Muti a montré avec grandeur et conviction son inclination pour Chérubini. Serait-ce que, parce qu’étant tous deux napolitains, le chef éprouverait une indéfectible attraction pour son prédécesseur ?
Si l’on constate la discographie la plus convaincante concernant les messes du compositeur, force est de reconnaître la domination du maestro Muti : pas moins de quatre enregistrements chez Emi confirment l’inspiration du chef pour le compositeur (Messe pour le couronnement de Charles X, Messe pour le couronnement de Louis XVIII, Requiem à la mémoire de Louis XVI, Requiem en ré mineur).
Autant dire par ailleurs, la dévotion du musicien italien pour la monarchie française.
Muti a également enregistré la Messe de Chimay (Emi , 2003), ce soir diffusé en direct par France Musique depuis la Basilique Saint-Denis, dans le cadre du Festival de Saint-Denis 2006.
En 1808, le musicien apprend la botanique à Chimay, non sans avoir le désir durant cette retraite bucolique, de se détacher de la composition. A 48 ans, il a composé Médée (seconde version de 1802, créée à Vienne). Après avoir servi comme co-directeur le théâtre de Monsieur (jusqu’en 1792), Cherubini participe au renouveau de la musique sous la tutelle de la jeune république française en devenant inspecteur de l’enseignement du tout nouveau Conservatoire. Professeur de composition, il ne tardera pas à devenir en 1822, directeur de l’Institution. Non sans avoir été auparavant (1816) nommé surintendant de la Chapelle de Louis XVIII. A l’époque de Chimay, il est une figure incontournable de la vie musicale, personnalité politique,-grâce à sa fidélité au régime monarchique-, et auteur reconnu.
Avec la Messe de Chimay, Cherubini qui n’a pas encore composé l’essentiel de son œuvre sacrée – en particulier pour les souverains français post napoléoniens, se remet à l’œuvre dans une œuvre volontaire et inspirée (Gloria véhément, Crucifixus en état de grâce).
La musique sacrée, sous le règne de Napoléon et pendant la Restauration, reste à redécouvrir. Servi par un interprète qui est de longue date, l’un des ses plus fidèles serviteurs, l’oeuvre retransmise ce soir, devrait permettre de se faire une idée du legs chérubinien.
Ingres qu’une amitié ancienne, liait au compositeur, fit le portrait de Cherubini en 1842. Si l’esquisse au crayon conserve le caractère vivant d’une esquisse prise sur le vif, le portrait pictural qui en est l’aboutissement, appartient à la peinture d’histoire. Sous la protection de la musique, laquelle tend un bras et une main protectrice au- dessus de sa tête (cf. notre illustration), le vieux musicien, qui meurt l’année du portrait, apparaît comme statufié, déjà icône allégorique d’un esthétisme officiel qui nous paraît bien étranger aujourd’hui. Pour remercier le peintre de l’avoir portraituré, le compositeur écrira un canon à trois voix en hommage au talent de l’artiste : O salutate Ingres. Lire à ce propos, la critique du dvd le violon d’Ingres, paru en 2006 chez l’éditeur Armide.
Luigi Cherubini (1760-1842), Messe de Chimay (1808).
Festival de Saint-Denis. En direct de la basilique, France Musique à 20h.
Solistes : Ruth Ziesak (soprano), Herbert Lippert (ténor), Ildebrando d’Archangelo (basse), chœur de Radio France, Orchestre national de France, direction : Riccardo Muti.
Illustration : Ingres, portrait de Cherubini (1842, musée du Louvre, Paris).