FRANCK-EMMANUEL COMTE / Le Concert de l’Hostel Dieu. ENTRETIEN 1/3

concert-hostel-dieu-franck-emmaneul-comte-saison-2018-2019-concerts-presentation-evenemnt-par-classiquenews-photo-copyright-jean-combier-emmnauel-comte-portraitLE BAROQUE RÉINVENTÉ… ENTRETIEN avec Franck-Emmanuel COMTE, fondateur et directeur musical du CONCERT DE L’HOSTEL-DIEU. A l’origine de l’activité de l’ensemble sur instruments d’époque, il y a ce goût pour l’exploration du patrimoine inédit, méconnu, oublié… celui des partitions que conserve la BML Bibliothèque Municipale de Lyon. Aux côté du travail de recherche, Franck-Emmanuel COMTE interroge les partitions pour les rendre vivantes, pour les incarner ; pour inventer de nouvelles formes de concerts et toucher un plus vaste public… Une application de cette démarche qui concilie musicologie et geste interprétatif ? Le prochain concert de l’ensemble dès le 16 novembre 2018 à LYON (avec conférence préalable), autour du STABAT MATER de Pergolesi, mais dans le goût des Lyonnais du XVIIIè… (lire ci après). Le directeur musical du CHD / Concert de l’Hostel-Dieu pimente et personnalise le Baroque du début du XVIIIè en le réinscrivant dans le contexte napolitain, non sans pertinence.

 

 

Défricheur et critique, Franck-Emmanuel COMTE propose de réinventer la forme du concert : le CONCERT DE L’HOSTEL-DIEU est un laboratoire, et aussi une veille pour réinventer et régénérer l’expérience du concert voire la conception même des spectacles… Et dans cette volonté dynamique, s’inscrit aussi une nouvelle définition du geste musical pour l’interprète, inspiré différemment dans un autre rapport au son, à la partition, à l’improvisation. N’est-il pas vrai que le Baroque comme le Jazz, se prête-idéalement à cette vision libérée et mouvante de la réalisation musicale ? Le Baroque devient le cœur d’une constellation de disciplines dont chacune questionne l’autre. Ainsi pour une poétique inédite et un rythme musical différent, le spectacle FOLIA conçu en complicité avec le chorégraphe Mourad Merzouki … Jamais la musique baroque ainsi réinvestie n’a semblé plus vivante et connectée avec notre époque.

 

 

 

Tour d’horizon de l’actualité du CONCERT DE L’HOSTEL-DIEU en phase avec ces points de réflexion qui empruntent de nouveaux chemins de traverse.

PREMIER VOLET D’UNE SERIE D’ENTRETIENS
avec FRANCK-EMMANUEL COMTE. 

 

 

 
 
 

 

 

 

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Des sources inertes au geste libre…

TRAVAIL SUR LES SOURCES…

 

 

 

CLASSIQUENEWS : Comment prĂ©senter et dĂ©finir (but, enjeux, …) votre travail de recherche et d’exploration d’inĂ©dits Ă  partir du fonds des archives du patrimoine rhĂ´ne-alpin conservĂ© Ă  la Bibliothèque municipale de Lyon / BML ?

pergolesi-pergolese-portrait-classiquenews-pergolese1FRANCK-EMMANUEL COMTE : Le travail de valorisation des fonds de la BML constitue le socle de notre activité, et aussi l’origine même de la création de l’ensemble. Les manuscrits conservés dans les Fonds anciens de la bibliothèque reflètent une spécificité lyonnaise : un goût des lyonnais, au siècle des Lumières, tourné presque exclusivement vers l’Italie. Il semble que les échanges entre les villes de Lyon et de Rome étaient nombreux, sans doutes par l’entremise des marchands, des banquiers mais aussi des Jésuites. Aussi, nombre de partitions de Scarlatti, Corelli, Carissimi,…. figurent au catalogue de la BML. Ils constituent une source d’inspiration et d’idées de programme assez riche…. Ainsi notre prochain projet  : une version inédite du Stabat Mater de Pergolèse, arrangé à 5 voix aux alentours des années 1740 par un musicien lyonnais.

 

 

 

Nouveau programmepergolesi-pergolese-portrait-classiquenews-pergolese1
UN AUTRE STABAT MATER de Pergolesi
16,18,20 nov 2018
En Lire +, Présentation de ce concert

VOIR LA VIDEO du programme « Un AUTRE STABAT MATER »
https://www.youtube.com/watch?v=gfDB2neKHZs

Secrets lyonnais – Le Concert de l’Hostel Dieu et la manuscrits de la Bibliothèque de Lyon

PROCHAINES DATES / STABAT MATER DE PERGOLESE 16 novembre 2018 : ConfĂ©rence musicale Ă  la Bibliothèque municipale de Lyon (69) 18 novembre 2018 : Chapelle de …

CONCERT DE L'HOSTEL DIEU : saison 2018 - 2019

 

 

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RÉINVENTER LE BAROQUE AUJOURD’HUI

ses formes, sa durée, dans quels lieux, pour quels publics ?

 

 

CLASSIQUENEWS : En définitive, votre activité au sein du CONCERT DE L’HOSTEL DIEU développe une interrogation permanente et critique sur le baroque aujourd’hui ?

concert-hostel-dieu-franck-emmaneul-comte-saison-2018-2019-concerts-presentation-evenemnt-par-classiquenews-photo-copyright-jean-combier-emmnauel-comte-portraitFRANCK-EMMANUEL COMTE : Oui, il est clair que pour moi le seul travail musicologique de restitution et d’interprétation ne suffit plus à motiver mon travail.
Je puise dans le répertoire baroque et dans l’instrumentarium qui lui est lié, des occasions pour partager plus largement mes ressentis sur cet univers.  L’interdisciplinarité et les passerelles que nous imaginons vers d’autres cultures musicales nous permettent de questionner notre rapport au son, à la partition, à l’improvisation. Autant de pistes susceptibles de faire évoluer notre créativité, laquelle a toujours été une notion beaucoup plus essentielle pour moi que la technicité.
Cette approche du répertoire ancien nous conduit également à réexaminer notre rapport au public, lequel reste au coeur de mes préoccupations.
Je sais que cette notion ne fait pas forcĂ©ment loi en France, et particulièrement dans les “esthĂ©tiques de spĂ©cialistes » comme celle de la musique ancienne, mais j’assume cette approche ; sans public, il n’y aurait pas de spectacles, et le spectacle, c’est notre vie, notre essence mĂŞme.

folia-mourad-merzouki-franck-emmanuel-comte-danse-spectacle-critique-par-classiquenews-juin2018Folia, le spectacle chorégraphique co-crée avec Mourad Merzouki en juin dernier, en est un des exemples les plus nets : une vrai poésie naît de la rencontre de l’univers hip hop de Mourad avec les sonorités et l’énergie qui émane de mon ensemble CONCERT DE L’HOSTEL-DIEU / CHD ; le bonheur qu’ont les musiciens et les danseurs à vivre cette expérience sur scène et en coulisse est palpable tout au long du spectacle. Le public le sens et adhère. Un public, métissé et ouvert, comme le plateau artistique…

 

 

 

VOIR le spectacle FOLIA avec Mourad Merzouki
https://www.youtube.com/watch?v=FjhEW_tFm_A

Mourad Merzouki “Folia” @ Nuits de Fourvière, Lyon – ARTE Concert – YouTube
www.youtube.com
En 1998, Mourad Merzouki tĂ©lescope le monde du hip-hop et celui de la musique classique avec “RĂ©cital”, un spectacle qui a fait date dans l’Histoire des dans…

 

LIRE aussi notre compte rendu du spectacle FOLIA par Le Concert de l’Hostile-Dieu / Franck Emmanuel COMTE / Juin 2018, Fourvière, LYON.
 

 

 

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A VENIR… ENTRETIEN avec FRANC-EMMANUEL COMTE 2 : le cas de Haendel dans l’exploration et l’activité du Concert de l’Hostel-Dieu ; à la croisée des disciplines et des imaginaires artistiques, entre poésie, slam et baroque… focus sur le spectacle et le cd intitulé «  MARCO POLO, carnet de mirages », réalisé avec le concours du slameur Cocteau Mot Lotov…
LIRE déjà notre présentation du cd MARCO POLO par Le Concert de l’Hostel-Dieu et Franck-Emmanuel COMTE… (décembre 2017)

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LIRE aussi notre prĂ©sentation de la saison du CONCERT DE L’HOSTEL DIEU, saison 2018 – 2019

PLUS D’INFOS sur le site du CONCERT DE L’HOSTEL DIEU, saison 2018 – 2019
http://www.concert-hosteldieu.com

ACTUALITE
A venir, les 2 Prochains cd du CHD / Concert de l’Hostel-Dieu

 

 

Toutes les infos et les modalités de réservation, toute l’actualité du CHD (Concert de l’Hostel Dieu), sur le site du CONCERT DE L’HOSTEL DIEU / Franck Emmanuel Comte / saison 2018 — 2019

 

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Lyon : L’Enfant et les Sortilèges de Ravel et Colette


ravel-maurice-enfant-sortileges-opera-582-390-homepageLYON, Opéra. Ravel : L’Enfant et les sortilèges : 1er-5 novembre 2016.
Lyon affiche l’un des sommets lyriques du XXè siècle français : ciselĂ©, miniaturiste … fruit de la collaboration enchantĂ©e entre Colette qui signe le livret et Maurice Ravel. Pour se faire, les jeunes chanteurs du Studio de l’OpĂ©ra de Lyon s’impliquent et prĂ©sentent leur travail vocal et dramatique dans une nouvelle production. Dans une grande maison normande, un enfant paresseux est sommĂ© par sa mère de rester dans sa chambre jusqu’au dĂ®ner. RestĂ© seul, submergĂ© par la colère, il s’attaque alors aux objets et animaux qui l’entourent, arrachant les pages de son livre, brisant sa tasse chinoise, martyrisant l’Ă©cureuil capturĂ© la veille. Mais alors qu’il s’effondre sans forces dans un fauteuil, les objets soudain s’animent, bien dĂ©cidĂ©s Ă  se venger de l’enfant qui les fait souffrir…

Une féérie lyrique
Dans un univers domestique familier, le merveilleux jaillit brusquement des objets les plus anodins, soudain muĂ©s en personnages truculents : la ThĂ©ière, qui s’adresse Ă  l’Enfant dans un dĂ©licieux franglais, l’ArithmĂ©tique rĂ©citant des calculs totalement erronĂ©s, la Rainette bĂ©gayant joyeusement… Ravel s’amuse des idĂ©es fantasques de Colette en multipliant les rĂ©fĂ©rences : du jazz au baroque, de la polka Ă  la valse en passant par un duo miaulĂ©, sa partition entremĂŞle les genres musicaux. Dans la production lyonnaise, l’imagerie projetĂ©e double l’action des acteurs chanteurs soulignant les Ă©pisodes (nombreux) de pure poĂ©sie. L’enchantement Ă©tend son empire fantastique irrĂ©el Ă  mesure que la musique de Ravel brosse le portrait de chacun des acteurs d’un monde enchantĂ© jusque lĂ  inaccessible, invisible. C’est un dĂ©voilement spectaculaire qui passe par la magie de la musique.


