COMPTE RENDU, critique. ARTE, le 3 août 2019. MASCAGNI : Cavalleria Rusticana, production du San Carlo de Naples dans les rues de Matera (Juraj Valcuha)

mascagni Pietro Mascagni1COMPTE RENDU, critique. ARTE, le 3 août 2019. MASCAGNI : Cavalleria Rusticana, production du San Carlo de Naples dans les rues de Matera. En début de soirée, au moment de la présentation de l’opéra par les équipes d’ARTE, soit 3 présentateurs (pas moins) en français, italien (langue locale) et allemand, on a commencé par avoir très peur : problème de son, confusion des textes de chacun qui se télescopent, méli mélo entre les traductions simultanés… ce fut un joyeux chaos, d’autant plus déroutant que les animations populaires, évoquant le combat du bien contre le mal dans les rues de la cité élue de Matera, – capitale européenne de la culture 2019, étaient pour le moins mal filmées et tombaient comme un cheveux dans la soupe…quel rapport avec le sujet de l’opéra qui suit ? Pas facile de programmer de tels directs lyriques.

 
 

 
 

Pâques sanglantes à Matera

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matera-piazza-san-pietro-caveoso opera arte juillet 2019 critique opera mascagni classiquenewsEnfin la partition commence et le flux naturel du spectacle s’organise : de fait, la bonne surprise attendue se réalise et les décors de la ville utilisés déjà par Pasolini pour sa Passion du Christ font miracle, d’autant plus éclairés de nuit, avec des vues aériennes que permettent les drones.
Le souffle de l’opéra vériste de Pietro Mascagni (1890), chef d’œuvre absolu de la scène italienne a pu se concrétiser par la force visuelle d’un spectacle d’opéra en plein air, où solistes et choristes professaient parmi la foule des spectateurs massés sur une grande place de la cité minérale (Piazza San Pietro caveoso).
Le vérisme assumé et abouti de Mascagni s’accomplit dans ce drame simple des petites gens, paysans laborieux, filles entières, charretier bourru mais droit dans ses bottes… La passion qui anime Santuzza (ardente et tendre Veronica Simeoni, pilier de cette production) éclate au grand jour vis à vis de Mama Lucia ; elle aime toujours Turiddu qui revient au village le dimanche de Pâques (trop fragile et instable Roberto Aronica, le maillon faible de cette soirée : voix engorgée, émission étrange et peu naturelle, piètre présence scénique).

Mais celui ci la délaisse pour une autre, Lola (sulfureuse Leyla Martinucci au soprano velouté et sensuel). Pourtant la belle est mariée… au travailleur Alfano (impeccable George Gagnidze : solide et bestial)…
D’une jalousie l’autre, passant d’une âme dévastée à une autre, de Santuzza à Alfio, l’agent du pire se concrétise (soit l’œuvre de la jalousie) : Santuzza révèle la liaison de Lola et de Turiddu au mari cocufié Alfio… lequel ne tarde pas au couteau à saigner le séducteur.

Entre temps de sublimes airs, qui fouillent et étreignent l’âme tourmentée des protagonistes (Santuzza s’adressant à Mama Lucia qui est la mère attérée de Turiddu / puis Turiddu à sa mère, dans une scène d’adieu déchirante) hissent la partition au niveau du meilleur Puccini. Il faut dire que la direction du chef Juraj Valcuha ne manque ni de tension, ni de lyrisme ni d’accents expressifs, intelligemment négociés pour cette captation en direct et en plein air : le maestro fait preuve d’une grande cohérence et d’une solide sensibilité (superbe intermède orchestral au mi temps du drame). Les instrumentistes du Teatro San Carlo ont relevé le défi de la performance avec une réelle finesse, qualité moins évidente de la part du chœur. Globalement, la ville de Matera ne pouvait trouver meilleure publicité.

 
  
  
 

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COMPTE RENDU, critique. ARTE, le 3 août 2019. MASCAGNI : Cavalleria Rusticana, production du San Carlo de Naples dans les rues de Matera.

Pietro Mascagni : Cavalleria Rusticana
Opera en un acte – livret de Giovanni Targioni-Tozzetti et Guido Menasci, d’après la nouvelle de Giovanni Verga
Création : Roma, Teatro Costanzi, 17 mai 1890

Juraj ValÄuha, direction
Orchestra e Coro del Teatro di San Carlo

Santuzza, Veronica Simeoni
Turiddu, Roberto Aronica
Mamma Lucia, Elena Zilio
Alfio, George Gagnidze
Lola, Leyla Martinucci 
  
  
 

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LIRE aussi notre présentation de Cavalleria Rusticana à Matera sur ARTE
http://www.classiquenews.com/arte-cavalleria-rusticana-de-mascagni-dans-les-rue-de-matera/

 
  
  
 

ARTE, CAVALLERIA RUSTICANA de MASCAGNI dans les rue de MATERA

arte_logo_2013mascagni-pietro-550ARTE, sam 3 août 2019, MASCAGNI : CAVALLERIA RUSTICANA (1890). Dans les rues du village de MATERA, l’opéra saisissant et tragique du jeune Mascagni, Cavalleria Rusticana (1890) se déploie, dans les airs jaloux de Sentuzza ; à travers l’amour réchauffé de Turiddu, rabiboché avec Lola. Mais c’est sans compter la haine frustrée et l’impuissante folie de Sentuzza qui dénonce l’adultère à l’époux de Lola, le riche Alfio dont le tempérament sanguin, bestial aura raison du jeune homme. Il a trahi Sentuzza : il doit le payer de sa vie. Mascagni signe un chef d’œuvre lyrique absolu, aussi court et fulgurant que passionnel et ardent. L’orchestration est somptueuse (et compte l’un des intermèdes les plus bouleversants de tout l’opéra italien) ; l’écriture moderne, réaliste et incandescente : le modèle dramatique, efficace et franc de Verdi est assimilé, mais dans cette veine vériste qui traite désormais les gens du petit peuple et les drames de la rue, plutôt que les romans chevaleresques ou les héros de la littérature « noble ». En Sicile, ainsi en ce dimanche de Pâques, la passion très profane d’une maîtresse délaissée et abandonnée se mue en horreur vengeresse…

 

 

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ARTE, sam 3 août 2019, 20h50.  MASCAGNI : CAVALLERIA RUSTICANA (1890). Dans les rues du village de MATERA

 

 

 

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SYNOPSIS
La jalousie dévorante et criminelle fait les bons drames passionnels en particulier sur la scène lyrique. En Sicile, le dimanche de Pâques, Santuzza se désespère, démunie et trahie : elle a perdu l’amour de son ancien amant Turiddu qui en aime une autre Lola, l’épouse du charretier Alfio. Santuzza a beau se confier à la propre mère de Turiddu (Mamma Lucia), rien ne peut adoucir le ressentiment et la haine, le désir de vengeance et la tentation du meurtre qui envahissent l’esprit de l’amoureuse humiliée. L’action se déploie comme un relief antique : sans dilution, droit au but, épure, expsoition, embrasement, catastrophe. Mascagni compose sa partition en 1890 (deux années avant I Pagliacci de Leoncavallo, autre partition courte et fulgurante avec laquelle Cavalleria est souvent couplée dans la même soirée) : c’est le manifeste de toute une esthétique à l’opéra. Franche, immédiate, réaliste : l’opéra vériste ou naturaliste est né sous sa plume car le drame est court, concis, resserré, d’une irrépressible activité et sur une durée très limitée (ici 1h10mn selon les versions). A la fin du siècle où se répand le poison du wagnérisme, l’Italie post verdienne a trouvé la forme lyrique capable de proposer une alternance à l’opéra allemand et français. Production 2019 du San Carlo de Naples / Juraj Valcuha, direction.

