dimanche 27 avril 2025

Entretien avec Arnaud Marzorati

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La voix, le corps. Un chanteur qui travail autant le geste que l’impact du verbe. Arnaud Marzorati est un baryton enchanteur qui cisèle l’art du chant baroque mais aussi s’ingénie à dévoiler la geste des paroliers du siècle dernier. Entretien.


Quel est la production parmi vos derniers projets qui vous laisse le meilleur souvenir et pourquoi ?

Sans aucune hésitation, le Bourgeois Gentilhomme de Lully et Molière auquel j’ai participé avec le Poème harmonique sous la direction de Vincent Dumestre. L’expérience est exceptionnelle parce qu’elle réunit toutes les disciplines de la scène : la musique et le chant, la danse et le théâtre. J’y incarne différents rôles. Mais le personnage le plus important que je joue est le Grand Moufti que Lully a incarné pour la création de l’ouvrage au XVII ème siècle. Nous venons de présenter le spectacle dans plusieurs pays de l’Est, à Budapest, en Serbie… L’accueil a été extrêmement chaleureux. Je crois que le français baroque que nous chantons et déclamons, cette langue reconstituée apporte une saveur particulière.
Pour l’interprète, la comédie-Ballet, genre laboratoire, intermédiaire, mi théâtral mi vocal, nous permet d’épanouir pleinement notre jeu, comme acteur et comme chanteur. C’est très stimulant.


Sur quels projets travaillez-vous ?

Un opéra sacré du XVIIème siècle italien, La vita humana de Marazzoli, toujours avec le Poème harmonique et Vincent Dumestre, ainsi que Benjamin Lazar qui nous dirige sur le plan de la gestuelle. Nous en donnerons la création à Utrecht en septembre prochain, ensuite dans le cadre du festival d’Ambronay. J’y incarne il Piacere, le Plaisir. Il s’agit d’une œuvre qui appartient au milieu musical romain où elle fut créée en 1664. L’humain y est écartelé entre plusieurs valeurs : il y a donc le plaisir, mais aussi la faute, la raison et l’innocence. Nous sommes cinq chanteurs. Nous donnerons l’ouvrage avec une mise en espace, c’est pourquoi nous sommes amenés à travailler notre jeu de scène. Cet aspect du chant me passionne.


Quel est la difficulté principale de votre travail sur la gestuelle ?

Retrouver un naturel, une aisance, une sorte d’évidence dans le chant et par le jeu scénique. La gestuelle est une notion souvent sous-estimée : elle est fondamentale pour le chant baroque.
C’est d’autant plus difficile pour le chanteur que nous avons tendance à surajouter par le chant. Or l’objectif est d’écarter ce qui est ampoulé, superfétatoire, emphatique. Il faut toujours garder une certaine distance. Vous voyez que cela n’est pas évident.


Vous avez enregistré un album consacré aux chansons de Prévert et de Kosma. Pouvez-vous nous parler de ce programme ?

J’ai beaucoup travaillé à ce projet. Nous l’avons donné avec Gersende Florence, soprano, qui est ma partenaire, à l’Opéra de Lille, à la Péniche Opéra. Ce qui m’a intéressé c’est d’aborder chaque mélodie sur le plan de la théâtralité. Nous avons conçu pour le récital, là aussi, une mise en scène. Toutes nos idées partent des textes. L’univers surréaliste qui est évoqué, nous a donné les clés de notre approche. Prévert lui-même avait créé son groupe, « Octobre », pour composer des pièces résolument absurdes. Il les a jouées devant des ouvriers. J’aime travailler dans cette frontière, entre la scène, le jeu scénique et le chant, en s’appuyant sur la richesse et le sens des mots.



Vous avez constitué votre propre ensemble. Pouvez-vous nous parler de ce projet?

Avec mes complices, le ténor, Jean-François Novelli et le claveciniste, Bertrand Cuiller nous avons créé notre ensemble en 2004 et l’avons appelé « les Lunaisiens » en référence à Raymond Queneau, un écrivain que j’estime beaucoup. Tout notre travail est concentré sur les notions de chant et de théâtralité.
Nous avons dans ce sens un projet sur Bastien et Bastienne de Mozart. Nous préparons en ce moment un programme consacré à plusieurs cantates de Montéclair. Nous le donnerons aussi à Versailles dans le cadre de la programmation du centre de musique baroque de Versailles, le 7 octobre. Il s’agit des cantates « le retour de la paix », « le temple de la constance », enfin, « Pyrame et Thisbé » où je tiens le rôle du narrateur.
Nous travaillons aussi un autre programme constitué de pièces de Stuck, compositeur français du début du XVIIIème siècle et qui sera édité par le label Alpha. Stuck est connu pour avoir introduit le violoncelle en France. Sa musique est très italienne, à la Pergolèse, trop italienne, comme on le lui a reproché de son vivant. Il s’agit de trois cantates dont le fil conducteur est la jalousie : « Mars jaloux », «Tircis », enfin «Héraclite et Démocrite », que nous chantons conformément aux indications de l’auteur pour deux voix masculines.


Quel est le répertoire que vous aimez aborder en dehors des musiciens baroques ?

Je m’intéresse aux chansonniers du XIXème siècle, comme Béranger ou Désaugiers. D’ailleurs avec l’accordéoniste Daniel Brel, nous donnons un récital consacré à Béranger à Bruxelles. Le spectacle s’intitule : « La comédie humaine selon Béranger ». Le 19 Juillet à Bruxelles et le 20 à Louvain.

Quels sont les rôles que vous aimeriez que l’on vous propose ?

Par goût, j’aime les rôle comiques. J’ai chanté Figaro du barbier de Séville, mais aussi Papageno, Malatesta, Sganarelle dans le « Médecin Malgré Lui » de Gounod. J’aimerais poursuivre mes prises de rôles dans Rossini, je pense par exemple à la Cenerentola ou le Turc en Italie. Mais je suis également tenté par Leporello, Zurga des Pêcheurs de Perles de Bizet, et aussi, Pelléas de Pelléas et Mélisande de Debussy.

Propos recueillis par Alexandre Pham


4 dates clés

1998
Mon 1er Prix au conservatoire supérieur de Paris
dans la classe de Mireille Alcantara

2000
Mon premier Papageno à l’Opéra d’Avignon

2002
Ma rencontre avec le compositeur et chef d’orchestre,
Peter Eötvös dans le cadre de la création du « Balcon »
au Festival d’Aix en Provence

2004
La création de mon ensemble « Lunaisiens »

discographie

Prévert, Kosma, mélodies. 1 cd Alpha
Clérambault, Quatre saisons. 1 cd k617
Campra, Les grands motets. Les Arts Florissants. 1cd Virgin classics
Stuck, cantates de la Jalousie. 1 cd Alpha.
Domenico Belli: Orfeo Dolente. 1 cd Alpha
Pierre-Jean Béranger: chansons. 1 cd Alpha

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