L’Enfant et les Sortilèges à l’Opéra de Lyon

4 représentations
Les 1er, 2, 4 et 5 novembre 2016

Direction musicale : Kazushi Ono et Philippe Forget
Mise en espace : James Bonas
Solistes du Studio de l’Opéra de Lyon
Choeur et orchestre de l’Opéra de Lyon

Fantaisie lyrique en 2 parties, 1925
Livret de Colette
En français
Nouvelle production

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RAVEL ET L’OPERA… LABYRINTHE D’UNE PENSEE EXIGEANTE. A la différence du piano qui n’inspire plus le compositeur à partir de 1920, la voix et son prolongement dramatique, occupent sa vie durant, l’auteur de l’Enfant et les sortilèges. C’est une passion continue, déclarée, qui par perfectionnisme, ne trouvant pas tout de suite, une forme nouvelle capable de renouveler un genre qui n’a guère changé, et même qui n’a pas “évolué d’un pouce”, ne se concrétise que sur le tard, à l’époque de la pleine maturité. Certes il y eut les cycles courts, exercices plutôt qu’aboutissements, tous expressions d’une passion à demi assouvie: Shéhérazade dès 1898, puis, entre autres, ses trois cantates pour le Prix de Rome: Myrrha (1901), d’après le Sardanapale de Byron, Alcyone (1902) d’après Ovide, Alyssa (1903), soit trois essais lyriques qui n’eurent coup sur coup, aucun effet sur le jury du Prix. Avec le scandale que l’on sait, précipitant même le destin du Concours, taxé de ringardisme injuste et dangereux.

Une Heure exquise : De L’heure espagnole à L’enfant cruel et puni…
Ravel pense surtout à fusionner action et musique, dans le sens d’une parfaite fluidité, et d’un accomplissement immédiat. Pas de contraintes, aucune pression du cadre, quel qu’il soit. Le compositeur fut-il comme on l’a dit, convaincu par le cinéma, au point d’y reconnaître un moment “la forme” tant recherchée? Peut-être.
Quoiqu’il en soit, les premières mentions autographes de L’heure espagnole, indiquent cet esprit allant de la partition, portée par une action non contrainte, “légère et bon enfant”. Pauvre Ravel: quand il propose son oeuvre à l’Opéra-Comique, les censeurs crient tout d’abord, à la vulgarité devant un sujet où il est question d’amant caché dans une horloge et que l’on transporte jusqu’à la chambre de l’épouse. Mais la première a lieu le 19 mai 1911.

Ravel s’est longuement expliqué. Après le scandale des Histoires naturelles dont la prosodie prépare directement celle de L’heure espagnole, et le quiproquo sur ses réelles intentions, le compositeur a précisé l’objet de sa première oeuvre théâtrale. C’est une relecture du buffa italien, dans le style d’une conversation, où le chant est proche d’un parlando expressif, souvent ironique voire sarcastique: d’une finesse inaccessible et redoutablement pertinente, le compositeur aime souligner le “mélange de conversation familière et de lyrisme ridicule”. Ravel parle d’une fantaisie burlesque qui prolonge l’expérience du Mariage de Moussorsgki, un compositeur dont il se sent proche. Les lignes vocales ondulent, se cabrent avec élégance, favorisant les portamentos; l’articulation s’autorisent des contractions de syllabes, des précipités déclamatoires expressifs. Ici, l’épouse, Conception, aussi séduisante qu’infidèle,  mariée à Torquemada, l’horloger de Tolède, éreintée par les beaux parleurs Inigo et Gonzalve, qui ne concrétisent jamais, minaude et se fixe sur le muletier à l’allure chaloupée, Ramiro, un costaud pudique à son goût.
L’humour ravélien, délicat et subtil qui jubile à jouer des registres et des degrés du comique, enchante Koechlin et Fauré mais exaspère Lalo que le style pincé et raide de Ravel, agace comme d’ailleurs bon nombre de critiques décontenancés: il parle d’un style qui serait un nouveau Pelléas, “étroit, menu, étriqué”. D’ailleurs, l’inimitié de Lalo à l’endroit du musicien fixe une idée souvent reprise après lui, sensibilité de Debussy, insensibilité de Ravel.  Quant aux vers de Franc-Nohain, ils sont tout autant critiqués, assassinés pour leur “platitude”. Et même les amateurs conscients des dons de Ravel, sont aussi fatigués de les voir gâchés dans un amusement de placard, quand, selon les mots de Vuillermoz, le musicien est “un magicien créé pour se mouvoir dans le rêve et la féerie”. Jugement juste mais sévère. Pour Ravel, L’heure espagnole constitue un point d’aboutissement auquel il n’avait cessé de réfléchir.

L’ENFANT ET LES SORTILEGES, 1925. Un enfant pas sage sur le chemin de la compassion…

Maurice_Ravel_1925Avec L’Enfant et les sortilèges, l’écriture de Ravel évolue; du moins change-t-elle de registre. Après la fine ironie, la mordante satire, à peine appuyée, le compositeur empreinte un chemin où on l’attendait davantage, celui de l’onirisme et de la féerie. Qui plus est, sous le sceau de l’enfance. Avant d’occuper le poste de directeur de l’Opéra de Paris, en juillet 1914,  Jacques Rouché avait demandé à Colette d’écrire le livret d’une féerie-ballet, tout en pressentant Ravel comme compositeur. Mais lorsque le compositeur reçoit le texte en 1916, il est soldat volontaire, peu enthousiasmé par cette intrigue anecdotique.  Deux années passent, pas de retour de flamme. Ravel semble indifférent. Entre temps, Colette a
adressé le livret à Stravinsky.
Or, brutalement en février 1919, Ravel se manifeste auprès de l’écrivain et lui demande s’il est toujours possible de composer la musique. Le travail peut commencer. Dès le début de son travail, Ravel songe à la figure de l’écureuil (absent dans le premier texte de Colette qui accepte de l’intégrer); le musicien de plus en plus inspiré par son sujet, affine l’épisode des chats et surtout le duo swingant de la tasse et de la théière (qui s’exprime en franglais).

Le Music-hall et l’esprit de la comédie américaine dépoussièrent le vieux genre opéra. Colette enthousiaste, encourage le musicien qui orfèvre sa partition jusqu’au printemps 1920. Puis viennent des semaines et des mois de dépressive inactivité. Mais sous la pression du directeur de l’Opéra de Monte-Carlo, Raoul Gunsbourg qui souhaite faire créer l’ouvrage dans sa salle, Ravel doit poursuivre. Finalement, l’oeuvre tant attendue est créée le 21 mars 1925: pas moins de cinq ans pour achever une oeuvre qui dans son projet initial n’avait rien de stimulant. Au moment de sa création parisienne à l’Opéra-Comique, le 1er février 1926, le parterre resta de marbre. Arthur Honegger prit la défense de la partition. André Messager de son côté, fustigea ce que Lalo avait exécré de la même façon dans L’heure espagnole: son insensibilité. Et tous les critiques s’entendirent pour ne trouver aucune entente entre le texte de Colette et la musique de Ravel.
L’intérêt et la nouveauté de l’oeuvre viennent principalement du relief des voix. Pas moins de 31 rôles aux couleurs et aux intonations spécifiques, qui composent une brillante mosaïque de tonalités, en particulier animales (huit rôles d’animaux au total!). Mais la force de la partition ne réside pas uniquement dans sa capacité d’invention et de timbres. Le sujet suit une gradation émotionnelle extrêmement subtile là encore. Effets lyriques, action contrastée dans la première partie, puis, hymne à la compassion, à l’humanité quand l’enfant cruel et barbare, sadique et capricieux révèle enfin son essence innocente, pure, compatissante. En définitive, l’accord, texte/musique se dévoile dans cette ultime partie dont la tendresse et l’appel au pardon atteignent des sommets d’émotions tissés sur le mode miniaturiste et pointilliste.

 

 

Le Quatuor Zaide Ă  Lyon

LYON, salle Molière : Quatuor Zaïde. Le 23 mars 2016. Quatuor Zaïde, Natacha Kudristskaya : Mozart, Debussy, Franck. La Salle Molière était – une nouvelle fois, depuis deux ans – fermée pour travaux : la voici rouvrant au printemps 2016, où à l’invitation de la Société de Musique de Chambre, le jeune quatuor féminin Zaïde et la pianiste Natacha Kudritskaya célèbrent le très jeune Mozart, le jeune Debussy et le presque âgé Franck.

Salle Molière ou Franck
Zaide quatuor concert a lyon 201204111296Elle est chère au cĹ“ur des mĂ©lomanes et des musiciens lyonnais, elle a rĂ©putation hors frontières rĂ©gionales et mĂŞme nationales – ah l’idĂ©ale acoustique de chambre ! – , elle a son kitsch dĂ©coratif dĂ©but de siècle (enfin, le XXe, bien sĂ»r), son titre n’est pas en accord avec l’essentiel de ce qui s’y passe – Molière ? elle devrait plutĂ´t s’appeler Beethoven ou Franck-, et – ajouteront des grincheux sarcastiques – elle est pĂ©riodiquement en rĂ©fection. A chaque «époque de ravalement non des façades, mais de l’intĂ©rieur », il est promis que les dĂ©fauts rĂ©currents – entre autres, portes et sièges qui soupirent, grincent et claquent, un vrai lieu de rĂ©pertoire pour les dĂ©buts de l’enregistrement Ă©lectro-…acoustique- seront corrigĂ©s. On est impatient de dĂ©couvrir au printemps 2016 ce que deux ans de travaux et donc de fermeture auront heureusement amendĂ©, et si l’accès très difficile Ă  des personnes en situation de handicap aura Ă©tĂ© rendu moins problĂ©matique….

La bonne Société
Ancienneté oblige, sans doute : c’est la Société de Musique de Chambre, très honorable institution du bord de Saône, qui a l’honneur tout à fait légitime d’entrer dans la carrière du chantier terminé quand les aînés n’y seront plus…Voire, d’ailleurs : la S.M.C fut fondée, nous rappelle-t-on, en 1948, mais en illustrant les vertus – et pas qu’elles ? – d’une certaine (bonne) société lyonnaise, ne remonte-t-elle pas symboliquement bien plus avant dans le Temps ? Il nous souvient (ce qui ne rajeunit pas le signataire de ces lignes, étudiant mélomane du début des années 60), d’y avoir croisé un vieux monsieur à la boiterie très esthétique dont on disait qu’il avait joué en quatuor avec Jacques Thibaut…

Les fidèles désertent ?
Au XXIe, ces initiales S.M.C. convoquent un Temps quelque peu Perdu, et , pourquoi pas ?, par la vigueur des discussions entendues dans le Hall, les antagonismes idéologiques des Salons Saint-Euverte, Guermantes ou Verdurin. Bref les proustiens peuvent encore se délecter en ces lieux et personnages où se joue une mondanité qui se souvient de ses origines et de ses privilèges, même si la diminution progressive des « fidèles » (comme les appelait Madame Verdurin) a conduit voici peu à la fusion avec les Baroqueux de la Chapelle de la Trinité dans une Société des Grands Concerts. La S.M.C. se centrait assez jalousement sur le patrimoine classico-romantique, augmenté du « modernisme » debussyste et post-debussyste. Elle n’est pas, que l’on sache, devenue fort avant-gardiste. Peut-être de nouvelles générations plus soucieuses d’ avenir ou de simple présent la rallieront-elles ?