 

 

PÂQUES SANGLANTES

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GENESE et ENJEUX d’une partition éblouissante
L’ouvrage est une commande de l’éditeur Sonzogno, soucieux d’organiser un concours musical pour repérer de nouveaux talents. Pietro Mascagni (1863-1945) remporte haut la main la compétition: il n’a que 27 ans. Cavalleria Rusticana est créé au Teatro Costanzi de Rome le 17 mai 1890. La violence des passions, le huit clos s’intéressant aux petites gens de la campagne sicilienne, surtout les pages orchestrales qui rétablissent le drame dans le souffle des éléments, au sein d’une nature à la fois flamboyante mais indifférente, renforcent l’impact tragique et poétique de l’ouvrage sur les spectateurs. Cavalleria rusticana est un immense succès dès sa création et depuis lors jamais démenti.

Personnages
Santuzza, une jeune paysanne (soprano)
Turiddu, un jeune paysan (ténor)
Mamma Lucia, la mère de Turiddu (contralto)
Alfio, un charretier (baryton)
Lola, la femme d’Alfio (mezzosoprano)
Villageoises et villageois (chœurs)

Argument
Dès le début, Mascagni joue le contraste : l’ouverture développe le désespoir de Santuzza auquel succède la sérénade de Turiddu à Lola, sa nouvelle maîtresse; alors que le village entier rentre dans l’église en ce jour de Pâques, Santuzza interroge Lucia, vendeuse de vins, afin de savoir où se trouve son fils, Turiddu.
Survient Alfio le charretier qui désire boire du vin… mais Turiddu qu’il a pourtant aperçu près de chez lui, est parti en chercher pour sa mère Lucia.
Après qu’elle confesse à Lucia, son amour malheureux avec Turiddu, Santuzza se querelle avec ce dernier devant l’église. Le jeune homme la maltraite et Santuzza le maudit. Alfio sort alors de l’église et pour se venger, Santuzza lui apprend la liaison de sa femme Lola avec Turiddu : Alfio furieux et accablé quitte la place du village, Santuzza prise de remords part à sa suite.
Mascagni place alors un sublime intermezzo qui exprime et le souffle de la campagne, la violence du drame, et l’annonce de la catastrophe à venir…
De fait, sur la place, Turiddu propose un verre à Alfio mais celui ci refuse tout net, provoquant le jeune homme en duel au couteau. Les deux hommes se battent et Turiddu y laisse la vie : sur la place, sa mort est annoncée. Mamma Lucia et Santuzza pleurent leur désespoir.

 

 

 

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Iris de Mascagni à Montpellier

yoncheva_sonya_recital_parisMONTPELLIER. Mardi 26 juillet 2016, 20h. Mascagni : Iris. Sonya Yoncheva est Iris. En direct de Montpellier. Elle vient de triompher dans La Traviata à l’Opéra Bastille, puis sort victorieuse de la même façon dans l’enregistrement attendu des Noces de Figaro en provenance de Baden Baden été 2015 (parution de juillet 2016 chez Deutsche Grammophon). En 1898, soit huit ans après son premier chef d’Å“uvre, Cavaleria Rusticana (créé en mai 1890), Mascagni frappe un nouveau grand coup : comme Clétie (changée en tournesol, selon les Métamorphoses du magicien conteur Ovide), Iris, elle aussi ne révère que le soleil. L’auteur du chef d’oeuvre Cavalleria Rusticana, vrai manifeste du vérisme musical, saisissant par ses effluves lyriques comme ses atmosphères vaporeuses iridescentes à l’orchestre, se passionne pour l’épopée de la fille fleur, Iris, innocente victime de la barbarie des hommes. Comme ses confrères tentés par l’orientalisme, proche en cela des fantasmagories japonisantes de Madame Chrysanthème (André Messager), inspirée de Loti, et bientôt de la tragique Madame Butterfly (Puccini), Mascagni s’entiche lui aussi de la grâce extrême-orientale, matière à de riches évocations symphoniques dont la poésie instrumentale et mélodique renouvelle la réussite de Cavaleria. A l’heure de l’Art nouveau, Iris évoque immanquablement une rêverie voluptueuse porteuse d’un érotisme musical qui devrait se révéler idéal au timbre charnel et élégantissime de la diva du moment, la bulgare Sonya Yoncheva.

En créature du désir et de l’amour souverain, la soprano qui entretient une relation amoureuse avec la France et Paris : cf son premier cd événement édité par Sony « Paris mon amour », CLIC de CLASSIQUENEWS) devrait éblouir par son timbre velouté, naturel, d’une sensualité adolescente, d’une sincérité irrésistible (celle-là même qui fait le miracle de sa Comtesse mozartienne).
Iris est la proie de tous les désirs masculins, dévoilée telle Phryné, aux fantasmes masculins par le tenancier d’une maison de geishas au service du séducteur qui la courtise, maudite par son père, elle ne doit son salut qu’à l’astre des jours qui l’accueille en son ciel.
Mais humiliée, sacrifiée sur la terres des hommes indignes, Iris est sauvée par son adoration au soleil, et l’hymne qui en découle, l’Hymne au soleil, célèbre à juste titre, affirme l’ivresse raffinée du Mascagni orchestrateur, mélodie aguerri, toujours admiré pour son tempérament dramatique et poétique. C’est dire l’événement que constitue la recréation d’Iris de Mascagni au Festival Radio France et Montpellier ce 26 juillet 2016.

PIETRO MASCAGNI  1863-1945
Iris
Opéra en 3 actes (1898)
Livret de Luigi Illica
Version de concert

Sonya Yoncheva, soprano, Iris
Andrea Carè, ténor, Osaka
Gabriele Viviani, baryton, Kyoto
Nikolay Didenko, basse, Il Cieco
Paola Gardina,  mezzo-soprano, Una Guècha
Marin Yonchev, ténor, Il Cenciaiulo
Karlis Rutentals, ténor (soliste du chœur de la Radio Lettone), Un Merciaiuolo
Laurent Sérou, baryton (soliste du chœur de l’Opéra de Montpellier) : Un Cenciaiuolo

Chœur Opéra national Montpellier Languedoc-Roussillon
Chef de chœur  Noëlle Gény
Chœur de la Radio Lettone
Chef de chœur  Sigvards Klava
Orchestre national Montpellier Languedoc-Roussillon
Chef de chant  Anne Pagès-Boisset

Domingo Hindoyan, direction

Synopsis


Au Japon, XIXe siècle. Acte 1 : Encore pure et préservée, la jeune Iris qui s’occupe de son père aveugle est désirée par le jeune et riche Osaka. L’un de ses rêves est prémonitoire : sa poupée est violentée par des monstres… A la faveur d’une représentation de marionnettes sur le thème de l’amour et de la mort, Iris est enlevée par Osaka et son complice, Kyoto, proxénète, propriétaire d’une maison de geishas.

Acte 2. Iris se réveille captive dans la maison des plaisirs qui la comble de confort. Kyoto l’expose au désir des passants de plus en plus insistants ; survient son père qui croyant que sa fille a vendu son corps, la punit en la couvrant de boue.

Acte 3. A demi consciente, Iris reçoit alors la visite de trois allégories Veulerie, Luxure et Egoïsme et remet son sort au soleil en un hymne devenu culte.

