mardi 6 mai 2025

20ème Festival de musique ancienne en Tarentaise baroqueDu 1er au 13 août 2011

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20e Festival de musique ancienne


en Tarentaise Baroque (73)

Du 1er au 13 août 2011

20e anniversaire pour un Festival de musique ancienne qui depuis ses débuts a été miroir aux couleurs italiennes en chapelles et églises de Tarentaise…. Affirmation festive cette saison encore, relectures de la Famille Bach, jeunes ensembles pour l’Italie, l’Allemagne, la France ou l’Angleterre baroque, conclusion œcuménique en Espagne tolérante du XIIIe…

En mettre plein la vue

Vingt ans, c’est beaucoup en regard d’une vie festivalière, mais cela permet de relativiser, surtout quand il s’agit d’un parcours baroque. Donc d’un temps par essence et existence instable, spiralé, voire tourbillonnaire, et sous le signe d’une métamorphose patronnée par Circé. La magicienne esthético-païenne et dominatrice du XVIIe-XVIIIe aura marqué l’Europe et les Amériques de sa doctrine d’ailleurs très adaptable au désir… catholique d’ « en mettre plein la vue (et l’ouïe) » contre la rigueur réformée. Mais en fait, diront les attentifs aux principes et données de programmation en Tarentaise, ce territoire de hautes montagnes et vallées profondes ne montre pas seulement églises et chapelles baroques rutilantes d’imagination italienne : il est aussi celui d’une affirmation de romanité – en jouant sur le terme : des lieux et sites d’art antique, puis d’art médiéval, du pré-roman au gothique -, et le Festival, en amont même de la Renaissance, s’est intéressé en « musique ancienne » aux époques du Moyen Age et de ses suites… Même si en l’an de grâce 2011, la tonalité d’anniversaire ne colore ce domaine qu’en clôture…

Des musiques jolies et les fils de Johann Sebastian

Et puis – mais n’est-ce pas une dimension de ce baroque certes français et tendant à l’intériorité, et surtout de ce tellement-italien en sa triade archi-sculpt-picturale ? -, il y a dans l’air une exubérance annoncée, ou pour faire chébran-taisetarent, « un art de s’éclater »…. Ce que traduit en termes plus distanciés le prière d’insérer du Directeur artistique Jean Luc Hyvoz : « affirmer la dimension festive de l’ événement », tandis que la Fondatrice-Présidente, Josette Elise Tatin invoque « le bonheur, la joie de vivre, les moments éblouissants et féeriques ». Fin juin, le concert inaugural n’avait d’ailleurs rien d’une Ouverture pour Fête Académique : y soufflait un « doux vent viennois, « lombarde » passée à travers les Alpes, porteuse de « musiques jolies, tarentelles, et… sérénades, Mozart, Beethoven et 3èmes pupitres de l’Autriche d’Ancien Régime…. Donc, en feuilletant l’ordre chronologique des réjouissances d’août, voici d’abord l’hommage attendu au Pater Angelicus Polyphonicusque, Jean-Sébastien accompagné de ses trois Fils. « Le cher Friede » (Wilhelm Friedemann), le turbulent, post-baroque et pré-romantique Karl-Philipp Emmanuel, et le cadet Londonien, Johann Christian (si admiré par Mozart), au demeurant 16e enfant du Pater Prolificus sont joués en même temps que leur Papa avec l’Orchestre des Pays de Savoie (in situ proprio), conduit par Patrick Cohën-Akénine, violoniste puis chef de la 3e génération baroqueuse, fondateur des Folies qu’il faut prononcer Françouèses….

Métaboles et Bouffons

Puis viennent Les Surprises, un tout jeune ensemble – cela répond au désir constamment affirmé de « découvertes d’interprètes » par Tarentaise-Baroque – issu du CNMSD de Lyon, réunissant enseignant (l’organiste-claveciniste L.N.Bestion de Camboulas) et trois anciens étudiants, pour un concert au titre « dutillieusien », Métaboles. Cette variante de « Métamorphoses » rend hommage à Circé ou à Protée (le dieu du changement) en terre germanique : Buxtehude, « figure originelle du groupe », le moins connu Johann Adam Reiken, le si souvent cité Johann Pachelbel (mais n’est-ce pas à cause d’un « tube-Canon »… ?) y précèdent J.S.Bach, et un écho d’outre-Manche leur répond avec Purcell. Changement à vue avec une Zingara, illustration au cœur du XVIIIe français de la Querelle esthétique des Bouffons, qui au début des fifties d’alors sépara les partisans d’une musique savante à sujets nobles et ceux – les Italiens – qui entendaient rire et plaire en opéra-bouffe, à sujets « sociaux » ou populaires. Ici, on entend les personnages de la Commedia dell’arte, et une « petite Nise, cousine de Serpina – la Serva Padrona de Pergolèse – et la Suzanne des Noces mozartiennes ». Ambiance foraine, ours savant, acrobaties, un diable : ce théâtre de tréteaux est signé de Charles Simon Favart, plus connu de ce côté des Alpes par une Salle parisienne à qui fut donné son nom, et sera découvert grâce aux Paladins de Jérôme Corréas, mis en scène par André Fornier.

