Deux simples grandes colonnes grecques et des multitudes de marches mobiles situent l’action et rappellent le cadre antique dans lequel se déroule l’intrigue.
Une folle Hélène
Tout se joue alors dans les costumes, tous plus délirants les uns que les autres, de Pâris, aussi bien coiffé d’un béret que d’une mitre et vêtu en pape de fantaisie, à Hélène et son inoubliable robe démesurée du second acte, véritable océan de tissu dans lequel elle se drape pour fuir le danger amoureux, en passant par les deux Ajax faisant irrésistiblement penser à Dupond et Dupont, ou encore Achille et son unique palme, sans omettre le bling-bling d’un Oreste devenu rappeur.
Toute la troupe possédant le sens de la scène et des vrais dons de comédiens – qualités indispensables dans ce répertoire –, les actes s’enchaînent sans qu’on voie le temps passer. Les seconds rôles sont tous à citer pour leur prestation remarquable, avec une mention spéciale pour l’Agamemnon fier et percutant de Jean-Claude Sarragosse, le Calchas bougon, goinfre et manipulateur d’Eric Perez au sens de la déclamation jubilatoire, l’Oreste désopilant et rappant ses paroles d’Agnès Bove, et le Ménélas tout simplement parfait d’Eric Vignau, aussi à l’aise en golfeur qu’en skieur et en tennisman, et toujours aussi ébouriffant de facilité et de franchise d’émission.
Après son excellent Tamino de la veille, on est néanmoins surpris d’entendre Raphaël Brémard aussi frais vocalement, le rôle du « beau berger » semblant lui tomber naturellement dans la voix. Son émission franche et incisive convient parfaitement à cette musique, et on salue les grands progrès accomplis depuis son précédent Tamino voilà trois ans, notamment dans le registre aigu, qui sonne riche et bien timbré. Tout au plus pourrait-on lui suggérer d’assouplir un rien cette émission justement très directive, pour gagner en moelleux et en demi-teintes.
Indissociable de cette production, Brigitte Antonelli revêt une fois de plus les habits de la belle Hélène. L’instrument est superbe, ample et étendu, la diction précise et noble, et le maintien scénique d’une tenue toute aristocratique. On fond pour cette grande dame victime bien malgré elle de la fatalité et on souhaite la revoir bientôt.
Le chœur est également à citer, homogène et précis, d’une verve scénique réjouissante, tous semblant s’amuser comme des fous.
A la tête de quelques instruments seulement, Thierry Weber parvient à rendre tout le délire de la musique d’Offenbach, tourbillon ininterrompu qui entraîne chanteurs et public dans une joyeuse ivresse.
C’est un public heureux qui a accueilli en ovations ce spectacle haut en couleurs, clôturant en feu d’artifice notre passage à Saint-Céré.
Saint-Céré. Cours Caviole de Cahors, 12 août 2012. Jacques Offenbach : La Belle Hélène. Livret de Henri Meilhac et Ludovic Halévy. Avec Hélène : Brigitte Antonelli ; Pâris : Raphaël Brémard ; Ménélas : Eric Vignau ; Calchas : Eric Perez ; Agamemnon : Jean-Claude Sarragosse ; Oreste : Agnès Bove ; Achille : Yassine Benameur ; Ajax 1 : Samuel Oddos ; Ajax 2 : Julien Fanthou ; Bacchis : Flore Boixel. Orchestre et choeur du Festival. Direction musicale : Thierry Weber. Mise en scène : Olivier Desbordes. Décors, costumes et lumières : Patrice Gouron