Sur la digue de Balbec
Le concert du 23 mars nous fait encore penser Ă  notre si cher Petit Marcel, par son programme et ses interprètes, toutes fĂ©minines. Ces quatre jeunes femmes, ne les imagine- t-on pas rĂ©centes Jeunes Filles en fleurs, du moins telles que les prĂ©sentent les « prière dâ€insĂ©rer » informatiques et les photos flatteuses-glamour des enregistrements , très dĂ©contractĂ©es et un rien insolentes? On rĂŞve Ă  ce que le Narrateur Ă©bloui dit de la petite bande sur la digue de Balbec : « cette absence des dĂ©marcations que j’établirais bientĂ´t entre elles, propageait Ă  travers leur groupe un flottement harmonieux, la translation continue d’une beautĂ© fluide, collective et mobile. » Charlotte Juillard, Leslie Boulin Raulet, Sarah Chenaf et Juliette Salmona composent aujourd’hui ce quatuor Ă  cordes prĂ©cĂ©dĂ© de la plus flatteuse rĂ©putation Ă©tablie sur des prix internationaux (Vienne, Bordeaux, Banff, Heerlen, PĂ©kin), multi-invitĂ© de festivals, partenaire des Français de la jeune gĂ©nĂ©ration. « ZaĂŻde » n’a pas limitĂ© son talent classique et romantique Ă  son intense admiration pour Haydn – leur prĂ©fĂ©rĂ© ? -, et depuis six ans va aussi chercher son bonheur et celui des auditeurs du cĂ´tĂ© de Xenakis, Rihm ou Harvey. (elles offriront peut-ĂŞtre cela Ă  un second concert de la Salle Molière, allez, courage les programmateurs !).

Un Quatuor nommé Zaïde
Et si elles se sont mises sous le patronage de Zaïde, c’est qu’un certain Mozart – une part de Wolfgang, si on préfère – aime à « musiquer » des personnages de jeunes héroïnes captives qui bravent la mort pour affirmer leur amour ; dans ce singspiel de 1779, préfiguration de l’Enlèvement, Zaïde esclave chrétienne prisonnière dans le sérail et qui aime un autre esclave de même confession, Gomatz, risque le pire en face du sultan Soliman ; mais un épisode terminal genre « croix de ma mère » (style mélodrame) convertira le sultan à la clémence, et ce souverain magnanime affirmera que « l’on trouve des âmes vertueuses non seulement en Europe mais aussi en Asie »…Même si Mozart n’a pas eu le temps de composer ce dénouement, l’intention d’éloge de la vertu énergique des femmes et de la tolérance dans l’esprit des Lumières est ici digne d’attention, et c’est probablement à un Mozart tout à la fois très engagé dans son époque, très jeune, et très amoureux que le Quatuor féminin entend rendre hommage en se nommant Zaîde….

D’une fin de siècle à l’autre
Une cinquième jeune femme rejoint « Zaïde » pour la 4e œuvre choisie : c’est la pianiste ukrainienne Natacha Kudritskaya, « enfant prodige » de l’interprétation qui a fait ses hautes études à Paris (CNSM, A.Planès, J.Rouvier), a été conseillée par C.Eschenbach, L.Fleisher, E.Leonskaja, J.C.Pennetier, a remporté de multiples prix internationaux, et joue en festivals et concerts de prestige. Zaïde commence avec un des six Quatuors du « cycle Milanais » (K.157) que le quasi-adolescent Mozart écrivit lors de son second voyage italien (1772-73), et qui mélange le rayonnement « solaire-méridional » et des accès d’ombre et même de pathétique. Puis on passe à une fin de siècle (XXe, bien sûr) que « bémolise » d’abord (selon l’expression proustienne) un « Clair de lune » debussyste, extrait de la Suite Bergamasque (1890), doucement achevé, transition verlainienne du côté de la poésie « moderne ».

Le silence original
Le Quatuor (unique dans l’écriture debussyste, comme d’ailleurs ceux de Franck, Fauré et Ravel) date de 1892, et dans sa perfection se fait « adieu à la jeunesse », tout comme le Prélude à l’après-midi d’un faune, esquissé en même temps, ouvre sur les créations de la maturité. « Debussy amalgame ici des éléments aussi différents que les modes grégoriens,la musique tzigane, le gamelan javanais,les styles de Massenet et Franck(construction cyclique), sans compter celui des Russes contemporains » (S.Gut et D.Pistone, cités par F.R.Tranchefort). Dans un sentiment de délices tonales, on y entend aussi,comme l’exprime Vladimir Jankelevitch, « la mystérieuse circulation mélodique qui le parcourt…, les bruits qui s’éloignent, qui vont de la présence à l’absence avant de s’éteindre définitivement au fond du silence original »…

Vinteuil, Sonate et Septuor
Le Quintette de CĂ©sar Franck, peut-ĂŞtre la pièce qui marque Ă  la fin du XIXe le grand retour de la France dans la musique de chambre, couronne le concert. Il fut composĂ© en 1879 par un musicien qui avait presque attendu la soixantaine pour se risquer en un « chambrisme » audacieux. Sa densitĂ©, sa construction qu’armature le principe cyclique – une sorte d’éternel retour, selon une conception circulaire du Temps -, ses liens (probables avec la passion vĂ©cue, selon les biographes qui ont parfois tendance Ă  suggĂ©rer : « cherchez la femme », y compris chez celui qui en Ă©difiant « Pater Seraphicus » aima aussi dĂ©crire « les jardins d’Eros » – dans PsychĂ©-, et fut amoureux de la belle compositrice Augusta Holmes -)),bref une partition fascinante qui n’a rien Ă  envier Ă  Schumann et Brahms…Le proustien que vous ĂŞtes, cher lecteur de classique news, ou que vous ne tarderez pas Ă  devenir (Ă  force qu’on vous incite), y entendra les Ă©chos des deux Vinteuil rĂ©vĂ©lĂ©s Ă  Swann et au Narrateur : la Sonate « tendre, champĂŞtre et candide »(avec sa petite phrase), le « rougeoyant » Septuor, porte ouverte sur la novation la plus mystĂ©rieuse. En rĂ©alitĂ©, Proust dĂ©daignait « l’accroche » dans le rĂ©el de sa petite phrase (« charmante mais enfin mĂ©diocre d’un musicien que je n’aime pas », Saint-SaĂ«ns) et lui substituait, essentiellement pour un prophĂ©tique Septuor Franck, FaurĂ©, Ravel et par-dessus tout Debussy, celui de La Mer…
Merci donc par avance aux Jeunes Femmes en fleurs qui vont célébrer dans le Temple (rénové) du Goût, le long de la Saône, les morganatiques noces de la littérature et de la musique d’hier et aujourd’hui.

LYON. Salle Molière, Lyon. Mercredi 23 mars 2016. Quatuor Zaïde, Natacha Kudritskaya. W.A. Mozart (1756-91), Quatuor K.157. César Franck (1822-1890), Quintette. Claude Debussy (1862-1918), Clair de lune, Quatuor. Information et réservation : T. 04 78 38 09 09 ; www.lesgrandsconcerts.com

Le Quatuor ZaĂŻde joue Debussy, Franck Ă  Lyon

LYON, salle Molière : Quatuor Zaïde. Le 23 mars 2016. Salle Molière, Lyon, 23 mars 2016. Quatuor Zaïde, Natacha Kudristskaya : Mozart, Debussy, Franck. La Salle Molière était – une nouvelle fois, depuis deux ans – fermée pour travaux : la voici rouvrant au printemps 2016, où à l’invitation de la Société de Musique de Chambre, le jeune quatuor féminin Zaïde et la pianiste Natacha Kudritskaya célèbrent le très jeune Mozart, le jeune Debussy et le presque âgé Franck.

Salle Molière ou Franck
Zaide quatuor concert a lyon 201204111296Elle est chère au cĹ“ur des mĂ©lomanes et des musiciens lyonnais, elle a rĂ©putation hors frontières rĂ©gionales et mĂŞme nationales – ah l’idĂ©ale acoustique de chambre ! – , elle a son kitsch dĂ©coratif dĂ©but de siècle (enfin, le XXe, bien sĂ»r), son titre n’est pas en accord avec l’essentiel de ce qui s’y passe – Molière ? elle devrait plutĂ´t  s’appeler Beethoven ou Franck-, et – ajouteront des grincheux sarcastiques – elle est pĂ©riodiquement en rĂ©fection. A  chaque «époque de ravalement non des façades, mais de l’intĂ©rieur », il est promis que les dĂ©fauts rĂ©currents – entre autres, portes et sièges qui soupirent, grincent et claquent, un vrai lieu de rĂ©pertoire pour les dĂ©buts de l’enregistrement Ă©lectro-…acoustique- seront corrigĂ©s. On est impatient  de dĂ©couvrir  au printemps 2016 ce que deux ans de travaux et donc de fermeture auront heureusement amendĂ©, et si l’accès très difficile Ă  des personnes en situation de handicap aura Ă©tĂ© rendu moins problĂ©matique….

La bonne Société
Ancienneté oblige, sans doute : c’est la Société de Musique de Chambre, très honorable  institution du bord de Saône, qui a l’honneur tout à fait légitime d’entrer dans la carrière du chantier terminé quand les aînés n’y seront plus…Voire, d’ailleurs : la S.M.C  fut fondée, nous rappelle-t-on,  en 1948, mais en illustrant les vertus – et pas qu’elles ? – d’une certaine (bonne) société lyonnaise, ne  remonte-t-elle pas  symboliquement bien plus avant dans le Temps ? Il nous souvient (ce qui ne rajeunit pas le signataire de ces lignes,  étudiant mélomane du début des années 60), d’y avoir croisé un vieux monsieur à la boiterie très esthétique dont on disait  qu’il avait joué en quatuor avec Jacques Thibaut…

Les fidèles désertent ?
Au XXIe, ces initiales S.M.C. convoquent un Temps quelque peu Perdu, et , pourquoi pas  ?, par la vigueur des discussions entendues dans le Hall, les antagonismes idéologiques  des Salons  Saint-Euverte, Guermantes ou Verdurin. Bref les proustiens peuvent encore  se délecter en ces lieux et personnages où se joue une mondanité qui se souvient de ses origines et de ses privilèges, même si la diminution progressive  des « fidèles » (comme les appelait Madame Verdurin) a conduit voici peu à la fusion avec les Baroqueux de la Chapelle de la Trinité dans une Société des Grands Concerts. La S.M.C. se centrait assez jalousement sur le patrimoine classico-romantique, augmenté du « modernisme » debussyste et post-debussyste. Elle n’est pas, que l’on sache, devenue fort  avant-gardiste. Peut-être  de nouvelles générations plus soucieuses d’ avenir ou de simple présent la rallieront-elles ?

Sur la digue de Balbec
Le concert du 23 mars nous fait encore penser Ă  notre si cher  Petit Marcel, par son programme et ses interprètes, toutes fĂ©minines. Ces quatre jeunes femmes, ne les imagine- t-on  pas  rĂ©centes Jeunes Filles en fleurs, du moins telles que les prĂ©sentent les « prière dâ€insĂ©rer » informatiques et les photos flatteuses-glamour des enregistrements , très dĂ©contractĂ©es et un rien insolentes? On rĂŞve Ă  ce que le Narrateur Ă©bloui dit de la petite bande sur la digue de Balbec : « cette absence des dĂ©marcations que j’établirais bientĂ´t entre elles, propageait Ă  travers leur  groupe un flottement harmonieux, la translation continue d’une beautĂ© fluide, collective et mobile. »  Charlotte Juillard, Leslie Boulin Raulet, Sarah Chenaf et Juliette Salmona composent aujourd’hui ce quatuor Ă  cordes prĂ©cĂ©dĂ© de la plus flatteuse rĂ©putation Ă©tablie sur des prix internationaux (Vienne, Bordeaux, Banff, Heerlen, PĂ©kin), multi-invitĂ© de festivals, partenaire des Français  de la jeune gĂ©nĂ©ration. « ZaĂŻde » n’a pas limitĂ© son talent classique et romantique Ă  son intense admiration pour Haydn  – leur prĂ©fĂ©ré ? -, et depuis six ans va aussi chercher son bonheur et celui des auditeurs du cĂ´tĂ© de Xenakis, Rihm ou Harvey. (elles offriront peut-ĂŞtre cela Ă  un second concert de la Salle Molière, allez, courage les programmateurs !).