Le Paradis Perdu et les déviants de Venise

Puis on entre dans l’intimité d’un « musicien-poète » anglais, Henry Lawes (1595-1662), « très influencé par les Italiens et lié avec John Milton – Le Paradis Perdu -, remarquable traducteur de mise en musique des textes, et qu’on peut comparer pour cela aux travaux romantiques de Schumann et Liszt ». Seront jointes d’autres pièces contemporaines, de D.Norcombe, N.Lanier, J.Jenkins, T.Tomkins et J.Bull… C’est La Rêveuse – un bien beau titre collectif, impliquant droits et devoirs ! – qui guide en ces directions insulaires, avec le ténor Jeffrey Thompson. Cap au sud pour que The Rare Fruit Council, guidé par l’Argentin Manfredo Kraemer – violoniste et chef aux « rares talents » et aux trouvailles instrumentales jamais indifférentes – nous entraîne aux canaux de Venise, là où se rencontrèrent à la fin du XVIIe le Bergamasque Giovanni Legrenzi et le sulfureux Saxon Johann Rosenmüller (Venise adopta ce déviant), auxquels est joint leur cadet non moins scandaleux, Alessandro Stradella.

Klavier en tous ses états

Vous avez dit : Klavier ? Oui, mais : clavecin, pour rester dans la tradition d’époque, ou piano, pour anticiper les suites ? On connaît la querelle plus inexpiable que celle des Bouffons, et qui continue à diviser non seulement spécialistes et praticiens, mais tous publics. Le temps des ukazes (réciproquement et véhémentement adressés) semble pourtant un peu passé. Pourquoi ne pas tenter le dialogue d’un instrument à l’autre ? « En tête-à-tête », und klavier für zwei, and tea for two : clavecin et piano, donc, de Bach à Mozart, via Rameau, Scarlatti et Soler. Pour l’instrument « ferraillant », ce sera Jean-Marc Aymes, Frescobaldien émérite, fondateur-chef d’un Concerto Soave qui ferait merveille dans l’Echange courtois, enseignant à Marseille et Lyon. Pour l’instrument « martelant », André Gorog, qui marcha dans les traces de Cortot, Anda et Rubinstein, anime l’Académie estivale de Courchevel (tiens, du Haut-Baroque Savoyard !), enseigne à l’Ecole Normale de Paris et a écrit « Exercices de perfection pour piano »…Ensuite, du classique alla Bach, avec deux cantates écrites dans les 1ères années de Leipzig, 1726-27. « Ich bin genug, je suis comblé » (BWV 82) est l’ode d’actions de grâces du vieillard Siméon qui a pu tenir dans ses bras l’Enfant Jésus au Temple : tour à tour tristesse grave, douceur d’une berceuse au Christ, joie dansée, la partition est toute parcourue de ton intimiste, parfois bouleversant. La cantate BWV 35, composée sur un texte du poète de cour G.C.Lehms, amène l’auditeur en contemplation de la Nature divine et de ses merveilles, selon Sigiswald Kuijken qui loue le monologue de l’alto et la prééminence instrumentale de l’orgue, l’alternance d’une voix lyrique et d’un concerto très subtilement élaboré. Les interprètes du jeune ensemble « La Chapelle Ducale » (de Chambéry) sont conduits par Maeva Bouachrine : cette violiste a étudié à Lyon et Genève, enseigne en Haute-Savoie, s’intéresse à la création contemporaine pour son instrument (Klaus Huber) et aux spectacles musicaux d’été (à Grignan : Sévigné, Rousseau…), et participe à des travaux d’édition musicale.

Paz, shalom, salam

Quant à la clôture, elle est culturellement œcuménique : on y est convié, au cœur de l’Espagne du XIIIe, à célébrer la paix (paz,salam, shalom) que tentèrent de préserver les 3 communautés du Livre avant que l’intolérance la plus sauvage ne s’empare de la chrétienne pour briser les deux autres. Cette musique « étonnamment vivante après 800 ans de partage témoigne d’une énergie exaltante, de diversité, de respect ». Et par ce « voyage hors du temps », le Canticum Novum d’Emmanuel Bardon , ancré à Saint –Etienne, veut traduire cette « histoire à la croisée des chemins, un mysticisme ardent et baroque où se toisent exubérance et austérité, paganisme millénaire et piété exacerbée ». Et les instruments « classiques » (violoncelle, viole) y côtoient les médiévaux rebec, vièle, flûte à bec, les percussions, ou d’autres instruments plus inattendus ou moins connus (kanun, kamenche, oud, rebab…). Et puis, comme à l’accoutumée, si tout au long du festival vous avez envie de vous promener en vous instruisant, vous tâcherez de ne pas manquer les ambulations proposées par l’association Artis Mirabilis. Baroque des villes et des champs, baroque et migrations, les deux Belleville, conférences, circuits et visites, suivez les guides !

Festival Baroque de Tarentaise. Du 1er au 13 août 2011. 13 concerts (dont 5 en « doublé de programme »), à 21 h. 1er et 2 août, Aime. 3, Les Allues. 4, Aime,( 21h30). 5, Séez, 6, Belleville. 7, Beaufort ; 8, Doucy. 9, Courchevel. 10 : Val d’Isère. 11 : Hauteville-Gondon. 12 : Moutiers. 13 : Conflans. Renseignements et réservations : T. 04 79 38 83 12 ; www.festivaldetarentaise.com

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