jeudi 28 mars 2024

Vivaldi: Ercole sul TermodonteBiondi. 2 cd Virgin classics

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Antonio Vivaldi
Ercole sul termodonte

L’enregistrement qui est une prise variée 2008, 2009 et 2010, réalisée à Florence, réunit un bouquet de tempéraments vocaux au relief sidérant: vocalità non plus virtuose et démonstrative mais immédiate, et projection d’affects sincères. Il n’en fallait pas moins pour révéler l’éclat fulgurant d’un opéra vivaldien composé en 1723. Chacun tient ici sa partie et chaque timbre insuffle à chaque caractère, une présence exceptionnellement accomplie. La palette des personnalités y gagne une identité émotionnelle souvent niée chez Vivaldi: ici, l’approche des individualités égale les meilleurs opéras de Haendel, contemporain du Vénitien. La distribution compte entre autres Diana Damrau, Patricia Ciofi, Philippe Jaroussky, Rolando Villazon, Romana Basso... Malgré les petites réserves émises à l’encontre de certains solistes, nous voici en présence d’un opéra léger et galant d’une étonnante variété de couleurs, de tons, d’intonations, de sensibilités. Vivaldien inspiré, exalté et finalement convaincant, Fabio Biondi après un travail d’arrangement minutieux à partir de fragments, restitue ce théâtre flamboyant d’un Vivaldi, qui à Rome, en 1723, est maître des inflexions psychologiques. Le chef dévoile cette maîtrise en soulignant sa cohérence et ses fulgurantes palpitations.

Diana Damrau (Martesia) d’un angélisme superlatif entre grâce et juvénilité conquérante, se montre palpitante au timbre onctueux et pétillant; encore plus incandescent dans « un sguardo, un vezzo, un riso... »: c’est ici une jeune âme touchée par l’amour dont l’effusion tendre irrésistible est douée d’un bel canto frémissant et naturel: un modèle dans le genre. Antiope, Reine des Amazone flamboie dans le chant de Vivica Genaux d’une férocité articulée, d’essence furieusement dramatique (souplesse ardente, agilité expressive du Lusinghiero au I).

Si l’on reconnaît la voracité linguistique de Villazon qui avait déjà démontré sa fougue baroque chez Monteverdi avec Haïm (Testo du Combattimento également chez Virgin), on reste moins convaincus par son format et un style surdimensionné. Ici chez Vivaldi : tant de hargne vocale s’emballe (son air « Non fia della vittoria » manque de finesse et de simplicité). L’expressivité et l’intonation manquent singulièrement de diversité et de nuances: le ténor écrase et caricature (« Vedra l’empia« ). Dommage.
A ses côtés (« Io sembro appunto« , II), Jaroussky (Alceste) se distingue autrement mieux, violons en préambule, par un chant onctueux dans le medium mais propre à son récent Caldara, des limites nouvelles dans les aigus, parfois pincés et étroits à la limite de l’aigreur acide. Les airs d’effusion coulante lui conviennent évidemment mieux, comme en témoignent fluidité et aigus moins tendus dans l’air 26 du cd1: « Sento con quel diletto »…
Bel accomplissement de l’air « Cadero, ma sopra il vinto… », III: cordes en échos, et clavecin trépidant et nuancé, coloriste atmosphérique dans l’écriture de l’orchestre pictural: la voix de la soprano Patricia Ciofi, amoureusement tendre, (aigus mielés, caressants et tout autant éclatants) s’accorde au violon solo de Biondi: grâce, feu, énergie; le magicien des Quatre Saisons est là, dans cette superbe fusion : voix, orchestre et violoniste (comme Vivaldi qui jouait en virtuose célébré). Tout exprime la détermination d’une guerrière amoureuse prête à mourir mais avec dignité et constance.

Romana Basso, souplesse et coloration du verbe par son alto ample, fluide et couvert dans les aigus s’impose définitivement : la mezzo fait du personnage de Teseo, un rôle clé qui montre combien l’amour sait infléchir les tensions politiques.

Joyce DiDonato incarne une Ippolita variée, captivante, rappelant que le propre d’Ercole est d’être un opéra de l’amour, palpitant, efficace, dramatiquement cohérent, aux accents émotionnels vraisemblables. D’autant que dans l’orchestre répond une orchestration ciselée, elle aussi raffinée (Vivaldi voulait plaire aux romains). Prenez son air court, fulgurant, au début du II: « Si bel volto, che v’adoro » (inflexions suaves et d’un pudeur juste soutenue par les instruments).

Au final, cet Ercole relève très haut les défis de la partition. Les portraits vocaux accusent le mordant et le relief des personnages en présence. Ce passage de la guerre à l’amour ne se réalise pas sans fureur ni aspirations sanguines. Fabio Biondi éclaire les climats instrumentaux avec la diversité requise, sachant colorer selon le style vocal de chacun. Tout cela avance à vive allure et attise l’attention. Belle réalisation.

Antonio Vivaldi (1678-1741): Ercole sul Termodonte, 1723. Rolando Villazon (Ercole), Romina Basso (Teseo), Patrizia Ciofi (Orizia), Diana Damrau (Martesa), Joyce DiDonato (Ippolita), Vivica Genaux (Antiope), Philippe Jaroussky (Alceste), Topi Lehtipuu (Telamone). Europa Galante. Fabio Biondi, direction. 2 cd Virgin classics

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