VOIR la présentation d’Iris de Mascagni sur le site du Festival de Radio France et Montpellier 2016

Recréation d’Iris de Mascagni à Montpellier

yoncheva_sonya_recital_parisFrance Musique. Mardi 26 juillet 2016, 20h. Mascagni : Iris. Sonya Yoncheva est Iris. En direct de Montpellier. Elle vient de triompher dans La Traviata à l’Opéra Bastille, puis sort victorieuse de la même façon dans l’enregistrement attendu des Noces de Figaro en provenance de Baden Baden été 2015 (parution de juillet 2016 chez Deutsche Grammophon). En 1898, soit huit ans après son premier chef d’Å“uvre, Cavaleria Rusticana (créé en mai 1890), Mascagni frappe un nouveau grand coup : comme Clétie (changée en tournesol, selon les Métamorphoses du magicien conteur Ovide), Iris, elle aussi ne révère que le soleil. L’auteur du chef d’oeuvre Cavalleria Rusticana, vrai manifeste du vérisme musical, saisissant par ses effluves lyriques comme ses atmosphères vaporeuses iridescentes à l’orchestre, se passionne pour l’épopée de la fille fleur, Iris, innocente victime de la barbarie des hommes. Comme ses confrères tentés par l’orientalisme, proche en cela des fantasmagories japonisantes de Madame Chrysanthème (André Messager), inspirée de Loti, et bientôt de la tragique Madame Butterfly (Puccini), Mascagni s’entiche lui aussi de la grâce extrême-orientale, matière à de riches évocations symphoniques dont la poésie instrumentale et mélodique renouvelle la réussite de Cavaleria. A l’heure de l’Art nouveau, Iris évoque immanquablement une rêverie voluptueuse porteuse d’un érotisme musical qui devrait se révéler idéal au timbre charnel et élégantissime de la diva du moment, la bulgare Sonya Yoncheva.

En créature du désir et de l’amour souverain, la soprano qui entretient une relation amoureuse avec la France et Paris : cf son premier cd événement édité par Sony « Paris mon amour », CLIC de CLASSIQUENEWS) devrait éblouir par son timbre velouté, naturel, d’une sensualité adolescente, d’une sincérité irrésistible (celle-là même qui fait le miracle de sa Comtesse mozartienne).
Iris est la proie de tous les désirs masculins, dévoilée telle Phryné, aux fantasmes masculins par le tenancier d’une maison de geishas au service du séducteur qui la courtise, maudite par son père, elle ne doit son salut qu’à l’astre des jours qui l’accueille en son ciel.
Mais humiliée, sacrifiée sur la terres des hommes indignes, Iris est sauvée par son adoration au soleil, et l’hymne qui en découle, l’Hymne au soleil, célèbre à juste titre, affirme l’ivresse raffinée du Mascagni orchestrateur, mélodie aguerri, toujours admiré pour son tempérament dramatique et poétique. C’est dire l’événement que constitue la recréation d’Iris de Mascagni au Festival Radio France et Montpellier ce 26 juillet 2016.

PIETRO MASCAGNI  1863-1945
Iris
Opéra en 3 actes (1898)
Livret de Luigi Illica
Version de concert

Sonya Yoncheva, soprano, Iris
Andrea Carè, ténor, Osaka
Gabriele Viviani, baryton, Kyoto
Nikolay Didenko, basse, Il Cieco
Paola Gardina,  mezzo-soprano, Una Guècha
Marin Yonchev, ténor, Il Cenciaiulo
Karlis Rutentals, ténor (soliste du chœur de la Radio Lettone), Un Merciaiuolo
Laurent Sérou, baryton (soliste du chœur de l’Opéra de Montpellier) : Un Cenciaiuolo

Chœur Opéra national Montpellier Languedoc-Roussillon
Chef de chœur  Noëlle Gény
Chœur de la Radio Lettone
Chef de chœur  Sigvards Klava
Orchestre national Montpellier Languedoc-Roussillon
Chef de chant  Anne Pagès-Boisset

Domingo Hindoyan, direction

Synopsis


Au Japon, XIXe siècle. Acte 1 : Encore pure et préservée, la jeune Iris qui s’occupe de son père aveugle est désirée par le jeune et riche Osaka. L’un de ses rêves est prémonitoire : sa poupée est violentée par des monstres… A la faveur d’une représentation de marionnettes sur le thème de l’amour et de la mort, Iris est enlevée par Osaka et son complice, Kyoto, proxénète, propriétaire d’une maison de geishas.

Acte 2. Iris se réveille captive dans la maison des plaisirs qui la comble de confort. Kyoto l’expose au désir des passants de plus en plus insistants ; survient son père qui croyant que sa fille a vendu son corps, la punit en la couvrant de boue.

Acte 3. A demi consciente, Iris reçoit alors la visite de trois allégories Veulerie, Luxure et Egoïsme et remet son sort au soleil en un hymne devenu culte.

VOIR la présentation d’Iris de Mascagni sur le site du Festival de Radio France et Montpellier 2016

Milan : Elina Garanca chante Mascagni et Leoncavallo

Elina GarancaMilan, Scala. Mascagni, Leoncavallo. Elina Garanca, vendredi 12 juin 2015, 20h. La tradition lyrique (depuis un certain soir du Metropolitan Opera de New York en 1895) associe deux chef d’oeuvres véristes signés Mascagni et Leoncavallo : deux tragédies « hurlantes », deux tranches de vie, suscitées à l’origine par l’éditeur Sonzogno, où la passion amoureuse mène au crime. Dans Cavalleria, Santuzza folle de jalousie, intrigue pour que son ancien amant, Turridu soit assassiné… Dans Pagliacci,  c’est Canio, directeur d’une troupe de comédiens ambulants qui tue son épouse Nedda, laquelle le trompe avec le beau Silvio… Le scénographe Mario Martone distingue cependant l’atmosphère de chaque partition : poids de la religion le jour de Pâques, costumes d’époque pour Cavalleria ; sordide de banlieue dans Paggliacci… autant d’indices visuels pour mieux s’immerger dans le noir venin de la jalousie, sentiment moteur et destructeur des deux courts ouvrages. La production convoque une production remarquablement engagée où domine le mezzo chaud, souple, suave d’ElÄ«na GaranÄa qui chante une Santuzza ardente, foudroyée et haineuse. Indiscutablement, l’élément le plus envoûtant de la distribution réunie à Milan.

 

 

boutonreservationMilan, Scala, vendredi 12 juin 2015, 20h.
CAVALLERIA RUSTICANA, de Pietro Mascagni
PAGLIACCI, de Ruggero Leoncavallo
Orchestre et Chœur du Teatro alla Scala
Carlo Rizzi, direction musicale
Mario Martone, mise en scène
Séjour à Milan (12,13 et 14 juin 2015) :
Assistez aussi le samedi 13 juin à Carmen de Bizet, 20h, puis le dimanche 14 juin 2015 au
récital du ténor Jonas Kaufamnn, 20h, toujours au Teatro alla Scala de Milan.
Réservations et informations sur le site de la Scala de Milan

 

approfondir
Cavalleria et Pagliacci : deux sommets du vérisme lyrique

mascagni Pietro Mascagni1La tradition de les jouer tous les deux lors d’une même soirée comme s’ils étaient le faces désormais inséparables du vérisme lyrique, remonte à une soirée pionnière du Metropolitan Opera de New York de 1895. Deux ans les séparent seulement : ce qui en fait, deux frères presque jumeaux de la tragédie amoureuse vériste. La jalousie est le sentiment partagé : porteur de la catastrophe. Ici les petites gens, plus miséreux que les bons bourgeois offrent une tranche de vie, restituée dans sa crudité sur la scène lyrique. Participant en 1888 au concours de l’éditeur Sonzogno, lui-même rival de Ricordi, Pietro Mascagni, proche de Puccini qui l’encourage, remporte le premier prix avec Cavalleria Rusticana, d’après la pièce de Verga. Le musicien originaire des Pouilles a travaillé durant deux mois, et près de 18h par jour. Travail harassant qui montre une passion peu commune : l’aboutissement en est son premier et ultime chef d’oeuvre créé en 1990. Certes, L’Amico Fritz de 1891 poursuit sa carrière sans partager l’engouement jamais atténué de C Rusticana. 