Un Quatuor nommé Zaïde
Et si elles se sont mises sous le patronage de Zaïde, c’est qu’un certain Mozart – une part de Wolfgang, si on préfère – aime à « musiquer » des personnages de jeunes héroïnes captives qui bravent la mort pour affirmer leur amour ; dans ce singspiel de 1779, préfiguration de l’Enlèvement, Zaïde esclave chrétienne prisonnière dans le sérail et qui aime un autre esclave de même confession, Gomatz, risque le pire en face du sultan Soliman ; mais un épisode terminal genre « croix de ma mère » (style mélodrame) convertira le sultan à la clémence,  et ce souverain magnanime  affirmera que « l’on trouve des âmes vertueuses non seulement en Europe mais aussi en Asie »…Même si Mozart n’a pas eu le temps  de composer  ce dénouement, l’intention d’éloge de la vertu énergique des femmes et de la tolérance dans l’esprit des Lumières est  ici  digne d’attention, et c’est probablement  à un Mozart tout à la fois très engagé dans son époque, très  jeune, et très amoureux que le Quatuor féminin entend rendre hommage en se nommant Zaîde….

D’une fin de siècle à l’autre
Une cinquième jeune femme rejoint « Zaïde » pour la 4e œuvre choisie : c’est la pianiste ukrainienne Natacha Kudritskaya, « enfant prodige » de l’interprétation qui a fait ses hautes études à Paris (CNSM, A.Planès, J.Rouvier), a été conseillée par C.Eschenbach, L.Fleisher, E.Leonskaja, J.C.Pennetier, a remporté de multiples prix internationaux, et joue en festivals et concerts de prestige. Zaïde commence avec un des six Quatuors du « cycle Milanais » (K.157) que le quasi-adolescent Mozart écrivit lors de son second voyage italien (1772-73), et qui mélange le rayonnement « solaire-méridional » et  des accès d’ombre et même de pathétique. Puis on passe à une fin de siècle (XXe, bien sûr) que « bémolise » d’abord  (selon l’expression proustienne) un « Clair de lune » debussyste, extrait  de la Suite Bergamasque (1890), doucement achevé, transition verlainienne du côté de la poésie « moderne ».

Le silence original
Le Quatuor (unique dans l’écriture debussyste, comme d’ailleurs ceux de Franck, Fauré et  Ravel)  date de 1892, et dans sa perfection se fait « adieu à la jeunesse », tout comme le Prélude à l’après-midi d’un faune, esquissé en même temps, ouvre sur les créations de la maturité. « Debussy amalgame ici des éléments aussi différents que les modes grégoriens,la musique tzigane, le gamelan javanais,les styles de Massenet et Franck(construction cyclique), sans compter celui des Russes contemporains » (S.Gut et D.Pistone, cités par F.R.Tranchefort). Dans un sentiment de délices tonales, on y entend aussi,comme l’exprime Vladimir Jankelevitch, « la mystérieuse circulation mélodique qui le parcourt…, les bruits qui s’éloignent, qui vont de la présence à l’absence avant de s’éteindre définitivement au fond du silence original »…

Vinteuil, Sonate et Septuor
Le Quintette de CĂ©sar Franck, peut-ĂŞtre la pièce qui marque Ă  la fin du XIXe le grand retour  de la France dans la musique de chambre, couronne le concert. Il fut composĂ© en 1879 par un musicien qui avait presque attendu la soixantaine pour se risquer en un « chambrisme » audacieux. Sa densitĂ©, sa construction qu’armature le principe cyclique – une  sorte d’éternel  retour, selon une conception circulaire du  Temps -, ses liens (probables avec la passion vĂ©cue, selon les biographes qui ont parfois tendance Ă  suggĂ©rer  : «  cherchez la femme », y compris chez celui qui en Ă©difiant « Pater Seraphicus » aima aussi  dĂ©crire « les jardins d’Eros » – dans PsychĂ©-, et fut  amoureux de  la belle compositrice Augusta Holmes -)),bref  une partition fascinante qui n’a rien Ă  envier Ă  Schumann et Brahms…Le proustien que vous ĂŞtes, cher lecteur de classique news, ou que vous ne tarderez pas Ă  devenir (Ă  force qu’on vous incite),  y entendra les Ă©chos des deux Vinteuil  rĂ©vĂ©lĂ©s Ă  Swann et au Narrateur : la Sonate « tendre, champĂŞtre et candide »(avec  sa petite phrase), le « rougeoyant » Septuor, porte ouverte sur la novation  la plus mystĂ©rieuse. En rĂ©alitĂ©, Proust dĂ©daignait « l’accroche » dans le rĂ©el de sa petite phrase (« charmante mais enfin mĂ©diocre d’un musicien que je n’aime pas », Saint-SaĂ«ns) et lui substituait, essentiellement pour un prophĂ©tique Septuor  Franck, FaurĂ©, Ravel et par-dessus tout Debussy, celui de La Mer…
Merci  donc par avance aux Jeunes Femmes en fleurs qui vont célébrer dans le Temple (rénové) du Goût, le long de la Saône, les morganatiques noces de la littérature et de la musique d’hier et aujourd’hui.

LYON. Salle Molière, Lyon. Mercredi 23 mars 2016. Quatuor Zaïde, Natacha Kudritskaya. W.A. Mozart (1756-91), Quatuor K.157. César Franck (1822-1890), Quintette. Claude Debussy (1862-1918), Clair de lune, Quatuor. Information et réservation : T. 04 78 38 09 09 ; www.lesgrandsconcerts.com

Biennale Musiques en scène à Lyon

GRAME BIENNALE musiques en scene 2016 logoLYON. Biennale Musiques en scène : 1er-27 mars 2016. Divertissement 2.0, au coeur de la culture numérique. Biennale GRAME 2016. Agglomération lyonnais et autres lieux. Du 1er au 27 mars 2016. Biennale participative avec concerts, créations, improvisations, performances, jeux vidéos, massages sonores, expériences nouvelles accessibles à tous les curieux, jeunes et moins jeunes, 160 artistes, 250 danseurs amateurs, 15 manifestations publiques, une conférence : le thème divertissement/culture numérique du GRAME lyonnais rayonne, et provoque la curiosité, fût-elle critique….

Le farceur Ă  la trompinette et le penseur Ă  la calculette
« Se divertir » ? « Vous avez bien dit : se divertir ? Comme c’est divertissant ! » Surtout en l’an de grâce 2016, où l’on boirait volontiers pour oublier qu’on a honte de boire chaque matin d’infos notre ration de honte, de tristesse et de peur. En tout cas, c’est  ce que propose entre Rhône et Saône la biennale du GRAME  qui s’autoproclame aussi « réjouissante, stimulante, créatrice et extrêmement addictive ».  C’est vrai qu’il fut une époque où les musiques d’aujourd’hui ne donnaient pas volontiers dans « le plaisir », et où on avait envie de fredonner à l’entrée puis à la sortie l’irrévérent « on n’est pas là pour se faire engueuler » du farceur à la trompinette. Et qu’on avait plutôt sur le divertissement le regard pascalien : « la seule chose qui nous console de nos misères, et cependant la plus grande de nos misères… Même un roi sans divertissement est un homme plein de mlsères…Et c’est ce qui forme le bonheur des personnes de grande condition, qu’ils ont un  nombre de personnes qui les divertissent, et qu’ils ont le pouvoir de se maintenir en cet état. »

Big Brother and Data
Les éditorialistes et penseurs du GRAME ( James Giroudon, Directeur, Damien Pöusset, directeur artistique) nuancent évidemment cette présentation  de  leur  session 2017 pour un « homme diverti » ( même averti, il n’en vaut pas forcément deux, ndlr classique news) qui « vit sous le règne de la fragmentation et de l’urgence  dans un univers de plus en  plus virtuel, en prise avec les mutations actuelles de la société. » Oui, « faut-il entendre les sirènes de Big Brother et de Big Data ? » Ou simplement mieux les connaître pour faire un tri dans « cette société de spectacle qui ne cesse d’étendre l’empire des divertissements standardisés » ? Car « des smartphones aux tablettes en passant par la domotique ou la robotique, notre écosystème a considérablement évolué au profit d’un monde hyper-connecté dans lequel  les énergies existentielles sont les fruits du désir, la libido des producteurs et des consommateurs. »

Un Hollandais volant dans l’espace numérique
D’oĂą – sans trop de hiĂ©rarchie de valeurs obsolètes, en tout cas sans « vitupĂ©rer  l’époque », selon la formule d’Aragon , et avec une sorte d’objectivitĂ© pas forcĂ©ment navrĂ©e, – voici une prĂ©sentation plutĂ´t sĂ©duisante sinon sĂ©duite de l’attirail-libido dans ce qu’il a de plus milieu-et-haut-de-gamme…Que les tradi-musicaux cependant se rassurent : sur les 28 manifestations de la biennale 16 affichent encore le titre « concert », spectacle, expĂ©rience sensorielle, théâtre musical et danse se partageant le reste de la liste. Un artiste invitĂ© donne le la, le Hollandais Michel van der Aa, dont les oeuvres sont huit fois prĂ©sentes dans la session. « Depuis que j’étais tout petit », dit Van der Aa (on ne nous prĂ©cise pas dans quelle dĂ©cennie de la fin XXe  c’était), « j’avais des cauchemars terribles, qui ne se sont arrĂŞtĂ©s que quand j’ai Ă©tĂ© mis Ă  la guitare par les mĂ©decins…Depuis, si je m’arrĂŞte de jouer et de composer, j’ai l’impression que les mauvais rĂŞves vont recommencer. » La guitare classique s’est « élargie » vers plus moderne, de l’ingĂ©niorat du son Ă  la musique de film et Ă  la mise en scène. D’oĂą le bilan « de théâtre, de musique de film, de vidĂ©astie », qui passe par la prĂ©sence  multisensorielle sur scène d’ « un alter ego aux musiciens », image projetĂ©e des « hĂ©tĂ©ronymes » dans la vie du poète Pessoa  et son Livre de l’Intranquillité », mais aussi du Livre de sable, de Borges.

Nos psychés aliénées
De même que pour le Concerto de violon (joué ici le 4 mars par Patricia Kopatszchinkaia) et d’autres œuvres l’ombre portée de son interprète inspiratrice Janine Jansen. Ce qui n’empêche pas van der Aa de se sentir aussi « indigène du numérique, et particulièrement du synthétiseur modulaire , qui force à mixer en analogique »… Vu par les patrons de la biennale, « l’artiste s’empare du flux de nos psychés aliénées comme pour mieux nous détourner de la nocivité de notre monde, il révèle l’étonnante poésie là où bien d’autres ne font qu’en énoncer la pure fonctionnalité ».

