dimanche 27 avril 2025

Antonio Vivaldi, Bajazet (1735)Festival Montpellier et Radio France, les 24 et 25 juillet à 20h.

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L’essor des cds consacrés aux opéras de Vivaldi a dévoilé un
tempérament inestimable de la scène. Mieux, cette profusion d’enregistrements signés Virgin classics, CPO, DG ou Naïve (intégrale des opéras vivaldiens en cours) indique indiscutablement un égal
de Haendel.
Pourtant, nos théâtres d’opéras demeurent frileux à monter
une production de Pretre Rosso. C’est pourquoi, ce Bajazet
programmé à Montpellier, pour deux dates, dans le cadre du festival de Montpellier et
Radio France est un événement incontournable de cet été. D’autant que
les interprètes, pour une partie, ont enregistré la partition dans une
gravure particulièrement saluée à l’époque de sa sortie (Virgin classics, 2005).

Les
discophiles retrouveront en effet le chef italien, Fabio Biondi et son
orchestre Europa Galante, ainsi que seule voix de la distribution
gravée chez Virgin classics, Vivica Genaux, dans le rôle d’Irene. Souhaitons qu’auprès de ses
nouveaux partenaires à Montpellier, la mezzo canadienne retrouve l’état
de grâce du disque.

Une œuvre de réemplois

Bajazet est
un pasticcio, c’est à dire, une partition composée d’airs anciens, déjà écrits
pour des opéras antérieurs, puisés par Vivaldi, dans son catalogue ou dans celui de
ses contemporains (Hasse, Broschi, Giacomelli). Les mélodies sont
réutilisées, les textes réécrits, comme les recitatifs repensés selon
un ordre et une succession dramatiquement recontruits.
Pour Idaspe, par exemple, le compositeur recycle l’air Nasce rosa lusinghiera, antérieurement composé pour Giustino et Farnace.
Vivaldi a recours
en de multiples occasions à ce principe, qui d’ailleurs est familier à
tous les compositeurs du XVIII ème siècle. La nécessité de présenter à chaque saison des
ouvrages « nouveaux », a certainement inspiré au musicien, le réemploi
de matériau tout aussi efficaces, s’ils sont habilement recyclés.
D’autant plus, s’il s’agit d’airs à succès. A ce titre, pour son Bajazet, Vivaldi fait
mieux que ses autres pasticcios, tels Dorilla in Tempe (1734) ou
Rosmira fedele (1738), oeuvres qui encadrent Bajazet.
Mais Vivaldi entre deux réemplois, subtilement retravaillés pour le respect de la continuité et de la cohérence dramaturgique, écrit des airs nouveaux d’un indicutable souffle tragique, en particulier pour les personnages de Bajazet (Odi, Perfida! puis l’arioso, Verro crudel, spietato...), et d’Asteria (E morto, si tiranno… puis, Svena, uccidi, abbatti atterra…).

Un héros à l’antique

En reprenant le sujet de Bajazet, Vivaldi
s’attaque à un sujet auparavant mis en musique par son maître
Gasparini, en 1711. D’après Tamerlan ou la mort de Bajazet, pièce
écrite par la français Jacques Pradon en 1675, le livret existant de
Piovene évoque l’héroïsme tragique de Bayazid Ier, sultan arrogant,
défiant la puissance des nations européennes, en ayant promis, non sans
provocation, que son cheval mangerait son avoine sur le trône de
Saint-Pierre à Rome. Insulte suprême en ses temps où la guerre contre
les turcs battait son plein. Or l’insolent fut écrasé et fait
prisonnier par un plus fort que lui, Tamerlan, le tyran mongol,
-Timour-Lang, le Seigneur boîteux-, prince cruel et pervers,
incarnation de la barbarie la plus atroce. Ainsi, l’Europe Baroque
confrontée aux Turcs menaçants, trouvait dans l’histoire de Bajazet, la
preuve de la faillibilité et du diabolisme de leurs ennemis.

Une troupe de chanteurs accomplis

Pour
Bajazet, Vivaldi sélectionne une troupe de chanteurs remarquables. Impresario
intuitif et pertinent, il s’entoure des meilleures voix dont Anna
Giro
, sa muse, sa secrétaire ou peut-être davantage, comme on l’a
supposé dès son vivant, à tout le moins, sa secrétaire personnelle,
puisqu’il souffrait d’une maladie chronique des poumons, et pour
l’opéra qui nous intéresse, chantait Asteria donnant à son personnage
hautement tragique, l’étoffe de son contralto sombre.
A ses côtés,
Vivaldi avait choisi une soprano vénitienne, Margherita Giacomazzi,
véritable acrobate des pyrotechnies vocales pour le rôle d’Irene. Ce
phénomène vocal allait par la suite mener une grande carrière à Naples,
et jusqu’à Londres, dans les opéras comiques de Traetta.
L’autre
vedette était le baryton Marc-Antonio Mareschi, dans le rôle
clé de Bajazet. Car le sujet donne prétexte à Vivaldi de glorifier la
dignité tragique du personnage éponyme de l’opéra. Plutôt qu’un indigne
barbare, Bajazet meurt en héros antique. Et sa mort, c’est à dire sa
condition d’homme, sa vulnérabilité et son stoïcisme face au gouffre
fatal, l’anoblissent. De sauvage sanguinaire, l’opéra vivaldien en fait
un martyr de la cruauté personnifiée par Tamerlano. Un tel humanisme anticipe déjà l’esprit des
Lumières.

Accueil de Bajazet

Présenté à Vérone, au
Nuovo Teatro dell’Academia pour le Carnaval de 1735, Bajazet fut un
succès. L’œuvre marquait une nouvelle série de succès, malgré la
concurrence de plus en plus redoutable des napolitains. Vivaldi créait
sa Griselda au Teatro san Samuele en mai 1735, l’un des théâtres les
plus prestigieux de Venise. Et deux ans plus tard, en 1737, il
renouvelait un nouveau triomphe à Vérone, mais dans une partition
totalement originale, Catone in Utica.

Antonio Vivaldi, Bajazet (Vérone, 1735)
Tragédie en trois actes RV 703
Livret de Agostino Piovene d’après
la tragédie Tamerlan ou la mort de Bajazet
de Jacques Pradon (1675)

(révision de Fabio Biondi)

Carlos Mena : Tamerlano
Christian Senn : Bajazet
Marina de Liso : Asteria
Lucia Cirillo : Andronico
Vivica Genaux : Irene
Maria Grazia Schiavo : Idaspe
Marc Labonnette : Cadmus

Europa Galante
Fabio Biondi : direction
Davide Livermore: mise en scène

Lundi 24 et mardi 25 juillet
Festival de Montpellier et radio France
Opéra comédie, à 20h.

Illustrations
Portrait d’Antonio Vivaldi
Jean-Etienne Liotard, Monsieur Levett et Mademoiselle Giovanni, en costumes turc (Musée du Louvre, Paris)

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