leoncavallo Ruggero_Leoncavallo_1Sur les traces du succès de Mascagni, Ruggero Leoncavallo (1857-1919) prétend lui aussi à la gloire lyrique : accompagnateur besogneux aux cafés concerts de Paris, ami de Massenet, il compose en 5 mois son Paillasse / Pagliacci pour Sonzogno. C’est Toscanini qui en mai 1891 à Milan crée Pagliacci : nouveau triomphe. Et second excellente intuition pour l’éditeur, défricheur et promoteur de talents, Sonzogno. Canio le clown triste, l’amuseur tragique rongé et dévoré par la jalousie amoureuse devient le rôle fétiche de Caruso : il ne fallait pas moins pour imposer définitivement la partition à l’opéra. A Paris, le ténor Maurel (créateur de Iago dans Otello de Verdi) convainc Leoncavallo qui était son ami d’ajouter un air fameux, celui du clown Canio, plus développé dès le prologue : véritable manifeste du vérisme (et que reprend ensuite Puccini dans son triptyque, précisément dans le final de Gianni Schicchi où le héros agitateur philosophe s’adresse directement à la foule…). Ici Canio précise à son auditoire que ce qui va se passer est une tranche de vie, frappante et saisissante par sa réalité fût-elle crue et tragique voire effrayante. 

En deux volets désormais estampillés Sonzogno, Cavalleria et Pagliacci s’affirment tels les tenants véristes au wagnérisme ambiant. Dans le Mezzogiorno, cadre des deux actions tragiques, les personnages sont paysans donc simples voire bruts inspirés par le code de l’honneur, la passion des gens laborieux… Cavallaria Rusticana représente le jour de Pâques, la vengeance d’une femme sicilienne humiliée et trahie, amoureuse jalouse (Santuzza dont Maria Callas dès 1939 offrira une mémorable incarnation) qui provoque l’assassinat de celui qui l’a trahie (Turridu). Carmen de Bizet (1875) inspire la violence du drame qui frappe par son efficacité foudroyante. L’honneur sicilien imprime ici son implacable fatalité, sa machinerie tribale comme s’il s’agissait d’un fait divers. Représenter une tranche de vie avait préciser Leoncavallo dans son prologue manifeste.

De fait, dans Pagliacci, l’action se déplace de Sicile en Calabre. La mère du compositeur qui fut juge, vint à arbitrer une sombre affaire de meurtre survenu lors d’une représentation à Montalto Uffugo, un village de Calabre. Leoncavallo n’avait pas à chercher loin l’intrigue de son opéra vériste, offrant une saisissante tranche de vie. L’intensité du rôle de Canio tient à cette obligation de faire rire alors qu’il est rongé par la jalousie la plus désespérée. Contrastes des passions qui plonge aussi dans la réalité du jeu de l’acteur… Acteurs du drame d’Arlequin et Colombine, Canio et son épouse Nedda vivent les tensions ultimes de la passion maudite et Canio fou de douleur en mari trompé cocufié, humilié, tue et Nedda et son amant Silvio.

Cavalleria Rusticana de Mascagni à Salzbourg

salzbourg-evasion-classiquenews-582-570Salzbourg, les 28 mars et 6 avril 2015. Mascagni : Cavalleria Rusticana, 18h. Osterfestspiele Salzburg. Le festival de Pâques de Salzbourg affiche en 2015, mars et avril, l’opéra vériste génial signé Mascagni : Cavalleria Rusticana avec entre autres l’excellent Jonas Kaufmann. L’oeuvre est couplée avec i Pagliacci de Leoncavallo, formant un diptyque familier des amateurs d’opéras. Chaque partition courte, d’un acte, compose ainsi le double portrait d’un drame amoureux passionnel et tragique : chacun s’achève sur la mort de l’un des amants.

 

 

mascagni Pietro Mascagni1La jalousie dévorante et criminelle fait les bons drames passionnels en particulier sur la scène lyrique. En Sicile, le dimanche de Pâques, Santuzza se désespère, démunie et trahie : elle a perdu l’amour de son ancien amant Turiddu qui en aime une autre Lola, l’épouse du charretier Alfio. Santuzza a beau se confier à la propre mère de Turiddu (Mamma Lucia), rien ne peut adoucir le ressentiment et la haine, le désir de vengeance et la tentation du meurtre qui envahissent l’esprit de l’amoureuse humiliée. L’action se déploie comme un relief antique : sans dilution, droit au but, épure, embrasement, catastrophe. Mascagni compose sa partition en 1890 (deux années avant I Pagliacci de Leoncavallo, autre partition courte et fulgurante avec laquelle Cavalleria est souvent couplée dans la même soirée) : c’est le manifeste de toute une esthétique à l’opéra. Franche, immédiate, réaliste : l’opéra vériste ou naturaliste est né sous sa plume car le drame est court, concis, resserré, d’une irrépressible activité et sur une durée très limitée (ici 1h10mn selon les versions). LIRE notre dossier spécial Cavalleria Rusticana de Mascagni

 

 

 

Programmer Cavalleria Rusticana au moment de Pâques est justifié car c’est le temps réel de l’action du drame. La distribution affichée par le festival de Salzbourg promet engagement et caractérisation sous la baguette fine et nerveuse de Christian Thieleman…

Cavalleria Rusticana de Mascagni au festival de Salzbourg 2015

 

festival de paques salzbourg 2015 cavalleria rusticana

 

Christian Thieleman, direction

Philipp Stölzl, mise en scène, régie

Jonas Kaufmann : Turiddu, Canio

Liudmyla Monastyrska:Santuzza

Annalisa Stroppa : Lola

Maria Agresta: Nedda

Dimitri Platanias : Tonio

Tansel Akzeybek: Beppe

Sächsische Staatskapelle Dresden

Choeur d’enfants du Festival de Salzbourg

 

 

Compte rendu, opéra. Strasbourg. Opéra National du Rhin, le 24 octobre 2014. Pietro Mascagni : L’Amico Fritz. Teodor Ilincai, Brigitta Kele, Anna Radziejeweska, Elia Fabbian. Paolo Carignani, direction musicale. Vincent Boussard, mise en scène

Mascagni amico-fritz-photo-alain-kaiser- STRASBOURG onr_dsc95861413901935L’Opéra du Rhin, après une création de Régis Campo, s’est lancé dans la redécouverte d’une œuvre méconnue de Pietro Mascagni : L’Amico Fritz. Petit bijou à la durée modeste – trois actes déroulés en une heure et demi –, cette œuvre, composée en 1891, un an seulement après le triomphe de Cavalleria Rusticana, apparaît comme un retour du compositeur à ce qu’il estimait sa véritable identité musicale. L’âpreté du drame fait place à la volupté de la tendresse, et on se laisse transporter tant par les couleurs bucoliques qui parsèment la partition que par le lyrisme irrésistible des longues lignes qui se déploient à l’envi. Servant cette partition avec tout le sérieux qu’elle mérite, Paolo Carignani tire le meilleur d’un Orchestre Philharmonique de Strasbourg des grands soirs, cordes au legato de velours et bois charmeurs, tissant un véritable tapis sonore sous les pas des chanteurs, les enveloppant et les soulevant tour à tour.

 

 

Un bonbon au parfum de découverte

Contrastant avec cette générosité auditive, l’ascétique mise en scène de Vincent Boussard emplit la scène d’un vide désagréable, refusant l’opulence autant que la beauté. Démission devant la simplicité du livret ou refus de tout premier degré ? Un impressionnant – et bien inutile – changement de décor à vue, quelques poules arpentant le plateau et des projections vidéo bien chiches d’Isabel Robson, c’est peu pour servir la poésie de cette œuvre, et force est d’admettre que les riches drapés imaginés Christian Lacroix se révèlent par trop déplacés dans cet univers simple et villageois.

Heureusement, le versant vocal de cette soirée offre davantage de satisfactions.