Kaléidoscope rhône-alpin
L’une des forces actuelles du GRAME dans le paysage rhône-alpin et français, c’est d’avoir su s’imposer auprès  des pouvoirs publics comme centre de diffusion et de création, et d’en venir maintenant à « organiser » autour de lui les acteurs principaux de la musique  dans ce périmètre : Auditorium et ONL, Opéra, Théâtre de la Renaissance, des Ateliers, Hôtel de Ville de Saint-Etienne, Centres Culturels (Vaulx en Velin, Rillieux, Décines), Théâtre de Valence, C.N.M.S. D de Lyon, Maison de la Danse, CAUE Rhône-Alpes, et d’investir l’espace muséal  « récent » (Les Confluences), ou filmique. Que tourne le kaléidoscope, qui va du « spectacle d’appartement » d’origine québécoise de la mime, chanteuse et percussionniste Krystina Marcoux (« 400 ans sans toi ») ou de la mise en musique par le compositeur argentin Martin Matalon d’un inattendu Fox Trot Delirium, burlesque du tout jeune Lubitsch , à une Origine du Monde où vous  ne manquerez  pas de chercher (trouver, c’est autre chose) le Courbet que vous savez, via  la vidéo de Miguel Chevalier et « la fusion des volutes sonores de l’accordéoniste Pascal Contet ».

Benjamin et Boulez
On est  un rien surpris de voir figurer dans cette session « divertissante » la création, sous la direction de Bernhard  Kontarsky, d’un opéra de Michel Tabachnik sur livret de Régis Debray, « La dernière Nuit », celle d’un Walter Benjamin pourchassé par les nazis et qui revoit son existence de penseur et de rêveur avant d’y mettre fin dans « une misérable chambre d’hôtel  à la frontière pyrénéenne ». De même qu’en « hommage à Pierre Boulez » des Jeux Concertants, avec le Dérive 1 du Maître censé dialoguer post mortem avec Clara Iannotta (un « concerto pour piano » par Wilhem Latchoumia), Onderj Adamek (« Conséquences particulièrement blanches et noires », sur un instrument inédit, l’airmachine) et M.van der Aa (un pianiste devant l’écran où vit un vieil homme en solitude), tout cela joué par l’Ensemble Orchestral Contemporain de Daniel Kawka.

Petit Marcel, Jésus conducteur
« Entêtant parfum proustien » du côté du Quatuor Diotima, qui joue le plus « Petit Marcel » des compositeurs français actuels, Gérard Pesson (Farrago, convoquant le Narrateur qui avec sa madeleine immergée dans la tasse de thé voit « tout Combray, tout ce qui prend forme et solidité sortir, ville et jardins » venir jouer la scène initiale et capitale), le Ravel de l’unique  Quatuor, et le Japonais Toshio Hosokawa interrogeant ses Distant Voices. Sept  étudiants du  CNSM  (¨Promotion  Master Copeco)  – jouent dans un Erasmus d’Auberge Lyonnaise     à un Zap ! 7 études de gravitation intérieure qui « oppose notre ancrage existentiel aux forces qui nous en divertissent ». Sous l’invocation d’Eglise de Jésus Conducteur – alias Erik Satie, Maître d’Arcueil -, on réfléchit en souriant aux Sports et Divertissements de celui-ci, au Dressur  d’un autre Maître insurpassable, Mauricio Kagel, aux Ritournelles de Kits égrenées par Philippe Hurel, et à un « dialogue schizophrénique » de M.van der Aa.

Remonter les époques
Remontant les époques, l’ensemble Céladon de Paulin Bündgen lance passerelles entre Renaissance  (Byrd, Tye, Taverner) et Modernité (Michael Nyman) anglaises, à travers la voix de contre-ténor et un sextuor de violes. Que dire de « la légèreté non sans profondeur » attribuée par les musiciens de chambre ONL au Quintette K581 (clarinette et quatuor) de Mozart ? « Séèèriiieux » ? Ils en portent  la responsabilité, et seront sans doute plus convaincants en parlant Bagatelles chez Mason Bates et P.A.Lavergne….Nul doute que la réflexion du grand altiste Christophe Desjardins ira plus loin par la mise en regard des Ricercari (« première pièces écrites en 1689 pour violoncelle solo ») et le Tombeau d’Alberto Posadas, à la mémoire de Gérard Mortier,puis Double, qui établit tout « un jeu de mémoire », à tous les sens du terme. Association avec le jazz, Actuel Remix « travaillant » l’œuvre d’Heiner Goebbels. Et tant d’occurrences et de ludiques propositions qu’on craint d’en avoir oublié ici quelques unes….

Massages sonores et balles de piscine
Théâtre musical d’improvisation qui « traverse les ponts entre cela et la clownerie » (La Favre, Bassery, Marcoux…), OMNI (traduisez les initiales transpositrices) de Félicie d’Estienne d’Orves (un grand nom de jadis !) et  Lara Marciano dans Octaédrite. , Danse pas ordinaire dans Ply, d’Ashley Fure et Yuval Pick, films-compositions d’encore Michel van der Aa, Up Close (par la violoncelliste Sol  Gabetta), et même des « massages sonores et plongée dans des balles de piscine » (en Auditorium : le fondateur architectural Proton de la Chapelle va tout de même s’en étonner sinon s’en divertir, de l’autre côté du miroir ?) de l’Ensemble  Nomad. Participation souhaitée des spectateurs (avec leurs portables et tablettes) pour « Je clique donc je suis » de Thierry Collet, comme dans le concert-bal latino-tango de Bordlejo, Fizsbein, Pueyo, et encore « ensemble d’applis public-GRAME, chœur et solistes » pour Smartfaust (il y a bien aussi des bonbons Werther, de l’autre côté du Rhin ?)… Et bien sûr, grande série d’installations et performances  originales dans les espaces muséaux  de Lyon et de la région.

Vanitas vanitatum…
Sous l’invocation des Vanités ( « vanitas vanitatum et omnia vanitas », disait ce joyeux drille d’Ecclésiaste biblique, dont on suppose qu’il est ici invité par antiphrase, et ensuite patron des tableaux classiques de méditation sur la mort…), voici par exemple un Side(s), Mécaniques du présent, où de « l’autre côté du miroir », le compositeur Alexandre Lévy, la photographe Elisabeth Prouvost et le chorégraphe Pedro Pauwels nous entraînent pour dire « l’éclipse, l’oubli, le déplacement », en des jeux de temps un rien vertigineux. Et on  couronnera la séquence « vanitas » avec Water Event, où Yoko Ono  ( « Yoko who ? ») invite les artistes de la biennale  (et vous-mêmes,chers spectateurs !) « à lui envoyer un récipient qu’elle remplira d’eau », version réactualisée de ce qu’elle avait créé en 1971 avec John Lennon :musiques de M.van der Aa, O.Adamek, C.Iannotta, P.A.Valade, N.Boutin et Quatuor Diotima…

Petit rappel sur le rire
Des civilisations (non, caricatures pseudo-religieuses du concept, maniées par des gardiens flicqueurs  à longs ciseaux et forts bâtons) veulent exclure le rire, et le combattre. (Et salut ému à Umberto Eco qui avec Guillaume de Baskerville vient d’aller gagner les rives du Pays où rire n’est pas défendu !) Un petit rappel dans l’histoire musicale européenne  nous aide à y voir plus clair via la musicologie et l’histoire des idées, grâce à l’universitaire Muriel Joubert, qui resituera en conférence-rencontre « le rire en musique : éclat de joie ou moquerie, geste corporel  qui n’existe que par son écho collectif, associé à la vulgarité, à la folie ou aux démoniaques (de Didon aux danses macabres), au détour d’une transcription orchestrale (Ravel) ou dans la dénonciation idéologique ( Chostakovitch) ». Mais le rire peut « aussi soigner (Prokofiev), exorcise de  l angoisse de mort ( Ligeti), délivre la voix (Berio, Aperghis) en lui rendant toute sa corporéité… »

L’avenir est à la philophonie
Pour finir, rien de tel en  divertissement au sens plein du terme que de faire retour au bon maître d’Arcueil, avec ses « Sports » et sa pesée des sons : « Je me servis d’un phonoscope, j’examinai un si bémol de moyenne grosseur. Je n’ai jamais vu chose plus répugnante. J’appelai mon domestique pour le lui faire voir. Au phono-peseur, un fa dièse ordinaire atteignit 93 kilogrammes. Il émanait d’un fort gros ténor dont je pris le poids… Je crois pouvoir dire que la phonologie est supérieure à la musique. C’est plus  varié. Le rendement pécuniaire est plus grand. Je lui dois ma fortune. Au motodynamophone, un phonométreur  peut facilement noter plus de sons que ne le fera le plus habile musicien. C’est grâce à cela que j’ai tant écrit. L’avenir est donc à la philophonie. » Prophète du temps  numérique, le père Erik ? Et il en riait ( ou faisait rire) le bougre !

GRAME BIENNALE musiques en scene 2016 logoBiennale Musiques en scène, Lyon. GRAME. Concerts, performances, expositions, rencontres, danse participative, and so on. Du 1er au 27 mars. Lyon et agglomération, Valence, Saint-Etienne. Informations  et réservations : T. 04 72 07 43 18 ; www.BMES-Lyon.fr

LYON. Festival de La Tour Passagère, du 15 juin au 15 juillet 2015 : musique et théâtre sous le signe du baroque

LYON. Festival de La Tour Passagère, du 15 juin au 15 juillet 2015 : musique et théâtre sous le signe du baroque. Une tour en bois, et passagère, pour abriter durant un mois une trentaine de représentations sous le signe de Shakespeare en évoquant  la structure et les modalités de son  incomparable Théâtre du Globe. La tentative des bords de Saône est originale, elle fédère des forces instrumentales et vocales de Compagnies amarrées à Lyon et  invite d’autres artistes pour célébrer le plus grand et le plus énigmatique des Baroqueux. Longue vie estivale…

En hommage au Grand Will
festival-la-tour-passagere-lyon-15-juin-15-juillet-2015Tour Passagère, joli nom pour un Festival en structure de bois, devant les flots  d’une Saône à la fois passante et en image arrêtée («  on ne se baigne jamais dans le même fleuve», disait Héraclite). La déclaration d’intention souligne que pendant ce mois du début d’été, au square Delfosse, à deux pas du Débarcadère, ex-péniche qui fut longtemps un lieu apprécié de concerts, et aux portes du nouveau quartier de la Confluence, ce sera « théâtre élisabéthain, tout en bois qui s’inspire de ce qu’on faisait au temps de Shakespeare : trois niveaux, 12  mètres de haut, un espace atypique où le public (300 spectateurs) fait cercle autour d’artistes toujours proches, au parterre ou aux deux balcons  circulaires ». Et en hommage au Grand Will, on nous promet « des spectacles audacieux et décalés », qui en tout cas jouent sur la double appartenance, théâtre et musique ; c’est Jérôme Salord qui assume la direction artistique de cette Tour post-baroque.

