STREAMING, concert, critique. Le 6 fĂ©v 2021. Wagner, Brahms : Orchestre National de Lille / Hartmut Haenchen. En effectif distanciĂ© – une partie des musiciens occupent le devant de la scĂšne de lâauditorium du Nouveau SiĂšcle Ă Lille, Ă©tendue sur les premiers rangs de la vaste salle, lâOrchestre National de Lille aprĂšs une odyssĂ©e mahlĂ©rienne qui aura marquĂ© lâannĂ©e 2019, affirme chez Wagner des accents non moins convaincants. Le cycle des 5 Wesendonck-lieder (1857) composĂ©es au moment de la conception de La Walkyrie, accordent puissance orchestrale et poĂ©tique chambriste autour du sujet central de lâamour ; ici un sentiment impĂ©rieux, omnipotent, irrĂ©pressible, qui est autant force de transcendance quâenchaĂźnement malĂ©fique.
LANGUEUR AMOUREUSE WAGNĂRIENNE,
GRAVITĂ TENDRE DE BRAHMSâŠ
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La voix de la mezzo Marina Prudenskaya est dâun bon format ; elle est ample, puissante, et malgrĂ© de premiers aigus mĂ©talliques un peu dur dans le premier lied (LâAnge), les nuances et les phrasĂ©s mieux filĂ©s s’affirment dans le second, plus dramatique et exaltĂ© (« Stehe still! / ArrĂȘte-toi! ») sa sĂ©quence finale, plus caressante. Les Wesendonck prĂ©ludent Ă l’extase de l’opĂ©ra Ă venir, celle de Tristan und Isolde ; chef et diva s’embrasent, en couleurs et teintes ciselĂ©es (l’orchestre y est chambriste et dĂ©jĂ tristanesque) : Hartmut Haenchel souligne la filiation entre les lieder et Tristan, en particulier dans le 3Ăš (« Im Treibhaus » / dans la serre ») qui dĂ©veloppe dĂ©jĂ l’atmosphĂšre alanguie, suspendue de l’enchantement mĂ©lancolique presque mortifĂšre du dĂ©but du IIIĂš acte de Tristan : profonde langueur lĂ©tale et douloureuse d’un amour consommĂ© mais impossible, maudit (celui du compositeur et de Mathilde Wesendonck). Les Ă©quilibres, le format sonore parlent sans forcer ; ce sentiment de solitude dĂ©munie, d’impuissante incantation, de gravitĂ© tragique, d’hallucination finale… se dĂ©ploie alors, cristallisant l’effroi et la dĂ©sespĂ©rance qui jaillissent dans ce sommet du cycle… le chef murmure et sculpte un chef d’oeuvre d’orchestration wagnĂ©rien. AprĂšs le 4Ăš (« douleurs / Schmerzen ») oĂč lâeffroi quasi panique, cet enchaĂźnement des sens a trouvĂ© Ă©pisodiquement un baume dans lâenveloppe rĂ©confortante du sublime cor, triomphe la puissance nocturne de « RĂȘves / TrĂ€ume », immersion dans la lyre poĂ©tique wagnĂ©rienne qui prĂ©lude lĂ encore Ă lâopĂ©ra Tristan und Isolde, en particulier le miracle de lâacte II, celui de la nuit, la profonde paix dâun amour enfin accompli et serein. Superbe instant suspendu hors rĂ©alitĂ©. Et trĂšs belle conclusion au cycle lyrique par ses respirations chambristes.
Puis sâaffirme le mĂ©tal victorieux de la 3Ăš symphonie de Johannes Brahms, son premier mouvement qui tout en souple ductilitĂ© dĂ©veloppe lâesprit de conquĂȘte tendre, – Brahms est le compositeur de la confidence et de la pudeur. Hartmut Haenchen fait briller lâĂ©clat vaporeux des bois et des vents, piliers des couleurs brahmsiennes. De fait, proche et connaisseur des indications prĂ©cises et justes du compositeur, le chef dĂ©ploie des sonoritĂ©s mozartiennes chez Brahms, avec un souci de la transparence, laquelle nâĂ©carte pas la puissance voire lâĂąpretĂ© des tutti comme chauffĂ©s Ă blanc. Orchestre et chef redoublent de complicitĂ© intĂ©rieure dans le 2Ăš mouvement, lĂ encore amorcĂ©, colorĂ© par les sublimes vents, oĂč se meuvent, souterrains, des Ă©nergies et des flux Ă lâĂ©noncĂ© subtile, fruit dâun Ă©quilibrage trĂšs fin des pupitres. LâĂ©coute intĂ©rieure, la clartĂ© conduisent la baguette du chef, trĂšs convaincant dans lâexplicitation de la texture orchestrale dâun Brahms secret en effet, Ă la trĂšs riche vie intĂ©rieure. Le propos est dense sans Ă©paisseur. En guise dâĂ©panchement, le 3Ăš mouvement est conduit fluide, clair, sobre, sans aucune affectation ; avec lâĂ©loquence de la sincĂ©ritĂ© : lĂ encore, Brahms sây rĂ©vĂšle tel quâen lui-mĂȘme, grave et tendre, pudique presque sibyllin, dâune ineffable douceur. Laquelle, force souveraine, triomphe dans la coda du dernier allegro.