En premier lieu, on applaudit sans réserve l’adorable Suzel de Brigitta Kele. La jeune roumaine se coule avec évidence dans la vocalité de la touchante paysanne, son généreux soprano lyrique déployant sans effort la richesse de ses harmoniques, emplissant la salle et nuançant son chant avec élégance. Elle croque ainsi un personnage profondément attachant, trouvant toujours l’émotion juste sans verser dans un pathos facile, au contraire pleine de grâce et de troublante féminité.

Face à elle, Teodor Ilincai fait étalage de son instrument plus brut, jamais avare de décibels, d’une vaillance jamais prise en défaut. Mais tant de mâle assurance paraît superflu pour un emploi tenant davantage de Nemorino que de Turridu.

En outre, on soupçonne le jeune ténor de lorgner d’ors et déjà vers des emplois dramatiques, tant son émission paraît désormais barytonante, comme alourdie et grossie dans le médium, rendant toute velléité de nuances difficile, la délicatesse occasionnant sonorités détimbrées et assourdies. L’aigu demeure en revanche conquérant, mais paraît émis en force, effort inutile dans une salle qui n’en demande pas tant. Le personnage, un peu pataud, est incarné avec justesse, et on croit sans peine à ce célibataire endurci prenant peu à peu conscience d’un amour qu’il désire autant qu’il craint.

Autour d’eux, le David sonore et percutant du baryton Elia Fabbian a tout du bon génie rappelant Malatesta ou Dulcamara chez Donizetti, tandis que le Beppe d’Anna Radziejewska prend des allures d’ange gardien et mêle son beau mezzo à la mélancolie tzigane de son violon.

Amusants et complices, Sévag Tachdjian et Mark Van Arsdale forment un duo épatant, l’Alsace s’invitant dans la coiffe de la Caterina de Tatiana Anlauf. Massés dans les loges d’avant-scène, les chœurs de la maison ont offert, comme à l’heure habitude, une prestation irréprochable. Grand succès pour ce petit bijou de Mascagni, une gourmandise musicale qu’on a hâte de déguster à nouveau.

Strasbourg. Opéra National du Rhin, 24 octobre 2014. Pietro Mascagni : L’Amico Fritz. Livret de P. Suardon (Nicola Daspuro) d’après le roman d’Emile Erckmann et Alexandre Chatrian. Avec Fritz Kobus : Teodor Ilincai ; Suzel : Brigitta Kele ; Beppe : Anna Radziejeweska ; David : Elia Fabbian ; Hanezò : Sévag Tachdjian ; Federico : Mark Van Arsdale ; Caterina : Tatiana Anlauf. Chœurs de l’ONR ; Sandrine Abello, chef de chœur. Orchestre Philharmonique de Strasbourg. Paolo Carignani, direction musicale ; Mise en scène : Vincent Boussard. Décors : Vincent Lemaire ; Costumes : Christian Lacroix ; Lumières : Guido Levi ; Vidéo : Isabel Robson

Compte rendu, opéra. Avignon. Opéra, le 20 mai 2014. Mascagni : Cavalleria Rusticana. Leoncavallo : Pagliacci.

pagliacci cavalleriaLes œuvres : le vérisme. On ne peut que répéter, à ce propos, que ce qu’on en a dit ici même. La tradition a justement lié ces deux opéras courts, le premier, Cavalleria rusticana (‘Chevalerie paysanne’) de Mascagni, un acte, sonnant en 1890 l’entrée fracassante du naturalisme dans l’opéra, le « vérisme » ; le second, deux actes, 1892, Pagliacci (‘Paillasse’) confirmant le succès de cette veine et offrant, avec le personnage emblématique du Prologue, l’esthétique du courant vériste : « personnages de chair et de sang, vraies larmes », pétition de réalisme, de vérité. Démentie, naturellement, par l’impossible vérisme de l’opéra avec des personnages qui chantent (et en vers !), aucun art d’ailleurs ne pouvant être réaliste, naturaliste ou vériste dans une vérité autre qu’une stylisation artistique du réel : donc, une esthétique de convention. Par ailleurs, ce fameux Prologue théâtralise tellement la vérité qu’il fait du vérisme ce qu’il est vraiment : du théâtre. Le vérisme semble mieux défini par un choix de sujets qu’on dirait quotidiens si le fait divers, le crime passionnel n’étaient heureusement pas journaliers. Mais exprimés, surtout, dans une vocalité qui rompt avec la tradition belcantiste romantique du chant orné, au profit d’une expression plus brute et passionnelle, dans des tessitures plus centrales et un orchestre nourri qui a retenu les leçons de Wagner.

LE VÉRISME : VÉRITÉ DE THÉÂTRE

avignon cavvalleria pagliacci operanspirée d’une nouvelle puis d’une pièce de l’écrivain, dandy sicilien, Giovanni Verga, cette « Chevalerie paysanne », finit par le duel d’honneur, lourd héritage espagnol de la Sicile, qui oppose un époux bafoué, Alfio, à Turiddu, jeune séducteur de sa femme, Lola, lequel a déjà séduit et abandonné Santuzza, qui, désespérée de son rejet, en informe l’époux : larmes et sang, mais aussi toute la pesanteur d’une société ligotée par les préjugés de classe et religieux : la mort a lieu lors de la fête de Pâques, de la Résurrection. L’opéra gomme la dimension sociale de la nouvelle de Verga : Turiddu, pauvre, revenant de l’armée, trouve sa fiancée Lola mariée à un riche : il refera sa conquête pour se venger du possédant et séduira aussi Santuzza , la plus riche héritière du village. Cette dernière, excommuniée pour cet amour hors mariage, se sent maudite et maudit aussi son amant (« A te la mala Pasqua ! » ‘Mauvaise Pâque à toi !’), malédiction qui ne tarde pas à se réaliser le même jour qui verra la mort de l’infidèle au crépuscule. Tragédie vériste, économe en moyens, qui répond à l’exigence dramatique classique :

« Qu’en un jour, qu’en un lieu, un seul fait accompli

Tienne jusqu’à la fin le théâtre rempli. »

L’action progresse par l’intensification des sentiments de Santa : demande de secours à la mère de l’infidèle, vaine demande d’amour à ce dernier, reproches à l’épouse adultère, et enfin terrible aveu au terrifiant époux bafoué.

Tout en décalquant ce modèle, mélangeant scènes de genre, chorales, et affrontement d’abord potentiel puis réel des personnages, dans un mélange de la vie et de la scène, l’une débordant l’autre, le plus musicalement subtil Pagliacci, présente une pauvre troupe de comédiens ambulants de la Commedia dell’arte, dont le chef, qui joue le Paillasse, le clown, le comique souffre-douleur traditionnel, est avisé de son infortune par Tonio, bossu dépité du rejet de ses avances par la jolie et légère épouse du premier : c’est Quasimodo dont l’amour se tournerait en haine contre l’objet interdit de ses désirs, ici, c’est Paillasse contre sa frivole Colombine.

Dans le second acte, miroir apparemment festif du premier, pendant la représentation, voyant répétée par le jeu théâtral sa situation de cocu, gagné par la réalité, de la situation fictive, alors qu’il prétendait auparavant que « le théâtre et la vie ne sont pas la même chose », le clown lassé de faire rire à ses dépens conjugaux, poignarde sa femme en pleine scène et l’amant accouru à son secours. Le Prologue annonçait le début du jeu, Paillasse conclut le meurtre par : « La comédie est finie ! » C’est pendant la fête de l’Assomption : encore la religion d’amour qui finit dans le sang.