La perle irrégulière
Tout en honorant le Baroque, cette « perle irrégulière » que définissaient les Portugais et qui « régna » sur l’Europe (mais aussi l’Amérique)  pendant au moins deux siècles, quelque part entre Renaissance et retour au classicisme ou fuite  dans le romantisme. Notre France du XVIIe, où la rigueur cartésienne et surtout l’ordre monarchique (Louis le Quatorzième, quand il ne fut plus l’ado abrité par les jupes de sa Maman et du Cardinal Mazarini) remplacèrent précocement le beau désordre baroque, en sait long sur les inconvénients  de mettre une sourdine au « change » (le changement ainsi qu’on le désignait  alors) et au  trop d’imaginaire. Encore que sous la glace courut longtemps une eau plus vive, mais c’est autre histoire…

Etre ou ne pas être, bien sûr
Donc, un mois de « passage » et de « change », ouvert comme il se doit par un Hamlet revisité en « hallucination baroque  par 20 comédiens (Compagnie Les Mille Chandelles) et musiciens » (partition originale Ch.Emmanuel Brunner et Clémence Fougea), pour mieux sentir « souffle et violence, mouvement et mystère » d’une des histoires les plus troublantes  inventées en Europe. Les Asphodèles font de la « commedia dell’arte moderne, avec fée-sorcière, défis hip-hop, forêt magique, human beat-box ( ?) », qu’un prix coup de cœur au club de la presse a consacré en Avignon il  y a deux ans. Et puis embardée  hors des clous de la chronologie avec le Duo Eve, une pianiste, E(lena Soussi) et une soprano, V(iolett) E Renié, qui font aller de Baudelaire en Verlaine par les compositeurs XIXe. Va-et-vient du Baroque à la Comédie musicale tendance Broadway, par Lisandro Nesis et Raphael Sanchez ; le même Lisandro dirigera ensuite ses Sospiranti pour un mélange d’airs de Lulli.  Kaléidoscopes en trio ou duo : du côté résolument classique puis romantique, le tout jeune Trio Palmer (A.Diep , A.Guénand, T.Maignan) joue Haydn et Brahms. Et une thématique Roméo et Juliette(de Weber à …Piazzolla) par les déjà connus Samuel Fernandez au piano et Anne Ménier (elle fut 20 ans en ONL, et « 2nde » chez les Debussy).

Spleen anglais et south barocco
Tiens, Piazzolla bis : en un Tango que les jeunes et déjà célèbres du Quatuor Varèse (sortis du CNSM Lyon) dansent avec  l’accordéoniste Philippe Bourlois.  Retour au « change » et au dieu Protée avec l’absolu du baroque éternel, ici les Métamorphoses d’Ovide en 4 histoires de femmes (une comédienne, Léna Rondé, trois musiciennes).  Les ensembles lyonnais « baroqueux » apportent leur contribution au culte shakespearien. Le Concert de l’Hostel Dieu (F.E.Comte) chante Purcell « who ainsi is Back », par la voix d’Anthéa Pichanik, « version spleen d’Angleterre », puis aborde sous le titre de South Barocco en Italie des « folies sensuelles », avec la voix de la soprano Heather Newhouse, authentique (désormais d’entre Rhône et Saône) … Canadienne.   Noces  un tant soit peu morganatiques (et temporaires ?) de Céladon ( le groupe de Paulin Bundgen) et de Borée(ades, zut, c’est le  dieu du Vent glacial, tutellé par son  metteur en scène Pierre Alain Four), en un remake du New-Yorkais Paul Emerson qui joua dans les Seventies le castrat Farinelli (« Farinelli-XXIe-Sexe »).

Mozart d’enfer en paradis
Comme on n’est pas loin (espace et temps) d’Ambronay-Festival, le jeune Contre-Sujets (6 instrumentistes) préface  sa participation de septembre en In Concerto Stat Virtus, et là le public vote pour le concerto préféré, un bis lui étant offert à «  choisir dans le répertoire de la nation retenue ». Démarche qui fait écho à la Classe d’orchestre de la flûtiste et chef Lilian Feger, où « musiciens venus du classique, une fois inscrits sur le site, vous répétez et jouez sur scène, occasion unique de participer pleinement ». De la fantaisie imaginative avec un Satané Mozart, où les Swing Hommes (3 musiciens, 2 théâtreux : humour et jazz) accueillent « en bas » le Divin qui achève là son Requiem avant de le faire remonter « en haut » pour un Paradis bien gagné.

Je pleure du désir de rêver encore
baroni diana la macorina concert clic de classiquenewsClassique news vient de mettre en  relief  « La Macorina » de Diana Baroni, « voyage latino-américain envoûtant » . Et le lendemain de la Fête Nationale (les libertés, ne l’oublions pas plus que  la prise de la Bastille), pour clôturer les festivités passagères, un bal Renaissance où les Boréades veilleront sur vous : «  sous le regard attentif de Véronique Elouard qui vous guidera de pas en pas et de bras en bras, pas besoin d’être danseur émérite ».
Un rien de Tempête shakespearienne pour conclure : « L’île est pleine de résonances, d »accents, de suaves mélodies qui enchantent sans blesser. Tantôt  mille  instruments vibrants bourdonnent à mes  oreilles ; tantôt des voix, si je m’éveille, m’endorment à nouveau ; alors je crois voir en songe des nuages s’ouvrir, révélant des richesses prêtes à choir sur moi, si bien qu’en m’éveillant je pleure du désir de rêver encore. »

Festival de La Tour Passagère, Square Delfosse, près Confluence de Lyon.  33 représentations du 15 juin au 15 juillet (19h, 20h30, 21h).
Information et réservation : www.latourpassagere.com; T.06 27 30 11 72.

Concert “Temps Modernes” Ă  Lyon

temps modernes lyon ensembleLyon, vendredi 28 novembre 2014, 19h : concert « Temps Modernes » : Debussy, Fauré, Franck, Murail, de Montaigne, Antignani, Jouve… Sans tapage médiatique, le groupe des Temps Modernes – fondé et dirigé à Lyon – joue un rôle déterminant, et pas seulement dans sa région d’origine et d’activité. Son concert lyonnais du 28 novembre, à la Mairie du 6ème à Lyon, est la synthèse de ses orientations : recours au « Trio »Franck-Debussy-Fauré, en appel vers les « classiques » du XXe et du XXIe (Murail, Antignani, Jouve), et en reprise du mystérieux Sarn I de P. de Montaigne.

Connaissez-vous Sarn ?
Sarn : avez-vous dĂ©jĂ  prononcĂ© ce…mais comment l’appeler : vocable, phonème, patronyme, prĂ©nom, invocation magique ? Ce sera mieux si, fĂ©ru de littĂ©rature anglaise, vous reliez ce sarn Ă  un titre de romancière du XXe, et si cela faisant tilt dans votre mĂ©moire culturelle, vous prononcez le nom d’auteur(e), Mary Webb… Peut-ĂŞtre hĂ©ritière d’Emily Brönte, Mary Webb, mais plus « modeste » dans le propos ou la notoriĂ©tĂ© sociale et littĂ©raire que son aĂ®nĂ©e du XIXe…Il n’empĂŞche : Ă  cĂ´tĂ© de Hurlevent -ainsi qu’on traduit pour les Français Wuthering (Heights) -, demeurera plus tard dans les campagnes britanniques hantĂ©es de bruit, de fureur et de silences un Sarn oĂą les « aventures » de la douce Prue dominĂ©e par son rude frère GĂ©dĂ©on offrent le plus fascinant des microcosmes, entre Nature sauvage, Ă©preuves et aspiration Ă  la paix intĂ©rieure.

9 pièces en accomplissement
On peut succomber au charme ( sens fort et profond du mot latin) de Sarn, relier son « paysage » (un « état d’âme », comme l’appelait l’écrivain suisse H.F.Amiel) Ă  des souvenirs d’enfance (pour une Française du XXe, les Ă©tangs du Forez n’évoquent-ils pas ceux, si anglais, de Plash ou de Sarn ?), voire Ă  image et scène « fondatrice » qui, depuis une lecture-dĂ©couverte, pourront vous accompagner sur la durĂ©e de l’existence entière. Cette rencontre avec Sarn a bien Ă©tĂ© pour la musicienne Pascal de Montaigne un choc orientant son Ă©criture et lui confĂ©rant un sens bien plus « universel » que tel ou tel lieu d’inspiration. On songe ici Ă  ce que fut pour Jean BarraquĂ© (1928-1973) le roman mĂ©taphysique d’Hermann Broch, La Mort de Virgile, devenu centre de plusieurs «  Ĺ“uvres( elles-mĂŞmes) ouvertes » selon diffĂ©rentes formules instrumentales-vocales, et d’ailleurs jamais vraiment achevĂ©, ou si on prĂ©fère, une SĂ©rie qui montre autrement l’écriture du sĂ©rialisme. Pour Sarn – dont il existe une version en opĂ©ra (de chambre), La MalĂ©diction des Sarn, – le corpus initiĂ© par le piano (Sarn I) a Ă©tĂ© articulĂ© en 9 pièces – musique de chambre, voire versions amplifiĂ©es Ă  l’orchestre – , « le chiffre 9 ayant pour P.de Montaigne un sens d’accomplissement ; et Sarn IX- Ă  neuf « voix » – fermant la boucle dans un mouvement perpĂ©tuel qui devrait laisser l’impression que rien n’est jamais terminĂ©, et au contraire se prolonge Ă  l’infini ».

Toucher le coeur de l’auditeur
Il est bon qu’en un de ses concerts lyonnais – trop rares !- Temps Modernes rende hommage Ă  un compositeur dont le parcours est profondĂ©ment original, bien sĂ»r en dehors des modes parce que consacrĂ© Ă  ce que Marcel Bitsch nomme « le secret : partie du cĹ“ur, cette musique touche immĂ©diatement le cĹ“ur de l’auditeur. » Ayant dĂ» longtemps interrompre la composition – alors qu’elle avait Ă©tĂ© formĂ©e au violon par Michel SchwalbĂ©, Ă  l’écriture par Marcel PĂ©hu – , P.de Montaigne avait Ă©tĂ© remise dans cette voie active par l’organiste et compositeur LoĂŻc MalliĂ©, qui «  a contribuĂ© Ă  faire Ă©voluer un style oĂą l’imaginaire –libĂ©rĂ© d’une longue gestation intellectuelle – s’ouvre Ă  son propre monde sonore, se rĂ©fĂ©rant en toute libertĂ© au langage de la seconde moitiĂ© du XXe ». Et c’est bien autour de Sarn, en son « premier moteur »(eĂ»t dit Aristote), la pièce I, pour piano, Ă  la fois portrait de la totalitĂ©-Sarn et autoportrait discret de l’auteur – gravitĂ© du propos, langage sĂ©vère et poĂ©tiquement imaginatif, Ă©nergie et luciditĂ© contre la souffrance, comme le marque un double accord presque brutal pour clore la pièce, Ă©loge d’une solitude presque hautaine -, que peut ĂŞtre mise en gravitation l’intention gĂ©nĂ©rale de ce concert sans thĂ©matique trop visible…

Continuer l’histoire de l’art
Ce choix de partitions – époques sur un siècle, natures et esthétiques diverses – reflète bien l’ouverture de ce groupe voué au « contemporain » fondé il y a 21 ans à Lyon, et qui compte maintenant parmi les acteurs les plus déterminants, même si (trop ?) discret du paysage français d’aujourd’hui. « C’est au contact des grandes œuvres du XXe que l’unité de l’ensemble s’est forgée, déclarent les deux fondateurs de T.M., le clarinettiste Jean-Louis Bergerard et le flûtiste Michel Lavignolle. Par affinité, on développe des relations privilégiées avec certains compositeurs. Notre finalité va directement à la signification de la poétique sonore : sensibilité, rêve, interrogation, sensualité. La musique contemporaine n’est pas nécessairement en rupture avec les œuvres du passé, mais peut continuer, par ses nouveaux apports, l’histoire de l’art d’une civilisation.»

