lundi 7 juillet 2025

Les Voix du Prieuré, 8e éditionLe Bourget du Lac (73). Du 9 au 16 juin 2011

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Les Voix du Prieuré
, 8e édition


Le Bourget du Lac (73). Du 9 au 16 juin 2011

« La voix dans tous ses états », titre pendant deux semaines et depuis 2003 ; un Festival vocal à la pointe nord du Lac du Bourget. Bernard Tétu anime, entre autres avec ses Chœurs et Solistes de Lyon, un ensemble de concerts, d’ateliers, de rencontres où la création joue un grand rôle, et où par de multiples exemples choisis entre Monteverdi et le XXIe est interrogé le concept d’art sacré.

Tradition, sacré, vocalité

« Les Voix du Prieuré a pour objectif de faire découvrir au plus grand nombre la musique vocale contemporaine, notamment dans son rapport au sacré », rappelle le formulaire d’intentions qui ouvre cette 8e édition. Vocalité, sacré, recours à une tradition qui légitime et fonde la création,tels demeurent les maîtres-mots de ce qui, sans en porter le sous-titre, ressemble à un Festival proche de l’été sous le Mont Revard de Savoie. Du côté du « site patrimonial majeur », demeure bien sûr, à la pointe nord du Lac du Bourget « (Ô temps suspends ton vol », plus tard) le Prieuré et son église Saint-Laurent, « un cadre raffiné à l’acoustique exceptionnelle ». Et un projet conçu, souvent dirigé, en tout cas rassemblé par Bernard Tétu, Patron des Solistes de Lyon (déjà 30 cd enregistrés avec eux !), universellement reconnu comme dans le domaine de la musique française XIXe-XXe, et dans celui de la musique allemande romantique, et « passeur » d’un grand nombre de compositeurs majeurs (Ohana, Kagel, Tremblay, Evangelista…). Ce chef admis au Saint des Saints de l’Intercontemporain (où il a co-dirigé avec Pierre Boulez les Poèmes de Michaux, de Lutoslawski) a aussi joué un rôle éminent dans la formation pédagogique des chefs de chœur, notamment au CNSMD Lyon…

Une Lumière à l’intérieur de nous-même

Pour la 2e semaine de cette session commencée au Bourget fin mai, Bernard Tétu convoque donc aussi bien ce qui appartient au patrimoine musical – Liszt, Bartok, Britten, Messiaen – que le plus proche de notre XXIe. Cela s’accomplit « dans le cadre d’une réflexion menée sur « l’apport incessant pour s’affranchir des limites, pour dépasser les contraintes et peut-être les réunir ». Et de citer une Lumière à majuscule, si justement rapportée à l’unicité du Noir de Pierre Soulages. Le peintre disait à la critique d’art France Huser : « La lumière que je souhaite, c’est celle qui nous atteint à l’intérieur de nous-même. Ce qui m’intéresse, ce n’est pas le noir en lui-même mais ce que cette lumière réfléchie par cette couleur provoque en nous. » Et on songe à l’effort de transposition spirituelle qui a su faire passer toute cette théorie dans les vitraux de Soulages pour l’abbatiale de Conques…

Contre les tortionnaires de partout

Ainsi, après une direction (le 29 mai) d’une cantate Saint Nicolas de Britten (avec un écho « élégiaque » de Philippe Hersant), les concerts des 8 et 10 juin donnent largement la parole à la création continuant la tradition. B.Tétu reprend le Vox Humana de Kagel, que le compositeur argentin avait écrit (1979) à partir de chants séfarades (qui « pleuraient » la persécution des Juifs espagnols par l’intolérance catholique), et qu’il avait dédié à la terrible et récente histoire de sa terre natale. « Les Folles de mai », dont un proche avait disparu dans l’enfer de la dictature militaire, avaient inlassablement tourné en procession à Buenos Aires pour obtenir justice, et qu’on se souvienne de la liberté écrasée par un régime criminel. Et d’ailleurs le temps d’une justice sans prescription semble enfin venu en Argentine, donnant raison à ces « Folles » en lutte contre les tortionnaires, ceux de leur pays et de tant d’autres contrées passées et présentes…Vox Humana « se sert des mots, mais les déstructure et les hache, alternant chuchotements, silences et cris pour dire l’émotion indicible ».

Une invitée d’honneur en résidence

Ne répond-il pas, en secret, à ces Scènes de village que Bartok composa ( 1925-26) en Slovaquie : Bartok, un autre amant de la Liberté qui paya de sa mort en exil sa détestation du nazisme à la hongroise, et qui jamais ne transigea avec ses idéaux. Puis la partition actuelle sera celle de Suzanne Giraud, Johannisbaum, sur un texte poétique de Pascal Quignard, l’un des écrivains les plus fascinés par l’art des sons (Tous les matins du monde, La Haine de la Musique, Les Ombres Errantes…). La compositrice française, née en 1958, « invitée d’honneur au Bourget 2011 », avait travaillé à Strasbourg puis Paris, s’inspirant des pensées musiciennes de Ballif, Murail, Dufourt, Donatoni et Ferneyhough. Très récompensée de divers Grands Prix ( SACEM, Académie des Beaux Arts, SIMC…) et de nombreuses commandes (en France : Intercontemporain, Musica, Percussions de Strasbourg), S.Giraud œuvre dans de multiples cadres (symphonique,chambriste, vocale, et lyrique : deux opéras dont La Case de Parfums, sur un livret d’Olivier Py). Elle aime à s’inspirer de poésie (les baroques français, Pétrarque) et de roman philosophique (E.Poe, Tolkien), écrit elle-même en « langage polyglotte », et se passionne pour les arts visuels ( peintres et architectes de la Renaissance Italienne).