RÉALISATION

Cavalleria rusticana

Vérisme, néo-réalisme et vérité historique

Jean-Claude Auvray, signe les deux mises en scène et transpose judicieusement l’action dans les années cinquante du néo-réalisme cinématographique italien, le vrai héritier du vérisme avec ses situations populaires fortes, brutales, mais avec la nuance d’une version que l’ondirait technicolor pour I pagliacci. Par ailleurs, il me semble que cela donne, historiquement, socialement, une dimension d’authenticité à ces deux drames.

En effet, passée la guerre et ses ruines où le drame collectif subsume l’individuel, avec la reconstruction se reconstruisent apparemment les valeurs traditionnelles ébranlées de la famille, avec le père, le mari, le frère, l’homme au centre, retrouvant une autorité que commencent à lui contester la femme, la fille, la sœur, rêvant d’émancipation. La virginité est encore la garantie du passage intact de la femme-marchandise du père au mari avant que les « demi-vierges » des flirts poussés du début des années 60 ne rompent les digues avec 68. Un ordre social et familial précaire dans ces contrées méridionales conservatrices où la brutalité machiste conserve encore en apparence, par la force, ses prérogatives.

À cette relative modernité du drame, ajoutons le substrat de tragédie méditerranéenne à puissant héritage grec antique et tout aussi tragiquement hispanique dans ses mœurs : la religion de l’honneur y contredit la religion du pardon des offenses, l’amour à mort du code social s’oppose à l’évangile d’amour.

De la grandeur d’Orange à la scène étroite d’Avignon, le drame, s’il perd de sa dimension grandiose de tragédie antique à l’air libre, située dans la Sicile, la Grande Grèce, gagne en intensité par la proximité.

À cour et à jardin, les deux simples et monumentales portes l’une noire, de la Mamma, l’autre de la Mère Église, ont disparu dans l’espace réduit. Mais, finalement, l’église inflexible, inexorable, invisible, n’en semble que plus forte dans son exclusion, l’excommunication, fermée pour Santa (‘Sainte’, de son nom), la pauvre Santuzza, pour le simple péché de chair, qui se sent damnée et condamnée à rester à la porte même de chez Lucia, la mère de son amant oublieux : religion de la Mère, redevenue image de la Vierge, revirginisée par la maternité, qui donne sa bénédiction au fils, qui multiplie les signes de croix, même sur le pain eucharistique avant de le couper. Au sol, un Christ colossal sur le dos, symbolise, loin de tout vérisme, ce poids de la religion qui enchaîne de ses tabous mortifères les héros de cette tragédie. Scénographie belle et impressionnante (Bernard Arnould) dans des lumières crues, cruelles, bleu nuit d’acier de Laurent Castaingt. Le poids de l’Église, c’est l’immense église cathédrale qui coiffe, chapeaute le village, et sa chape de plomb, la châsse de la procession : poids de l’amour, de la jalousie, pesanteurs sociales et morales, individuelles. 

  Les costumes (Rosalie Varda), sont presque monochromes : noirs et gris pour les femmes, chemises blanches, gilet, avec des différences sociales marquées par les tailleurs, les sacs, les chapeaux, les cravates, mode années 50 du cinéma néo-réaliste. Infraction à la sombre austérité générale, Lola, l’épouse légère est dans le rose du bonheur de vivre sans scrupules, de mordre la vie (« baiser la terre »). Elle semble croire en un Dieu d’amour qui pardonne autant que Santa, sa sombre et masochiste rivale, ne semble croire qu’en un Dieu punisseur « qui voit tout ». Cette société rigide du paraître et du qu’en-dira-t-on, hommes et femmes séparés, est judicieusement montrée dans la fuite des regards, les esquives, la chemise bien blanche et la veste tendrement déposées sur une chaise par la mère pour le fils et que, relais maternel, l’amante abandonnée passe amoureusement à son amant parjure : le mâle impeccable, sans peur même s’il n’est pas sans reproche.

Tout sonne juste et vrai. Pourtant, on s’étonne encore, comme d’une incongruité, de la scène où Lola et Turiddu, les adultères de l’ombre, flirtent, se bécotent devant tout le monde, et pratiquement au nez et à la barbe du terrible époux qui survient.

INTERPRÉTATION

À la tête de Orchestre Régional Avignon-Provence et du Chœur de l’Opéra Grand Avignon (direction Aurore Marchand) et de la Maîtrise (Florence Goyon-Pogemberg), Luciano Acocella, en parfait Italien, tout en conservant à cette musique sa force émotive directe, en dignifie certaines facilités expressives par le soin qu’il en prend, évitant le pathos sans gommer le pathétisme, en lui donnant vraiment cette « chevalerie », « même « rustique », paysanne, mais pleine d’une noblesse populaire. Certes, il remue par ce flot torrentiel de la vengeance mais ou prélude et interlude sont étrangement sereins comme des rêves d’amour, de paix.

Svetlana Lifar, belle voix sombre et ronde, est una Mamma Lucia juste dans le jeu. En Lola, jolie et enjouée, aguicheuse, roucoulante, inconsciente épouse, Virginie Verrez déploie une flexible voix comme sa silhouette, soprano fruité, beau fruit à déguster. Le mari, riche charretier brutal, bénéficie de la voix sonore, et brute ici, de Seng-Hyoun Ko si apprécié à Orange, terrible incarnation, presque capo mafioso, entouré de ses hommes.

Jean-Pierre Furlan, en Turiddu, n’est pas physiquement le jeune coq du village, mains dans les poches, qui joue avec le feu et s’y brûlera, mais il a une arrogance dans la franchise de sa voix dans son air du vin, une puissance dans les aigus et un en engagement de toute beauté : brutal et excédé avec Santuzza, dans ses adieux à la Mamma, ce Sicilien, il nous remue d’une émotion et émotion sinon vériste, vraie.

Santuzza, porte tout le drame dans quatre duos, le premier avec Mamma Lucia pour tenter de le prévenir, l’autre avec l’amant volage pour essayer de le retenir, un bref dialogue avec la rivale Lola, et enfin, celui, final, fatal, avec le mari trompé auquel elle révèle son infortune, se repentant aussitôt, consciente de la tragédie qu’elle déclenche. C’est un rôle extrêmement lourd, avec une tessiture hésitant entre le mezzo et le soprano dramatique, exigeant des graves profonds, un médium solide et des aigus puissants. Jeune, fragile, belle, Nino Surguladze, géorgienne, habituée des grandes scènes internationales, débutait à Avignon et dans le rôle. Voix large, corsée dans le médium, colorée dans le grave, aisée dans les aigus, elle dépasse vite une certaine raideur scénique au début pour atteindre à la grandeur dramatique et tragique. On espère le bonheur de la réentendre

Pagliacci

Passage du néo-réalisme blanc et noir à la comédie italienne (qui serait en technicolor)? Par un contraste joyeux avec Cavalleria, les costumes, sont d’une fraîche gaîté, mais cette mode toujours des années 50, rend quelque peu anachronique et invraisemblable, en logique vériste, le délire d’une foule pour un spectacle de Commedia dell’Arte, depuis longtemps remplacé à l’époque, justement, par le cinéma, dans une monde de la reconstruction symbolisé par la grue et ce bâtiment de cité des rêves de sortie de la guerre.

Descendue des cintres, des lettres immenses de guingois, PAGLIACCI, mal coloriées, semblent souligner la ruine d’un monde dépassé, peut-être celui du personnage principal, pauvre vedette de ces petits spectacles de village, dont l’univers et le prestige s’écroulent en découvrant que, moqué dans le jeu qui lui assurait le succès, il était bafoué dans la vie par sa femme aimée : farce qui tourne en tragédie. Une camionnette surmontée par un tambour pour la parade des comédiens ambulants, une voiturette rouge, quelques coffres en osier, et les éléments d’un théâtre de tréteaux monté à vue, ou plutôt cirque qui sera, celui, ancien, du sacrifice. Le défilé d’une noce traditionnelle, la mariée en longue traîne blanche, entraîne dans son sillage le naufrage, par contraste du mariage, valeur sociale et religieuse apparemment intangible, celui du clown bafoué par l’adultère de sa Colombine d’épouse.