Adieu au monde
C’est en « application de cette théorie » que le programme lyonnais du 28 novembre présente plusieurs facettes du XXe et du XXIe, fondatrices en leur début, et même pour l’adaptation « chambriste » d’un certain Prélude à l’après-midi d’un faune, le recours à un Debussy qui « révolutionna » dans la dernière décennie du XIXe l’écriture et même le rapport au public (a priori peu moderniste mais aussitôt conquis par « ces nymphes (qu’on veut ici ) perpétuer »). Et avec la sonate où violon et piano de César Franck disent ardemment le romantisme finissant qui aussi ouvre sur l’avenir du sentiment. Ou avec un tardif – Fauré atteint alors la rive des 80 ans – Trio op.120, murmurant dans son Andantino quelque adieu sans désenchantement au monde crépusculaire…

Les 13 couleurs et soleil levant
On filera la métaphore du « soleil couchant » grâce aux « 13 couleurs » que Tristan Murail détecta en fin des années (19)70 et fit alors scintiller dans une pièce dont Les Temps Modernes réalisa une adaptation (remarquable et remarquée, avec Winter Fragments , et Bois flotté, dvd de 2002 qui obtint un Grand Prix Charles Cros et un « Choc du Monde de la Musique », sur des images video de Hervé Bailly-Basin). Tristan Murail a été, avec Gérard Grisey (prématurément disparu) et Hugues Dufourt un des fondateurs et illustrateurs de la musique spectrale (spectre sonore et partiels infinitésimaux qui le constituent) ; il avait en 1978 développé les concepts neufs de « prémonition ou de prolongement des sons complexes », et de « modulation en anneau, où les fréquences s’auto-génèrent dans une réaction en chaîne ». Pièce impressionniste ? Le musicien natif du Havre ne refuse pas les échos du mouvement pictural dont la toile de Monet fut le « soleil levant » qui surgit en 1873…– d’autant qu’en élève de Messiaen il a intégré à sa pensée les liens couleur-son, voire leur symbolique -…Pourvu qu’on reconnaisse là une « très forte structuration, et une métamorphose insensible qui transforme ces couleurs « , dans la « dérive harmonique, les micro-intervalles, les sons complexes ». Bref, les Séries de Monet (meules, peupliers, cathédrale de Rouen) nourrissent aussi une inspiration musicale à travers les 13 teintes successives, des éclats incandescents à l’éloignement de l’intensité lumineuse. »

Nuit et Neige
« Nix et Nox », le titre est-il un jeu sur la Nuit, en grec (les puristes écriraient Nux en grec ancien) et en latin ? Mais une fois vérifié aux intarissables sources du dictionnaire Gaffiot, on constate que la Nix latine est… Neige . Dont acte, et bien fait, puisque j’ai voulu jouer au savant « contre » un compositeur d’une Sœur Latine ! Luca Antignani, aujourd’hui très « acclimaté » aussi à Lyon (la Florence d’entre Rhône-et-Saône ?) où il enseigne l’orchestration au CNSM, avait déjà écrit en 1998 une pièce de piano sur « la glaciale clarté de la lune ». On ira donc chercher en son imaginaire des reflets liés à ce qu’il nomme « la cyclicité et la rotation perpétuelle, qui parcourt depuis longtemps et de manière obsessionnelle » dans sa composition. Nix et Nox dit « le paradoxe implicite dans la conduite à spirale : éloignement progressif d’un centre thématique, idée d’un éternel retour, constant et inéluctable. D’où le sentiment (limite) d’être englouti par un vortex de tourbillonnante complexité. »

Les ailes et l’azur
Quant à Jean-Marc Jouve, qui a bénéficié des conseils d’Alain Poirier, Betsy Jolas et Sofia Goubaïdoulina, « par la grâce de ces rencontres et la ténacité à vouloir réaliser l’alchimie, il élabore sa propre poétique musicale, nourrie de la lente interrogation des langages. Cela est réponse engagée à toutes les formes de tyrannie, notamment culturelle, d’aliénation, à tout ce qui dispense l’homme de penser par lui-même. » Sa pièce que T.M. donne en création mondiale scrute aussi le ciel : « d’ailes et d’azur » doit être lu, selon son auteur, comme « une musique-élan, geste vital, défi en réponse à la vie menacée, trajectoire du cri à la lumière : elle doit beaucoup à la fascination exercée par le vol des grands rapaces ». Très reliée au chant et à la trajectoire des oiseaux dans l’espace physique – et poétique -, elle se clôt par « perdendosi », en renversement du chromatisme douloureux XVIe et XVIIe : « simultanément, écriture descendante et perception ascendante (son paradoxal), métaphore du retournement de la douleur vers la lumière ».

Soleil levant
Temps Modernes est ici en « quintette » : Jean-Louis Bergerard (clarinette), Michel Lavignolle(lflûte), Claire Bernard (violon), Florian Nauche (violoncelle), auxquels s’est plus récemment jointe la pianiste Emmanuelle Maggesi (qui forme aussi avec la percussionniste Ying-Hui Wang le duo Cthulhu). Parfums, couleurs, sons d’(extrême)orient se répondant, et soleil… levant, donc à l’est pour notre si vieille Europe ? Car Temps Modernes connait bien et reprendra bientôt une « longue marche » vers la Chine qui l’a déjà accueilli en Festivals (New Music of Shanghai, Bejing Modern Music, Asean Music Week), et encore plus à l’est, au Japon (Quartiers Musicaux,Yokohama)….

Lyon, vendredi 28 novembre 2014, Salons de la Mairie du VIe, Rue de Sèze, 19h. Temps Modernes joue Franck, Debussy, Fauré, Murail, Antignani, de Montaigne, Jouve. Renseignements et réservation T. 06 08 60 29 73.

programme

Claude Debussy : Prélude à l’après-midi d’un faune
César Franck : Sonate pour violon et piano
Pascal de Montaigne : Sarn I
Gabriel Fauré : Andantino du Trio op. 120
Jean-Marc Jouve : D’ailes et d’azur (création)
Luca Antignani : Nix et Nox
Tristan Murail : Treize couleurs du soleil couchant

Compte rendu, concert. Lyon, Auditorium, samedi 11 juin 2014. Concert Ravel : Antar, Mélodies Hébraïques, Shéhérazade, Daphnis. ONL, dir. L.Slatkin. Véronique Gens, André Dussollier

a_slatkin leonard directionCompte rendu, concert. Lyon, Auditorium, samedi 11 juin 2014. Concert Ravel. Leonard Slatkin, direction. Du Ravel à découvrir dans l’Auditorium lyonnais …qui porte son nom : c’est Antar, d’après Rimsky-Korsakov, en une adaptation qui parsème d’allégements discrets le spectacle – 1910- très théâtral d’un poète libanais. Un texte poétique a donc été demandé à Amin Maalouf, et c’est André Dussollier qui « récite » sans emphase, de sa voix si musicienne. Véronique Gens module superbement les Mélodies Hébraïques et Shéhérazade, puis l’Orchestre vient en gloire faire rayonner la 2e Suite de Daphnis.

Mata Hari chez Rimsky
A l’Auditorium Ravel, il arrive qu’on découvre encore du…Ravel, problématique sinon inconnu. Ainsi en est-il allé pour un Antar d’après Rimski-Korsakov, dont une fort intéressante notice de programme (François Dru) indique limites et questionnements.  « Ni mirage, ni légende », cette « partition » de 1910 où les biographes dominants (M.Marnat, A.Orenstein) demeurent évasifs sur l’autonomie ravélienne en cette «  aventure orientalisante » , menée parallèlement à l’écriture d’un infiniment plus important Daphnis . Pour Antar, il s’agissait d’une pièce (en 5 actes et en vers !) du poète libanais Chekri Ganem, avec 14 rôles principaux (et même Mata-Hari en effeuilleuse !), qui « copiait-collait » avec le poème-symphonique ensuite devenu 2e Symphonie de Rimski.
Le musicien russe était fort apprécié par Ravel à qui son ami Ricardo Vines l’avait présenté trois ans plus tôt. Puis, comme le dit F.Dru : « Le travail de Ravel pour Antar ne fut pas de composition pure, mais l’intérêt d’une reconstitution demeure dans la vision d’un Ravel arrangeur, capable de disséquer et d’agencer un texte musical pré-existant, pour accompagner le geste dramatique, en un véritable travail d’orchestrateur, tel que l’industrie du cinéma peut encore le rechercher. »

Poète au pays du Cèdre
On songe évidemment tout de suite à ce que Ravel écrira douze ans plus tard, le passage en orchestre des Tableaux d’une Exposition : mais avec Moussorgski, ce sera – rutilance russe à la base – pour une vision augmentative, passionnée, et quelle ! Avec Antar, nous demeurons dans l’agencement habile, et plutôt en réduction, par celui qui fut surnommé (un 3e Russe, Stravinsky : était-ce un compliment ?:« l’horloger suisse ».) En tout cas, du vivant de Ravel et même après sa mort, Antar-spectacle-Ganem avait été un grand succès, et les reprises (dont tout de suite une cinématographique !) furent nombreuses. On nous précise même qu’il y en eut une à…l’Opéra de Lyon, en 1938 : est-ce en songeant à cela que Léonard Slatkin avait songé à une nouvelle version qu’il inscrirait dans son intégrale discographique avec l’ONL ? Il fallait alors remettre en « portatif » le dispositif initial et le faire avec un texte non théâtral, dialoguant avec l’orchestre. Nouvelle idée  « libanaise » des années 2010 : solliciter un poète du pays du Cèdre… Amin Maalouf accepte, pour le bonheur de tous …et du récitant André Dussollier.

Du côté de chez Swann
Donc, voici porté par un acteur à la fois connu et aimé d’un large public (au cinéma), d’une subtilité discrète, absolue (qu’on aille jeter l’oreille sur sa lecture en coffret cd. « Du côté de chez Swann », admirable de justesse proustienne ), un Antar ramené à des dimensions moins légendaires, plus humaines en quelque sorte, puisque le guerrier légendaire est devenu ancien esclave et porte seulement le sort de sa tribu. Antar n’en sacrifiera pas moins noblement sa vie à l’honneur, laissant seuls sa belle veuve et son enfant. Prendrait-on autant de plaisir – fût-ce musical devant les fondus-enchaînés et raccourcis discrètement ravéliens- sans le beau texte de Maalouf – ah ! son leitmotiv :  « le désert n’est pas vide » ! – et le sublime lecteur en complet-cravate qui vient se placer comme soliste devant le chef ?

Jeu de mélodie et de timbres
La voix d’A.Dussollier a ses résonances un rien métalliques, mais dont la parfaite précision n’érode jamais les harmoniques émotives, et tout ce qui est cherché en profondeur, sans trace de démonstrative impudeur : un vrai « jeu de  mélodie et de timbres », comme on dit depuis l’Ecole de Vienne. On croit ainsi voir à l’horizon « les chimères » butant sur le silence calculé de l’orchestre, le désir d’Antar (« on dit que tu as de la tendresse pour Abla »), la menace de l’inéluctable destin…Ce qui frappe aussi, c’est le contraste entre ce mezzo voce dominant et le déferlement instrumental de cette 2nde Symphonie écrite par Rimsky – depuis 1868, il en avait fait trois révisions ! – à laquelle son auteur tenait tant, bien qu’il eût avoué en toute modestie : « Antar, Sadko, des œuvres qui se tenaient et ne marchaient pas mal, mais je n’étais alors qu’un dilettante et je ne savais rien ! ».

Comme au jour de sa mort pompeusement parée
Pourquoi le mauvais esprit nous souffle t-il que cette écriture somptueuse, ô combien post-romantique, a un peu de « cet éclat emprunté » mis par Racine dans le personnage de Jézabel (la « maman d’Athalie » ), « comme au jour de sa mort pompeusement parée » ? Devant cette mort (esthétique) annoncée , le minimaliste et ironiste Ravel dut s’amuser tout en s’efforçant d’alléger cette « barque sur l’océan » d’éloquence. Et de cet ensemble composite , Leonard Slatkin tire un magnifique tableau en technicolor-écran-panoramique, respectant la dimension voulue par A.Maalouf et A.Dussollier mais déchaînant un orchestre visiblement heureux de donner sa pleine mesure.

