vendredi 29 mars 2024

Festival de Musique Baroque, 30e anniversaireLyon, Chapelle de la Trinité. D’octobre 2012 à mai 2013.

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Festival de Musique Baroque
30e anniversaire
Lyon, Chapelle de la Trinité.

D’octobre 2012 à mai 2013.

Sept concerts en novembre et décembre 2012

Lyon est et n’est pas tout à fait une ville baroque. Mais elle a ses groupes très vivants de musique ancienne, et même son Festival – un trentenaire ! -, installé depuis 1999 dans la Chapelle restaurée de la Trinité. La session 2012-2013 est ouverte, avant Noël, sur une diversité baroque : un dialogue de laudes XVIe et de chants soufis, le Magnificat de Bach et Mondonville, des Folias antiguas et criollas par Hesperion XXI, Haendel et Hasse par Vivica Genaux, King Arthur de Purcell, Amandine Beyer jouant Bach, et même des Chœurs Russes pour la liturgie orthodoxe…


Nous avions vingt ans ou presque

Comme le constate en sourire photographique le Patron du Festival Baroque de Lyon, Eric Desnoues : « Il y a trente ans nous avions vingt ans ou presque. » Et d’ajouter, sans nostalgie sur le « tempus fugit » de quelque cadran solaire entre Rhône et Saône,( ici volontiers statufiés en divinités liquides –donc par essence baroquissime -), uniquement pour le plaisir de se rappeler l’origine : « En ce temps-là des amis enthousiastes ont eu l’intuition que Lyon méritait un grand Festival, mariant à la renaissance de soin patrimoine architectural la redécouverte de la musique baroque. » C’était donc en 1982, près de 500 concerts ont été « vécus » par ce Festival, mais c’est à mi-parcours (ou presque) qu’à la veille du XXIe (siècle) la Ville de Lyon offre au Festival « la perle baroque de son architecture, la Chapelle de la Trinité » (depuis longtemps enclavée dans le périmètre du Collège devenu Lycée Ampère, en rive gauche de la Presqu’île).


Ville baroque ?

Trente ans, cela pourrait justement mener à une réflexion architecturale et à une question esthétiquement peu correcte : « Lyon serait-il une ville bien peu baroque ? » Il serait donné réponse à la normande, dubitative, genre bouteille moitié pleine, moitié vide. Ville antique, médiévale, renaissante, ô combien ! Baroque ? C’est selon que l’on tourne le regard vers les modèles plus méridionaux , à plus forte raison vers « l’outre-mer » américano-latin où l’exubérance hispanique s’est adonnée aux délires, ou au contraire vers une Europe du nord-ouest dont la France ferait partie et qui n’aurait que rarement cédé à ce rien de folie qui fonde en vérité… toujours fuyante courbes, entrelacs, torsades et illusions.


Protée, Circé, le Paon

Et à Lyon, les « lieux baroques » ne sont pas légion : quelques sanctuaires – dont la Chapelle de la Trinité, justement, celle de l’Hôtel-Dieu, l’Eglise de Saint- Bruno des Chartreux (à la Croix Rousse) – en témoignent, et encore si leur décoration intérieure – notamment Saint Bruno – fait part assez généreuse à la flamme baroque, leur entrée dissimule plus qu’elle n’invite à partager cette déraison sans laquelle il n’est pas de vrai baroque (rappelons tout de même l’étymologie de ce barroco portugais : la perle irrégulière, bizarre…, « tarabiscotée » si on cherche l’adjectivation française plus imagée). Autrement dit, la façade ici et déjà tient davantage du classicisme et de la maîtrise de soi. En somme, l’inverse des figures tutélaires que Jean Rousset dans sa « Littérature de l’âge baroque en France » désignait en protectrices artistiques : l’enchanteresse Circé, maîtresse des métamorphoses, le Paon et sa roue d’Ostentation, Protée, qui change et se change perpétuellement…Alors, qu’au moins l’un des concerts de ce 30e anniversaire vous donne occasion, in situ Trinitatis, de vérifier nos allégations sur façade, nef, peintures, sculptures et même mobilier (les beaux lustres réinstallés dans la Chapelle) !