STREAMING CRĂATIF A LILLE⊠VoilĂ un nouveau concert en streaming qui confirme lâimagination crĂ©ative, sa rĂ©silience tenace, du National de Lille. Ses Ă©quipes sont bien sur le pont pour conjurer les effets asphyxiants de lâĂ©tat dâurgence sanitaire qui pĂšse sur lâactivitĂ© du spectacle vivant. On ne comprend toujours pas pourquoi musĂ©es, salles de concerts ou dâopĂ©ras nâont pas rĂ©ouvert, alors quâils ont dĂ©montrĂ© leur capacitĂ© Ă maĂźtriser les gestes et protocoles sanitaires. Heureusement pour notre mental, lâOrchestre National de Lille sâefforce de poursuivre ses activitĂ©s musicales en faisant travailler ses artistes, en diffusant ses concerts sur la toile. Salvatrice proposition. Exemplaire tĂ©nacitĂ©.
Prochain concert Wagner attendu : « Enchantements », mer 31 mars / Jeudi 1er avril 2021 (Parsifal : PrĂ©lude acte I, Enchantement du Vendredi Saint / couplĂ©s avec les Quatre dernier lieder de Strauss – Kazushi Ono, direction). Mais le nombre requis dâinstrumentistes pour honorer un tel programme sera-t-il adaptĂ© au contexte sanitaire de
mars 2021 ? Gageons que le National de Lille saura trouver une solution alternative. A suivre⊠EN REPLAY : CONCERT WAGNER / BRAHMS Ă revoir en replay sur le site YOUTUBE de l’ON LILLE / ORCHESTRE NATIONAL DE LILLE
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Programme « Wagner amoureux »
WAGNER : Wesendonck-Lieder
BRAHMS : Symphonie n°3
Hartmut Haenchen, direction  /  âšMarina Prudenskaya, mezzo-soprano
Plus dâinfos sur le site de lâON LILLE / Orchestre National de LILLE :
https://www.onlille.com/saison_20-21/concert/wagner-amoureux/
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LIRE aussi notre présentation / annonce du concert WAGNER AMOUREUX / 3Ú de BRAHMS ici
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REPORTAGE VIDEO
LâOrchestre national de Lille Ă lâĂ©preuve de la pandĂ©mie. Comment le National de Lille rĂ©siste et sâadapte Ă la crise sanitaire en poursuivant coĂ»te que coĂ»te son activitĂ©âŠ
http://www.classiquenews.com/lancement-de-la-nouvelle-saison-2020-2021-de-lon-lille-orchestre-national-de-lille/
REPORTAGE VIDEO. LâONL Orchestre National de Lille Ă lâĂ©preuve de la covid 19. Comment lâOrchestre a t il lancĂ© sa nouvelle saison 2020 2021, comment sâadapte-t-il aux contraintes nouvelles imposĂ©es par les mesures sanitaires ? Quel est son fonctionnement en terme de relation au public, de programmation et de billetterie ? Comment le travail des musiciens se poursuit-il avant le retour de lâOrchestre au complet sur la scĂšne ? Reportage exclusif PARTIE 1 / 2 © studio CLASSIQUENEWS 2020 â RĂ©alisation : Philippe-Alexandre PHAM â Entretiens avec François Bou (Directeur GĂ©nĂ©ral), Alexandre Bloch (directeur musical), Fabio Sinacori (dĂ©lĂ©guĂ© artistique), Edgar Moreau (violoncelle / Concerto pour violoncelle n°1 de Haydn, concert dâouverture du 24 sept 2020 au Nouveau SiĂšcle Ă Lille)âŠ
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