IVRESSE D’UN GRAND RETOUR… Artiste reconnue de longue date, la soprano française VĂ©ronique Gens revient au Festival de Saintes vingt ans après sa première apparition Ă l’Abbaye aux Dames. Entre temps la diva fait une carrière exemplaire au cours de laquelle le rĂ©pertoire français a toujours tenu une place importante. Depuis quelques annĂ©es, VĂ©ronique Gens s’attache Ă faire (re)dĂ©couvrir au public la mĂ©lodie française qui gagne vĂ©ritablement Ă ĂŞtre connue. C’est dans cette optique que son dernier CD intitulĂ© « Néère » est paru en octobre 2015 (Ă©lu CLIC de CLASSIQUENEWS); CD dont elle reprend le largement lors de son rĂ©cital du 13 juillet.
Véronique Gens en diseuse enchantée
Souriante et visiblement très heureuse d’ĂŞtre Ă l’Abbaye aux Dames, VĂ©ronique Gens arrive sur scène avec la pianiste Susan Manoff, son accompagnatrice attitrĂ©e (elle est aussi l’accompagnatrice de Sandrine Piau) pour un rĂ©cital haut en couleurs. Très soudĂ©es, voire complices, les deux femmes entament la soirĂ©e avec une mĂ©lodie bien connue d’Henri Duparc (1848-1933) : l’Invitation au voyage. Hasard? Certes non puisque, effectivement, c’est un voyage dans un univers chatoyant, divers, changeant, jamais ennuyeux ou rĂ©dhibitoire qui nous est proposĂ© en ce dĂ©but de soirĂ©e. Avec « Au pays oĂą se fait la guerre » du mĂŞme compositeur, c’est un monde de dĂ©solation qui est Ă©voquĂ©, nous sommes alors en plein cĹ“ur de la première guerre mondiale, sans pour autant verser dans un maelstrom geignard qui serait malvenu. Le rĂ©pertoire de Claude Debussy (1862-1918) comporte, outre une musique instrumentale riche et variĂ©e, un certain nombre de mĂ©lodies charmantes, que VĂ©ronique Gens chante avec un plaisir manifeste. S’il est difficile d’envisager une intĂ©grale en rĂ©cital ou au CD, celles qui sont inscrites au programme de ce soir donnent une excellente idĂ©e de la variĂ©tĂ© de l’oeuvre de Debussy dont l’univers est Ă la fois si diffĂ©rent et si complĂ©mentaire de celui de Duparc. Dans Clair de lune et Nuit d’étoiles, le compositeur nous fait veiller Ă la belle Ă©toile.
Après une pause nĂ©cessaire, VĂ©ronique Gens et Susan Manoff abordent deux nouveaux compositeurs qui sont Ă©galement au programme de «Néère». Ernest Chausson (1855-1899), compositeur Ă cheval entre romantisme et post-romantisme, nous fait voyager entre AntiquitĂ© (HĂ©bĂ©) et PrĂ©sent. VĂ©ronique Gens concilie retenue et vitalitĂ© pour capter l’attention de son public. Si on se souvient de Reynaldo Hahn (1874-1947) comme Ă©tant le compositeur qui a sorti de l’oubli, l’opĂ©ra Mireille de Charles Gounod (1818-1893), en restituant avec talent la partition originale de ce chef-d’oeuvre du rĂ©pertoire romantique français, il ne faut pas oublier qu’il a lui mĂŞme composĂ© nombre de mĂ©lodies raffinĂ©es et enivrantes. LĂ encore VĂ©ronique Gens maĂ®trise parfaitement son sujet en interprĂ©tant une petite partie des mĂ©lodies de Hahn, en particulier Néère, celle qui, prĂ©cisĂ©ment donne son titre au CD. La gouaille rafraĂ®chissante et l’humour de l’artiste donnent un ton particulier Ă la soirĂ©e qui passe si vite que le public en redemande. Et VĂ©ronique Gens se prĂŞte au jeu en interprĂ©tant Le corbeau et le renard, la cĂ©lèbre fable de Jean de La Fontaine, mise en musique par Jacques Offenbach (1819-1880) ; la mĂ©lodie aussi grinçante et imagĂ©e que le poème de La Fontaine rĂ©vèle l’humour ravageur et mutin d’une Gens enchanteresse qui, dans la foulĂ©e concède deux autres bis tirĂ©s, eux du CD.
Artiste accomplie et rĂ©citaliste exceptionnelle VĂ©ronique Gens maĂ®trise parfaitement une voix puissante, claire, ronde et remarquable de fraĂ®cheur. Très attachĂ©e Ă la dĂ©fense du rĂ©pertoire français, Gens est très attentive Ă la diction; de fait celle ci est excellente : chaque mĂ©lodie est ciselĂ©e si parfaitement qu’il est inutile de suivre avec le programme. A ses cĂ´tĂ©s, Susan Manoff, pianiste Ă©mĂ©rite, est une accompagnatrice hors pair. Visiblement très complice avec VĂ©ronique Gens, elle reste attentive Ă chaque mot, Ă chaque note ne couvrant jamais la soprano qui lance chaque introduction d’un regard discret.
Saintes. Abbaye aux dames, le 13 juillet 2016. Henri Duparc (1848-1933) : Invitation au voyage, Romance de Mignon, Au pays ou se fait la guerre, Chanson triste, Claude Debussy (1862-1918) : En sourdine, Fantoches, Clair de lune, Masques et Bergamasques, Fleurs des blĂ©s, Nuits d’Ă©toiles, Ernest Chausson (1855-1899) : Le temps des lilas, La chanson bien douce, HĂ©bĂ©, Reynaldo Hahn (1874-1947) : Le rossignol des lilas, quand je fus pris au pavillon, trois jours de vendanges, A Chloris, Néère, LydĂ©, PholoĂ©, Phylis, Le printemps, Jacques Offenach (1819-1880) : Le renard et le corbeau (bis 1). VĂ©ronique Gens, soprano, Susan Manoff, piano.
APPROFONDIR : LIRE aussi notre compte rendu critique complet du cd Néère par VĂ©ronique Gens, CLIC de CLASSIQUENEWS d’octobre 2016