Doulce Mémoire dans les transes

Légère intervention de Protée dans le calendrier, d’ailleurs : au début, le Festival se concentrait avec son éventail emplumé sur un mois hivernal. Maintenant, c’est tout au long d’une saison, même si novembre-décembre est le plus « chargé » en événements. Au fait, vous avez dit : éventail ? Selon les principes d’une ouverture – on ne peut plus baroque, cet art anti-frontières hiérarchiques -, la programmation associe des domaines auxquels on ne songerait pas d’évidence. Ainsi pour cette invitation à Doulce Mémoire, le groupe, Renaissant par excellence, dont Denis Raisin-Dadre est le très imaginatif Meneur de Jeu : l’Italie du XVIe (laudes, « chants extatiques ») y est confrontée (« en transe »)à la spiritualité incantatoire des confréries persanes dans la tradition soufie : méditation, jubilation, transe en rencontre ». Deux musiciens de « là-bas » (Taghi Akhbari, pour le chant, Nader Aghakhani, au târ) rejoignent des…Lyonnais d’origine et de travail (D.Raisin-Dadre lui-même, des chanteurs tels Clara Coutouly, Paulin Bündgen, Véronique Bourin, des instrumentistes qu’on voit aussi dans d’autres « géométries variables » du baroque régional et français). Et comme pour la mise en espace circulaire d’Ostentation, la Chapelle y laisse son cadre « croix latine » pour une scène centrale dans la nef, autour de laquelle les spectateurs prendront place. Tiens, c’est pour Doulce Mémoire un 22e anniversaire, par lequel « les galions de Christophe Colomb et les musiques de la Renaissance voyagent, échangent et dialoguent aisément avec les autres cultures… »


Le solaire de Bach

On va ensuite vers du plus classiquement…baroque, où le Magnificat de J.S.Bach, si « solaire » – brille d’un germanique éclat par lequel « Giovanni-Sebastiano Fiume » s’italianise. C’est en compagnie du moins bien connu Jean- Joseph Cassanéa de Mondonville – un vrai méridional, Narbonnais de naissance -, qui prit le parti de la musique française, donc rigoureuse, aux temps XVIIIe de la Querelle des Bouffons, et dont deux Grands Motets souligneront l’écriture « synthétique, dense et moderne ». Un autre Sébastien – d’Hérin -, claviériste d’orgue, de clavecin et de piano-forte, fondateur et chef des Nouveaux Caractères – mène ses instrumentistes et cinq chanteurs (Caroline Mutel, Hjördis Thébault, Théophile Alexandre, Emiliano Toro, Alain Buet) en cette recherche aventureuse.


La vieille amitié de Jordi Savall

Lui succède, sous le signe d’une vieille amitié, une nouvelle version des Folias recueillies et revivifiées par Jordi Savall. Cette fois, c’est dialogue « entre ancien et nouveau monde » que cet humaniste toujours en recherche de ce qui rassemble contre ce qui divise – ainsi, son livre-disque « Jerusalem, la ville des deux Paix – nous fera emprunter. D’une part « musiques survivantes dans les traditions orales Llaneras, Huastèques et d’autres répertoires métissés et anonymes (les cultures d’Amérique et « importées » d’Afrique , d’autre part les musiques conservées dans manuscrits et éditions d’époque Renaissance et baroque ». Jordi Savall demande donc aux instrumentistes de son Hesperion XXI (« dans l’Antiquité : Hesperia les deux péninsules d’Europe, l’Italienne et l’Ibérique, mais aussi le nom de la planète Vénus quand elle apparaissait la nuit, à l’Occident »), fondé en 1974 (et c’était encore XX – e siècle !), l’adaptation, la souplesse stylistique et la fusion inspiratrice qui l’ont toujours guidé. En sa croyance dans 0 un « pouvoir de la musique dans sa beauté, son émotion, sa spiritualité, comme un langage essentiel de l’être »…


D’Alaska en Oural

Puis la mezzo Vivica Genaux –on croirait cette belle chanteuse, si expressive, venue…du froid d’Alaska illustrer l’antithèse baroque par excellence : « gelo e ardo », je gèle et je brûle – jouera en « prima donna » des airs d’opéra puisés aux trésors d’Italie. Car ici les deux Allemands longtemps acclimatés dans l’Hesperia Italiana – Haendel et aussi Hasse, que les Italiens nommaient il caro Sassone, le cher Saxon – rejoignent l’inimitablement vénitien Vivaldi. La Capella Gabetta – une histoire de famille, puisque ce jeune ensemble a été fondé il y a deux ans par la violoncelliste Sol et son frère, Andrès, violoniste qui en est chef – est accompagnatrice. Au concert suivant, pas besoin d’instrumentistes, puisque le Festival invite comme depuis…toujours les Lyonnais, en période de Noël, à s’immerger dans le chant choral profond Russe, reprenant le domaine religieux de la célébration orthodoxe médiévale. Ici, ce sont plusieurs œuvres d’une polyphonie purement vocale, et même dans un courant baroque russe qui commence à la fin du XVIe avec une liturgie de Saint Jean par N.Diletsky, et se prolonge au XVIIIe avec Titov ou Berezovsky (une formule très « occidentale » de concerto…pour chœur), puis dans le brillant italianisant de Borniantsky. Au XXe, le flambeau est repris par Spiridov. C’est ce parcours à travers les modalités expressives revisitées de l’âme russe (« mélancolie, spiritualité, sagacité ») qu’on suivra grâce au Chœur de Chambre de l’Oural, 28 voix mixtes guidées par Vladislav Novik.