En Prologue chargé d’annoncer le spectacle et son intention, puis Tonio, bossu maléfique par qui la délation de l’adultère et le malheur arrivent, nous retrouvons Seng-Hyoun Ko. Il plie la puissance éruptive de sa voix aux nuances du texte, épousant tous les contours du manifeste du vérisme, et arrive à émouvoir. Alliance du jeu, des moyens vocaux, des couleurs changeantes, en amoureux transi et vindicatif, il est pitoyable et terrifiant, insinuant, vénéneux face au mari, tirant la voix sans la faire vibrer, il fait frissonner de vérité malsaine et malfaisante ; aussi effrayant ici qu’il l’était à l’échelle d’Orange. À l’opposé, Leonardo Cortelazzi  se tire bien de la sérénade d’Arlequin, ligne ferme, belle projection, mais peut-être un manque de poésie. Armando Noguera,  superbe voix ronde et sombre de baryton, est un Silvio crédible par le jeu et le chant, plein de séduction juvénile, il campe l’amant crédible de Nedda-Colombine, à laquelle Brigitta Kele donne une fraîcheur tragique d’un soprano léger mais solide, cependant avec un petit problème dans l’extrême aigu, sans doute passager : coquette et cruelle avec Tonio, elle caquette et cocotte, trille avec les oiseaux dans sa poétique rêverie voix traversée des ombres du pressentiment dramatique, exaltée par l’amour. Puis elle est vraiment Colombine dans ses atours XVIIIe siècle, dansante, virevoltante dans son menu menuet, peut-être un peu lent, gracieuse et légère dans les gestes stéréotypés de la Commedia dell’Arte, saisie par l’angoisse et acceptant, comme Carmen, sans se soumettre, le défi et la mort par le mari trompé.

Lui, Pagliaccio, c’est encore Jean-Pierre Furlan et l’on redoute que la luminosité lyrique qu’il émettait dans Turiddu, n’émiette la tessiture plus centrale de Canio, le médium plus sombre. Mais ce grand artiste, sans forcer son volume ni se couleur, réussit, sans tricher, à garder à sa voix l’homogénéité du grave à l’aigu et bouleverse dans son grand air.

Luciano Acocella passe avec la même aisance de l’ombre de Cavalleria aux lumières pimpantes, ironiques, parodiques de Pagliacci pour ensuite plonger la fosse et la salle dans la sombre noirceur du drame passionnel. Une réussite.

CAVALLERIA RUSTICANA

Livret de Giovanni Targioni-Tozzetti et Guido Menasci

Musique de Pietro Mascagni

PAGLIACCI

Livret et musique de Ruggero Leoncavallo

Avignon. Opéra, le 20 mai  2014. Orchestre Régional Avignon-Provence Chœur et Maîtrise de l’Opéra Grand Avignon

Direction musicale : Luciano Acocella

Direction des chœurs : Aurore Marchand

Mise en scène : Jean-Claude Auvray. Décors : Bernard Arnould. Costumes : Rosalie Varda. Lumières : Laurent Castaingt.

CAVALLERIA RUSTICANA

Santuzza : Nino Surguladze ;  Lola : Virginie Verrez ;  Mamma Lucia : Svetlana Lifar ; Turridu : Jean-Pierre Furlan ;  Alfio : Seng Youn Ko ; 

PAGLIACCI

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Nedda : Brigitta Kele ; Canio : Jean-Pierre Furlan ;  Tonio : Seng Youn Ko ; Silvio : Armando Noguera ;  Beppe : Leonardo Cortelazzi ; Spectateurs : Jean-François Baron, Patrice Laulan.

I Cavalleria

1. Le poids de l’Église ;

2. Le poids de l’amour ;

3. Le poids de la jalousie ;

4. Le poids de la délation ;

5. Le poids de la société aux aguets.

 II I Pagliacci

1. Le spectacle est aussi dans la rue : la parade ;

2. La mariage institution sacrée et consacrée ;

3. Les amants adultères (Noguera, Kele) ;

4.La Commedia vire au drame.

Illustration : ACM-STUDIO DELESTRADE

Compte rendu, opéra. Toulouse.Théâtre de Capitole, le 14 mars 2014. Pietro Mascagni (1863-1945): Cavalleria Rusticana; Ruggero Leoncavallo (1858-1919): Paillasse. Nouvelle production du Capitole. Yannis Kokkos: mise en scène. Tugan Sokhiev, direction

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Si l’association de Cavalleria et Paillasse ne brille certes pas par l’originalité, il faut reconnaitre que l’efficacité du dispositif toulousain est totale. Impossible de résister à Toulouse à cette version magnifique des deux opéras en un acte. Il est certain que le concision et la concentration obtenue par cette contrainte ont mobilisé le meilleur génie de chacun des compositeurs dont aucun des autres opéras n’a obtenu le succès de ce duo étrange. Et lorsque tous les moyens sont utilisés le résultat est là. Cavalleria Rusticana ouvre la soirée avec, dès les premières mesures de son magnifique prélude, la certitude de vivre un grand moment de musique. L’orchestre a des sonorités d’une plénitude symphonique inhabituelle au fond d’une fosse. Les cordes en particulier sont brillantes autant qu’émouvantes dans les longues phrases de Mascagni.

 
 

Mascagni : Bravo, bravissimo ! …

 

Tugan Sokhiev est un orfèvre qui tout au long de la soirée a à coeur de rendre le drame autant que la beauté plastique des partitions. C’est dans Cavalleria que sa direction précise et souple fait merveille offrant toutes les beautés de la partition, ciselées et irrésistibles jusque dans la manière d’assumer une forme de grandiloquence. Portés par une telle beauté, les artistes chantent avec une grande élégance et une tenue inhabituelle dans ce répertoire. Le Turrido de Nikolai Shukoff est époustouflant de présence et l’acteur sait rendre le tourment qui habite ce rôle plus complexe qu’il n’y parait. Vocalement le ténor a des moyens considérables (ceux d’un véritable heldenténor) qu’il adapte parfaitement à l’opéra italien. Face à lui la Santuzza d’Elena Bocharova a un jeu plus conventionnel mais surtout un engagement vocal si considérable qu’elle évoque un peu la projection droite et volcanique dont était capable Fiorenza Cossoto. Leur duo est marqué par une théâtralité associant un jeu très physique et un engagement vocal sans limites. Aucun des deux chanteurs, ne ménageant pourtant jamais sa voix, n’est pris en défaut. La Mamma Lucia d’ Elena Zilio est à la fois présente vocalement dans les ensembles, ce qui face aux héros aux voix de stentor n’est pas rien, et très émouvante dans ces très courtes interventions face à Santuzza et Turridu. André Heyboer en Alfio est capable de rendre perceptible toute l’humanité de son personnage un peu sacrifié. Vocalement il sait tenir face à toute les exigences du rôle avec une voix pleine et sûre. La Lola de Sarah Jouffroy est aguicheuse à souhait.
L’orchestre durant tout l’opéra a une place très importante offrant un miroir à l’âme si tourmentée de Santuzza. La beauté sonore est totalement captivante ainsi que le drame dont Tugan Sokhiev met en valeur chaque instant. L’Intermezzo restera longtemps dans les mémoires. La production de Yannis Kokkos qui assure mise en scène, décors et costumes, est très cohérente respectant les didascalies. La Sicile archaïque et religieuse est présente avec une église très écrasante et des escaliers habiles pour les mouvements de foule. Un travail très respectueux qui mobilise le drame a chaque moment.

