Anja Silja,
soprano
« Le chant d’une vie »
Arte,
Lundi 29 juin 2009 à 22h
Portrait d’une diva d’acier
Celle qu’on nomma la « Callas allemande » (avec la mezzo Julia Varady, sa cadette), témoigne de ses débuts sulfureux, en particulier quand elle finit par rejoindre (au début des années 1960) l’équipe chantante de Bayreuth dans les années 1960, sous la coupe réformatrice du metteur en scène et directeur du festival, Wieland Wagner. C’est l’époque où celle qui « ose » avec dextérité chanter la Reine de la nuit (témoigagne admiratif de Wolfgang Sawallish) remplace Leonie Ryzaneck défectueuse. Avec ce dernier, la très jeune cantatrice, au métier sûr, chante Senta, Brünnhilde, et surtout à 18 et 20 ans, quand la tradition fait entendre plutôt des cantatrices dans ses mêmes rôles, beaucoup plus âgées, trentenaires voire quadra. Chez Anja Silja, le chant se fait vérité, sincérité, intensité expressive (quitte à rompre les codes bourgeois et conservateurs du beau chant et de l’unité de la ligne vocale). A l’école de Wieland Wagner dont elle devient très intime, la diva allemande devient une star du chant incarné, une comédienne aux talents d’actrice éblouissants qui de fait comme Callas, s’est ingéniée à reformer le style des chanteurs sur la scène. Elle chante aussi pour lui, Salomé de Strauss puis Lulu, incarnant alors le portrait typique de la femme-enfant, érotique, séduisante, castratrice, fatale. Une image sulfureuse et scandaleuse qui a fait bondir nombre de spectateurs trop classiques mais qui a gagné des avancées dans la conception du métier de chanteur lyrique.
A l’époque de ce portrait, la diva qui poursuit sa carrière à près de 68 ans (belle longévité qui rappelle celle du ténorissimo Placido Domingo), incarne les rôles de vieilles dominatrices, manipulatrices, ou inconsolables vibrantes au coeur tendre: en particulier dans les opéras de Janacek, dont sa science de la langue lui permet de chanter parfaitement le tchèque (Jenufa, Katia Kabanova…).
Femme forte, au regard d’acier, présence scénique charismatique, Anja Silja illustre aujourd’hui la ténacité d’une comédienne faite chanteuse, prête toujours à relever les nouveau défis des mises en scènes d’opéras.
Anja Silja, « le chant d’une vie ». Portrait documentaire. Réalisation : Holger Preuße et Felix Schmidt. Coproduction : ARTE, NDR (2008, 52mn)
Biographie. Anja Silja est née le 17 avril 1940 à Berlin. Elle débute sa carrière très tôt, offrant ses premiers cours de chant dès 1948 et donnant des récitals de lieder à partir de 1950. Elle débuta sur scène en 1956, à l’opéra municipal (Städtische Oper de Berlin Ouest: dans Rosina du Barbier de Séville de Rossini). Après les opéras de Brunswick, Stuttgart et Francfort sur le Main, la diva débuta en 1960 au Festival de Bayreuth, incarnant Elsa, Senta, Isolde avec une intensité nouvelle, associant son jeune âge (l’âge des rôles wagnériens en vérité) à un métier scénique accompli, devenant aussi la soprano préférée du directeur et metteur en scène Wieland Wagner dont elle devient très proche.
Illustrations: Anja Silja et Wieland Wagner dans les années 1960. Portrait de Anja Silja (DR)