Molière et Purcell dans l’escalier baroque

L’Air du Froid, qui ne connaît pas ? Et chez cinéphiles, moliériens et mnouchkiniens, cela évoque aussitôt la scène-culte, toujours aussi bouleversante, des derniers instants du Comédien Génial, mourant porté par ses amis dans la spirale ascendante d’un grand escalier (ô combien baroque !), et revoyant les flashes d’une mémoire éblouie… Oui, c’était la musique de Purcell, et la scène idéalisée dans son film par Ariane Mnouchkine eût suffi (il y a 34 ans déjà, 1978 !) à magnifier (et transposer vers une marche funèbre ) un extrait de ce semi-opéra d’un autre génie, anglais, mort vingt deux ans plus tard, probablement du même mal que Molière. En fait le récit de ce Roi Arthur montre « l’affrontement entre Arthur le Breton, roi très chrétien, et Oswald le Saxon, roi très païen. Aidés de leurs enchanteurs – Merlin , Osmond -, les deux souverains se disputent la Bretagne et la belle Emmeline, jeune fille aveugle. L’amour, l’honneur et la paix triompheront… » Il incombe à un grand imaginatif du Baroque musical, Jean Tubéry, de traduire avec sa Fenice, fondée en 1990 (ici, 9 chanteurs et 11 instrumentistes) les étranges beautés – version de concert, évidemment – de ce Roi Arthur qui, sous toutes ses formes, scéniques ou non, fait tant rêver…


Une violoniste d’imagination

Pour clore la série festivalière en 2012, Amandine Beyer, une violoniste dont la sonorité, les choix d’interprétation, le style très original, la simplicité…non ostentatoire mais très vivante du comportement constituent déjà un charme légendaire. D’abord flûtiste, puis violoniste, tournée aussi vers le contemporain –une maîtrise au CNSM de Paris sur…Stockhausen -, A.Beyer était partie étudier à Bâle avec Chiara Banchini, lieu mythique de la musique ancienne où elle a aussi suivi l’enseignement de Jean Tubéry. Désormais soliste concertiste, elle pratique beaucoup la musique dans les groupes, enseigne à son tour (elle a pris la succession bâloise de Chiara Banchini). La voici avec la claveciniste Anna Fontana dans J.S.Bach – trois sonates violon-clavier -, chacune des deux redevenant ensuite soliste en 3e Partita et Fantaisie Chromatique. Délaissant le trop vaste vaisseau de la Trinité pour le cadre plus intime de la Salle Molière, le Festival devient d’ailleurs ce jour d’avant Noël co-artisan avec la Société de Musique de Chambre, dont ce sera le 3e des 8 concerts 2012-2013. Histoire de mêler des publics et leur mode d’écoute…

Puis, en 2013, le Festival reprendra en Trinité le fil de dix autres concerts : M.E.Cencic et D.D.Lee, les Tallis Scholars – d’Allegri et Pälestrina et Arvo Pärt -, les Surprises (ramistes) de l’Amour par les Nouveaux Caractères, Couperin et Clérambault version d’inspiration « ténèbres » par le Poème Harmonique de V.Dumestre, Pergolèse par le Recréation Barock, des cantates de Bach et la Messe K.427 avec Le Louvre de Marc Minkowki, Mozart revisité par Sigiswlad Kuijken, de la musique ancienne Ecossaise (Musiciens de Saint Julien)…


Lyon, Chapelle de la Trinité. 30e anniversaire du Festival Baroque.
D’octobre 2012 à mai 2013.
17 novembre, 2012 , 20h : Doulce Mémoire ; samedi 24, 20h ; dimanche 25, 17h : Bach,Mondonville ; vendredi 30, 20h : Jordi Savall ; mardi 4 décembre, 20h : Viviva Genaux ; dimanche 9, Cathédrale, messe du Festuival, 10h30 ; mardi 11, 20h : chœurs baroques russes ; samedi 15, 20h, dimanche 16, 17h : King Arthur (J.Tubéry) ; mercredi 19, 20h, Salle Molière : Amandine Beyer.
Information et réservation : T. 04 78 38 09 09 ; www.lachapelle-lyon.org

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