Almirena: l’action réalise un croisement des attirances en dépit des alliances supposées par le contexte militaire et politique: dans les faits, Argante et Armida sont associés contre le couple chrétiens, Almirena / Rinaldo. Mais au cours de l’action, l’échiquier se démantèle… et eros redistribue les cartes.
Du reste les deux protagonistes demeurent l’enchanteresse prise dans les rets d’une passion qu’elle ne maîtrise pas, et le général chrétien, soumis à la loi du déséquilibre émotionnel, de la tentation, des illusions manipulatrices.


Plateau vocal convaincant

Pour la reprise de 1731, Senesino, castrat vedette des productions londoniennes de Haendel chante le rôle titre. Dans cette nouvelle production enregistrée en août 2011 à Glyndebourne, le personnage est incarné avec une fougue toute hallucinée par Sonia Prina. Son Cara sposa est magnifique, révélant sous la cuirasse du guerrier, l’étoffe passionnelle d’une âme déjà romantique. Le timbre magnifiquement mâle offre une très belle incarnation du rôle à la croisée des registres poétiques: tragique, mélancolique, tendre, héroïque à la fois… A ses côtés, les autres chanteurs défendent sans faillir le profil de leurs personnages. Saluons ainsi l’Armida au bord de la crise d’hystérie conquérante et finement sadique de Brenda Rae; comme la suave Almirena de Anett Fritsch. Le cast est proche de l’excellence.

Ottavio Dantone, spécialiste de l’approche sur instruments d’époque, en particulier à la tête de son ensemble Academia bizantina, sait colorer les milles accents dramatiques souvent d’inspiration végétale et panthéiste de la partition (présence évocatrice des flûtes pour les oiseaux du premier air d’Almirena); une partition particulièrement raffinée qui sait aussi recycler de nombreuses mélodies déjà écrites dans des oeuvres antérieures. Le chef ne manque ni d’élégance ni de fougue; et les idées parfois décalées de la mise en scène sont effacées heureusement par la vitalité toute en nuance de l’orchestre, subtilement présent. Un travail d’orfèvre qui confirme Dantone comme haendélien d’envergure.

La mise en scène de Carsen, qui fit ses débuts à Glyndebourne en 2008 avec l’Incoronazione di Poppea, reste fidèle à ce que l’on connaît de ses approches lyriques: un kitsch souvent clinquant qui rencontre rarement les points forts de l’intrigue; une froideur distanciée qui prend un recul souvent glaçant avec la dramaturgie comme pour mieux s’en détâcher; le système peut séduire comme agacer: au moment où paraît Almirena dans un air qui convoque de façon ramélienne la nature et les chants d’oiseaux, Carsen rejette toute constellation pastorale: rien d’idyllique alors, sinon la froide cour d’école à mi-pénombre avec grillage frontal et vélos parqués… le canadien ne manque pas de nous infliger plusieurs idées gadgets un rien caricaturales; Rinaldo est un écolier fougueux et sensible à l’école d’Harry Potter: martyrisé par ses condisciples et par les professeurs, il s’évade dès le début en convoquant le monde des chevaliers; et évidemment la méchante Armida, est une dominatrice en… cuir noir… tout cela n’est qu’anecdotique et ôte tout souffle épique à la scène des croisades: les chevaliers, Rinaldo et ses spadassins s’y déplacent non à cheval mais… à vélo.

Haendel: Rinaldo (1711), version en 3 actes. Avec Sonia Prina, Anett Fritsch, Brenda Rae, Luca Pisaroni, Varduhi Abrahamyan… Orchestra of the Age of Enlightenment. Ottavio Dantone, direction. Robert Carsen, mis en scène. Enregistré en Glyndebourne, en août 2008. 1 dvd Opus Arte OA 1081 D.

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