Les mêmes éléments de décors sont utilisés pour Paillasse, la place de l’église servant de scène pour les saltimbanques. Là c’est l’engagement dramatique et théâtral de Tugan Sokhiev qui porte la partition à l’incandescence du drame le plus implacable. La folie meurtrière qui s’empare de Canio, obligé de jouer son tourment privé sur scène arrache des larmes dans son implacabilité. Le ténor géorgien Badri Maisuradze, habitué du Bolchoï, a tout à la fois une voix puissante et parfaitement maitrisée et un engagement scénique quasi viscéral qui convient parfaitement à ce personnage si malheureux, incapable de résister à sa violence. La performance vocale est à la hauteur de son jeux. La Nedda de Tamar Iveri est un papillon pris au filet qui n’arrivera pas à s’ échapper malgré son courage et sa détermination. La composition de la cantatrice, habituée aux rôles nobles et tristes, la rend méconnaissable de légèreté. Son art vocal lui permet avec délicatesse de vocaliser comme d’exprimer puissamment ses sentiments et sa révolte. En Tonio, Sergey Murzaev est très troublant capable de la plus grande vilénie comme d’un émotion noble dans le prologue.
C’est vraiment le théâtre qui domine Paillasse dans cette interprétation qui avance inexorablement vers le drame final. Avec cette éternelle question du jeu social si difficile à tenir dans les moments de tourments personnels, le théâtre dans le théâtre pirandellien dans Paillasse fait toujours son effet fulgurant. Les très belles lumières nocturnes de Patrice Trottier s’ajoutent à la cohérence du travail de Yannis Kokkos. Les choeurs dont la maîtrise sont très efficaces dans leurs courtes interventions et d’une belle présence scénique.

 

Drame et passions se sont développés avec puissance pour un public pris par les beautés de ces partitions envoûtantes. Chacune a retrouvé une noblesse irrésistible sous la baguette de Tugan Sokhiev dans une production belle et respectueuses des éléments consubstantiels aux mélodrames. Un grand succès pour cette production capitoline !

Toulouse.Théâtre de Capitole, le 14 mars 2014. Pietro Mascagni (1863-1945): Cavalleria Rusticana; Ruggero Leoncavallo (1858-1919): Paillasse. Nouvelle production du Capitole. Yannis Kokkos: Mise en scène, décors et costumes; Patrice Trottier : Lumières; Anne Blancard : Dramaturgie. Avec : Elena Bocharova, Santuzza; Sarah Jouffroy, Lola; Nikolai Schukoff, Turiddu ; André Heyboer, Alfio; Elena Zilio, Mamma Lucia; Badri Maisuradze, Canio ; Tamar Iveri, Nedda; Sergey Murzaev, Tonio; Mikeldi Atxalandabaso, Beppe ; Mario Cassi, Silvio. Chœur et Maîtrise du Capitole, Alfonso Caiani direction; Orchestre national du Capitole. Tugan Sokhiev, Direction musicale.

 

Illustration : © P. Nin 2014

 
 

Compte-rendu : Herblay. Théâtre Roger Barat, le 28 mai 2013. Mascagni : Zanetto ; Weber : Abu Hassan. Mariam Sarkissian, Maria Virginia Savastano… Iñaki Encina Oyón, direction musicale. Bérénice Collet, mise en scène

Poster ZANETTO ABU HASSANPour son ouvrage lyrique annuel, le Théâtre Roger Barat d’Herblay a vu double : le rarissime Zanetto de Mascagni mis en parallèle avec Abu Hassan, œuvre de jeunesse de Weber.
Composé en 1896, soit six ans après Cavalleria Rusticana, Zanetto se révèle comme un petit bijou d’intimité et de tendresse, au lyrisme mélancolique et bouleversant. Deux personnages seulement font vivre cette allégorie de l’amour rêvé et perdu : Zanetto, jeune musicien des rues, croise la route de la belle et riche Silvia, déçue par l’amour. Le jeune homme s’enflamme pour la grande dame, mais elle préfère le pousser à garder sa liberté plutôt que s’attacher à elle. Et c’est après le départ du garçon, devant les larmes qui coulent de ses yeux, qu’elle comprend qu’elle a aimé enfin, pour la première fois.

 

 

Deux raretés à Herblay

 

Bérénice Collet a choisi de déplacer l’ouvrage dans le milieu de l’opéra : devant une superbe photographie du Foyer de la danse du Palais Garnier, Silvia devient une cantatrice adulée, et pourtant bien seule, et Zanetto un jeune machiniste de passage. La transposition fonctionne admirablement, magnifiée par une direction d’acteur pudique et mesurée, toute en intériorité et en délicatesse. La mezzo Mariam Sarkissian et la soprano Maria Virginia Savastano vivent chacune leur personnage avec une vérité poignante, et leurs voix se marient admirablement, unissant la finesse ambrée et veloutée de la première à l’éclat rayonnant de la seconde, toutes deux chantant superbement, déployant les lignes mélodiques dans toute leur ampleur.
Reconnaissons qu’après pareille découverte et autant d’émotions contenues dans quarante minutes de musique, il était difficile de faire mieux, sinon aussi bien.
Et ce n’est pas faire injure à Weber que d’admettre que son Abu Hassan, composé dix ans avant Der Freischütz, en 1811, reste un singspiel à la structure convenue, et dont la musique se situe loin des chef-d’œuvres postérieurs.
L’intrigue nous narre les déboires d’Abu Hassan et sa femme Fatime, criblés de dettes, qui décident de jouer les morts pour obtenir de l’argent de la part du Calife et de sa femme, tout en bernant l’infâme Omar, créancier à leurs trousses.
Bérénice Collet, jouant sur l’actualité, fait coïncider l’histoire avec la crise américaine, et l’endettement des ménages. Pour parfaitement réalisée qu’elle soit, cette scénographie ne peut donner à cette pièce l’intérêt qu’elle n’a pas.
Plaisante pour l’œil, bourrée de clins d’oeil – le Calife devenant un sosie de l’actuel président américain – permet aux chanteurs de se dépenser sur scène et d’exister dans les dialogues. Vocalement, chacun tient parfaitement sa partie, de l’Abu convainquant de Victor Dahhani, au médium solide mais au potentiel audiblement plus aigu, à la Fatime charmante et pétillante de Claudia Galli, en passant par l’Omar gouailleur et aux graves généreux de Nika Guliashvili.
L’Orchestre-Atelier OstinaO réserve une belle surprise, faisant admirer des pupitres bien équilibrés et une homogénéité qu’on ne leur a pas toujours connue, notamment dans Zanetto, musicalement plus intéressant pour eux, tous guidés semble-t-il par des musiciens d’un excellent niveau – un solo de violoncelle à la sonorité admirablement ronde et charnue en donne la preuve –.
A leur tête, le chef Encina Oyón effectue un bon travail, plus à l’aise cependant dans les épanchements de Zanetto que dans la légèreté morcelée d’Abu Hassan.
Saluons l’audace du Théâtre d’Herblay, et remercions toute l’équipe d’avoir permis la redécouverte d’un Mascagni rare, qu’on n’oubliera pas de sitôt.

Herblay. Théâtre Roger Barat, 28 mai 2013. Pietro Mascagni : Zanetto. Livret de Giovanni Targioni-Tozzeti et Guido Menasci. Carl Maria von Weber : Abu Hassan. Livret de Franz Hiemer. Avec Zanetto : Mariam Sarkissian ; Silvia : Maria Virginia Savastano ; Abu Hassan : Victor Dahhani ; Fatima : Claudia Galli ; Omar : Nika Guliashvili ; Zobeide : Djelle Saminnadin ; Narrateur : Vincent Byrd Le Sage. Orchestre-atelier OsinatO. Iñaki Encina Oyón, direction musicale ; Mise en scène : Bérénice Collet. Scénographie et costumes : Christophe Ouvrard ; Chef de chant : Ernestine Bluteau.