Les paroles des femmes

Ce sont encore « Paroles de femmes » que propose (10 juin) l’Ensemble d’Alain Goudard, où un grand aîné (J.Cage) « accompagne des plus-contemporains . Ce moment rassemble des moments et parcours de vie portés par des femmes, paroles, itinéraires, silences, échanges verbaux. Le fil de la mémoire de ces femmes se tisse, se reconstitue, et ce qui fait leur présent, ce sont les lectures multiples du passé. » La ponctuation s’accomplit avec Alfred Spirli, batteur et comédien (Délice Dada !), spécialiste des musiques dans la rue… Alessandro Solbiati , né en 1956, a un catalogue très riche dans le domaine des instruments traditionnels et électroniques ; il a aussi composé un opéra sur un texte de Pouchkine, le Festin au temps de la Peste. Adina Dimitrescu,née en 1964, s’est formée en composition et électronique à Bucarest ; elle est spécialiste de folklore roumain, faisant des recherches d’anthropologie musicale en Finlande (thèse de doctorat, notamment sur la percussion mélodique du mot.. Pablo Perezzani, né en 1955, a travaillé à Padoue (Centre di Sonologia) et Paris(IRCAM),a été récompensé à Venise et Amsterdam, joué à Vienne, Darmstadt, Graz et dans les capitales italiennes… Karl Naegelen, né en 1979, saxophoniste, a fait ses études de composition à Lyon puis Hambourg. Ses créations sont jouées en divers festivals français et européens. « Fasciné par l’improvisation et les musiques extra-européennes, il cherche à préserver dans l’écriture la souplesse et la spontanéité des musiques de tradition orale. » Quant à Alain Goudard, lui-même compositeur, il dirige depuis 1995 son groupe de 6 voix solistes féminines, s’appuyant sur des limites d’expérience esthétique, une sensibilité expressive et une logique des sensations ». Chanteur, fondateur de Résonances Contemporaines et des Percussions de Treffort (Culture et Handicap), il est associé depuis le début à la réflexion artistique des Voix du Prieuré.

Le soleil ni la mort…

A nouveau un écho hongrois pour le concert du 12, avec l’un des grands ensembles qui font autorité dans ce domaine, le Monteverdi Choir… de Budapest, dirigé par Eva Kollar qui l’a fondé en 1972. Ce sont ici les deux vocations du Chœur qui s’expriment : d’une part, de Monteverdi jusqu’à Bartok et Kodaly en passant par Liszt, d’autre part les compositeurs hongrois, manifestement peu connus « à l’ouest », Peter Zambola, Giorgy Orban, Lajos Bardos. Et c’est en revanche de « notre sud méditerranéen » que vient l’ensemble A Filetta, qui porte « la corsitude » au-delà des publics spécialisés en musique contemporaine, et s’est « ancré au plus profond du sol d’origine comme la fougère dont il tire son nom ». Ses 7 voix masculines explorent une polyphonie qui mêle tradition et renouveau, « caressant l’espoir de rapporter les clameurs nées du campement de quelques nomades dans ce désert qu’est le temps ». Son chef, Jean Claude Acquaviva, cite ici par deux de ses partitions, Di corsica riposu et Requiem pour deux regards, des textes de la littérature moderne (Primo Levi, Borgès) et affronte ce qui, en même temps que le soleil ne se peut, paraît-il, supporter : la mort…

Une pratique très conviviale

On ne saurait par ailleurs négliger la dimension de pédagogie qui accompagne tout le déroulement de cette quinzaine. La 2nde semaine est ainsi riche en initiatives auxquelles ont été associées en amont les communautés scolaires et même les choristes amateurs et néophytes. Le 12, les stagiaires (enseignants, choristes, chefs de chœur) sont en atelier et rencontrent Eva Kollar et Bernard Tétu.Le 13, l’Ensemble 20.21 (Cyrille Colombier) ce sera un spectacle interactif, et la répétition d’avant-concert permet à tous de tenter « une expérience vocale et patrimoniale d’insertion » : à côté de partitions de Messiaen et Miereanu, figurent des textes d’Alain Basso (All your yesterdays, création), Olli Kortekangas, Randall Thompson et Claire Vazart. Le 16, les scolaires sont admis aux Voix Buissonnières d’A Filetta, qui dialoguent avec eux .Et des répétitions publiques sont ouvertes pour la plupart des concerts. Ainsi , dans la pratique la plus conviviale, tous peuvent davantage « s’approcher de l’acte de création artistique »…

Le Bourget du Lac (73). 2nde semaine des Voix du Prieuré, 8e édition. Concerts le mercredi 8 juin 2011, Vox Humana (Kagel), Bartok, S.Giraud, Eglise St Laurent, 20h30. Paroles de femmes, Résonance contemporaine, vendredi 10, 20h30. Musique hongroise pour chœur (Monteverdi Choir, Eva Kollar), dimanche 12, 19h. Polyphonies corses, A Filetta (J.C.Acquaviva), jeudi 16, 20h30. Répétitions, rencontres, ateliers, concert participation des amateurs…
Information et réservation : T.04 79 25 01 99 ; www.lebourgetdu lac.fr

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