Giacomo Puccini
Turandot, 1926
Vlaamse opéra
Anvers, du 12 au 20 septembre 2008
Gand, le 28 septembre 2008
Robert Carsen, mise en scène
Patrick Fournillier, direction
On sait les difficultés avec lesquelles Puccini tenta d’achever une partition inégale, d’autant qu’il laissa après sa mort (Bruxelles, 1924) un ensemble de manuscrits autographes qui ne bénéficièrent d’aucune révision finale de la part de leur auteur. On sait aussi avec quelle autorité Toscanini maltraita le compositeur Franco Alfano désigné pour compléter et terminer l’ouvrage.
Attraits d’une partition inachevée
L’idée d’un Puccini, faiseur de mélodies faciles et sirupeuses, dans la lignée des véristes larmoyants, a vécu. C’est le fruit d’une lecture superficielle.
Il faut au contraire le tenir comme un concepteur d’avant-garde, soucieux certes d’airs clairement mémorisables mais aussi d’harmonies innovantes. Son opéra Turandot ne le montre pas: il affirme l’ouverture et la sensibilité d’un auteur visionnaire dont l’avancée du style voisine avec Berg (Wozzek) et Prokofiev (l’amour des trois oranges).
D’autant que Turandot est le dernier ouvrage sur lequel le compositeur s’obstine. Commencé en 1921, laissé inachevé –Puccini meurt à Bruxelles en 1924-, l’épopée chinoise, sentimentale et héroïque, mêle tous les genres d’une grande machine : sincérité émotionnelle (le personnage de Liù), saillie comique (les trois ministres Ping, Pang, Pong), fresque collective (chœurs omniprésents), trame tragico-amoureuse (le couple des protagoniste Turandot/Calaf)…
L’œuvre est d’autant plus intéressante qu’elle est parvenue incomplète, donnant d’ailleurs crédit aux critiques injustes qui aiment souligner l’incapacité de l’auteur sur le plan de l’écriture, à vaincre une partition et un sujet dont la « sublimité » dépasserait ses possibilités musicales.
Le grand oeuvre
Gageons que, s’il avait disposé de plus de temps, l’auteur de Madame Butterfly, de La Bohême ou de Manon, aurait su trouver la juste conclusion à la partition qu’on a déclaré depuis, « impossible, infaisable, irréductible » à toute forme conclusive…
Quoiqu’il en soit, Puccini souhaitait dans Turandot, mêler féérie exotique et action héroïque, fantastique et onirisme. Il donnait ainsi sa proposition du grand œuvre lyrique, à l’instar d’Aïda de Verdi, dont la découverte et l’écoute subjuguée, auraient décidé de sa vocation comme compositeur d’opéra.
Des avatars et divers arrangements avec la partition léguée par Puccini, l’oreille avisée reconnaît in fine, l’assemblage maladroit. En particulier, à partir de l’ajout d’Alfano, après la dernière portée autographe du compositeur (la fin de l’air de Liù)… Tout cela s’entend et se voit aujourd’hui dans les productions de Turandot. Il n’empêche que la fresque exotique et ses superbes assauts orchestraux – d’une audace et d’une modernité sous-évaluées à notre sens – confirment la valeur d’une oeuvre à part. Inachevée mais puissante, plus moderniste qu’on l’a écrit, son déséquilibre structurel, en particulier dans la dernière partie, révèle une oeuvre à (re)connaître d’autant que sa popularité ne s’est jamais démentie.
Giacomo Puccini (1858-1924), Turandot. Créé à Milan, Teatro alla Scala, le 25 avril 1926, drame lyrique en 3 actes, achevé par Franco Alfano
(1876-1954) sur un livret de Giuseppe Adami et Renato Simoni.