Asie, Asie, Asie
Un « plus vrai Ravel », bien sûr, vient dans la 2e partie du concert, à commencer par d’autres somptuosités dans le chant. Aussi bien pour les deux Mélodies Hébraïques de 1914 que pour les poèmes de Shéhérazade (1903), la voix de Véronique Gens est miracle d’identification aux textes et à leur esprit : tour à tour et simultanément souple, ondoyante, profonde, voluptueuse, caressante, grave : suprêmement esthétique, au carrefour de toutes les sensations. A l’image de l’initial appel en triade : « Asie, Asie, Asie » et de sa désinence orchestrale, tout ici est construit par Ravel mais semble échappe au calcul, en pur bonheur de sensualité.

Un fervent dreyfusiste
Puis seul e s’échappe vers l’émotion la plus poignante la mĂ©lodie du kaddisch (prière des morts), dont le climat et la haute inspiration rappellent l’admiration respectueuse que Ravel vouait au peuple et Ă  la culture juifs : Ă  travers de nombreuses amitiĂ©s – dont celle de LĂ©on Blum-, en miroir de ses idĂ©es pacifistes , socialistes et anticolonialistes, (voir la 2e des Chansons MadĂ©casses : « Aouah ! mĂ©fiez-vous des Blancs, habitants du rivage ! » ), ce fervent dreyfusiste de la première heure Ă©prouva vite la haine que certains milieux – fanatiques musicaux( ?),section Action Française, « étrangleurs de Gueuse » (la RĂ©publique), entre autres – professaient envers « les mĂ©tĂ©ques » et « le peuple dĂ©icide » . N’alla-t-on pas jusqu’à lui crier « silence, sale juif ! » quand il manifestait au Théâtre des Champs ElysĂ©es en faveur du Sacre du Printemps ? Les obsĂ©dĂ©s de la traque antisĂ©mite avaient aussi prĂ©tendu « lire » en « ravel » un camouflage onomastique , (« rabbele », petit rabbin), ce qu’on colporta jusqu’en AmĂ©rique du Nord – Ravel en subit lĂ -bas – 1928- les Ă©chos insultants chez des ultras sournois ou vocifĂ©rants –…

Les autodafés de 1933
Cette « réputation », ses amitiés dans les milieux juifs et d’extrême-gauche,- plus encore que le contenu musical  de l’Oeuvre ? -, valurent à Ravel « l’honneur » de figurer sur la liste des « autodafés », dès mai 1933, établie par Goebbels et ses sbires. On notera encore qu’à Montfort-l’Amaury, des exilés raciaux   chassés en France par les nazis purent trouver secours et aide financière auprès d’un Ravel jusqu’au bout fidèle à ses convictions d’humaniste épris de la liberté…
Pour finir, Leonard Slatkin a conduit son orchestre galvanisé, hautement inspiré, dans la 2e Suite de Daphnis et Chloé. De la poésie impalpable du «  lever du jour » au déchaînement solaire de « la danse générale », ce fut un superbe temps conclusif, apollinien et dionysiaque, où la grandeur ravélienne trouve son immense mesure et démesure.

Auditorium de Lyon, samedi 11 juin 2014. Maurice Ravel (1875-1937) : Antar, Deux Mélodies Hébraïques, Shéhérazade, 2e Suite de Daphnis. O.N.L. , direction Leonaed Slatkin, Véronique Gens, André Dussollier.

Agenda Lyonnais : l’actualitĂ© musicale en RhĂ´ne-Alpes

Musiques en RhĂ´ne-Alpes. Retrouvez ici concerts, festivals, opĂ©ras, tous les Ă©vĂ©nements qui font l’actualitĂ© de Lyon et sa rĂ©gion. SĂ©lection opĂ©rĂ©e par notre correspondant permanent Dominique Dubreuil

 

 
 
 

Les Voix du Prieuré, jusqu’au 5 juin 2016

 

bourget-lac-du-voix-du-priere-du-lac-2016-presentation-annonce-reservation-billetterie-classiquenews-vignette-carreBOURGET DU LAC, 74. Festival des Voix du Prieuré, 20 mai-5 juin 2016… « Donner de multiples rendez-vous à l’art vocal dans ce qu’il peut offrir de plus raffiné, de plus fort ». Le Festival qui se déroule dans des lieux patrimoniaux classés monuments historiques (Eglise, Prieuré, Cloître de Saint-Laurent) se veut, selon les mots de son directeur-fondateur, Bernard Tétu, « lieu de création et dialogues ». Autour d’un compositeur invité et de son œuvre Stabat Mater, Piotr Moss, du groupe hétérodoxe Les Slix’s, de la violoncelliste Ophélie Gaillard, une vaillante et enrichissante édition au cœur du printemps. LIRE notre présentation complète du festival Les Voix du Prieuré, Bourget du Lac, 74, du 20 mai au 5 juin 2016

 
 
 

 

Marcel-Proust-et-la-musique-visuel-UNE-site-webGRENOBLE, musĂ©e. Jeudi 28 avril 2016. Concert lecture, Cabourg-Balbec… De Cabourg 1914 au temps retrouvĂ© de Balbec : concert-lecture pour « Jouer avec les mots ». Les Concerts Ă  l’Auditorium du MusĂ©e de Grenoble ont une sĂ©rie « Jouer avec les mots » qui lie musique et littĂ©rature. Le dernier du cycle 2015-2016 donne « la parole » Ă  la comĂ©dienne Natacha RĂ©gnier, aux pianistes Marie-Josèphe Jude et Michel BĂ©roff, pour une exploration proustienne du cĂ´tĂ© de Balbec, à l â€ombre des jeunes filles en fleurs que va bientĂ´t faner la Guerre EuropĂ©enne. La  communication des âmes : ”La musique a Ă©tĂ© l’une des plus grandes passions de ma vie. Elle m’a apportĂ© des joies et des certitudes ineffables, la preuve qu’il existe autre chose que le nĂ©ant auquel je me suis heurtĂ© partout ailleurs. Elle court comme un fil conducteur Ă  travers toute mon Ĺ“uvre. » Cette dĂ©claration de Proust Ă  Benoist-MĂ©chin est capitale. Et elle rĂ©pond –l’œuvre plus forte et objective que la vie « rĂ©elle » – Ă  la question que se pose le Narrateur de la Recherche Ă  l’audition du Septuor de Vinteuil : « Je me demandais si la musique n’est pas l’exemple de ce qu’aurait pu ĂŞtre – s’il n’y avait pas eu l’invention du langage, la formation des mots, l’analyse des idĂ©es – la communication des âmes. » Les fervents et surtout  les spĂ©cialistes de Proust savent Ă  quel point il est difficile de dĂ©mĂŞler dans les Ă©crits du MaĂ®tre de Combray ce qui a Ă©tĂ© puisĂ© au  parcours mĂŞme de l’enfant, puis adolescent, puis adulte Marcel Proust, et aux « transpositions » dans La Recherche du Temps Perdu, via – pour la musique, les arts visuels, la littĂ©rature, l’histoire sociale et politique – ce qui a pu servir de modèles aussitĂ´t et savamment imbriquĂ©s, mĂ©langĂ©s, voire brouillĂ©s. LIRE la prĂ©sentation complète du concert par notre correspondant Dominique Dubreuil

 

 

 

GRAME BIENNALE musiques en scene 2016 logoLYON. Biennale Musiques en scène : 1er-27 mars 2016. Divertissement 2.0, au coeur de la culture numérique. Biennale GRAME 2016. Agglomération lyonnais et autres lieux. Du 1er au 27 mars 2016. Biennale participative avec concerts, créations, improvisations, performances, jeux vidéos, massages sonores, expériences nouvelles accessibles à tous les curieux, jeunes et moins jeunes, 160 artistes, 250 danseurs amateurs, 15 manifestations publiques, une conférence : le thème divertissement/culture numérique du GRAME lyonnais rayonne, et provoque la curiosité, fût-elle critique…. EN LIRE +

 

 

36ème festival d’Ambronay : Du 11 septembre au 4 octobre 2015. Ambronay 2015 festival presentation classiquenews 2015Festival d’Ambronay (01), 36e édition: 11 septembre-4 octobre 2015. Sous l’invocation générale de « mythes et mystères ».  Du 11 septembre au 4 octobre 2015, en quatre week-ends et des intervalles. « Approchez ! Laissez-vous en conter, petits et grands, curieux et passionnés de l’Etrange », dit la recommandation stéréophonique de cette 36e édition d’un Festival  Phare. Cette année, c’est autour de quatre thématiques – le Roi-Soleil,chefs-d’œuvre mystérieux, figures mythologiques, déclinaisons personnelles – que  se groupent les… très nombreux concerts et manifestations de culture à Ambronay. Essai d’un tour d’horizon en partant de l’Abbatiale…ogivale de ce festival Baroque. EN LIRE +

 

 

 

festival-la-tour-passagere-lyon-15-juin-15-juillet-2015LYON. Festival de La Tour Passagère, du 15 juin au 15 juillet 2015 : musique et théâtre sous le signe du baroque. Une tour en bois, et passagère, pour abriter durant un mois une trentaine de représentations sous le signe de Shakespeare en évoquant  la structure et les modalités de son  incomparable Théâtre du Globe. La tentative des bords de Saône est originale, elle fédère des forces instrumentales et vocales de Compagnies amarrées à Lyon et  invite d’autres artistes pour célébrer le plus grand et le plus énigmatique des Baroqueux. Longue vie estivale… LIRE notre présentation complète du festival La Tour Passagère à Lyon

 

 

Ardèche (07). Festival des Cordes en Ballade, du 2 au 14 juillet 2015. 17e édition de ce festival « itinérant » sur un département aux portes du domaine méditerranéen. En 2015, le thème revient à l’Europe Centrale, exaltant le rôle « alla zingarese » de musiciens interprètes et  compositeurs qui inspirèrent et inspirent tant d’œuvres et d’actions depuis plusieurs siècles. Hommage tout particulier, en ces deux semaines, est rendu au grand Hongrois Giorgy Kurtag. Un fleuve… cordes-en-ballade-2015-ardecheLe Rhône-fleuve-dieu, c’est bien connu  dans l’hexagone, et ça finit par rejoindre la Mère Méditerranée, avec 800 petits  kilomètres de parcours. Mais le Danube ? Quelle  drôle  d’idée, ne partant même pas de la citadelle glaciaire alpine comme son collègue, d’aller se jeter dans la Mer Noire, 2.850 kms. plus à l’est. ! Qui plus est, après avoir traversé quatre pays(Allemagne, Autriche, Hongrie, Roumanie), tandis que son rival n’est qu’helvético-français. Allez, mélomanes, ce sera tout pour les révisions-rattrapage de juillet, et on le rappelle  parce que les Cordes ardéchoises se balladent cet été non vers la Méditerranée, voire comme en 2014 en traversant l’Atlantique vers l’Amérique Latine, mais en Europe Centrale et Orientale. EN LIRE +

 

 

 

 

Lac du Bourget, 11è Festival Les Voix du Prieuré : 27 mai>14 juin 2015

bourget-voix-du-prieure-festival-2015-visuel-module-vignette-carre-classiquenews-selection-mai-2015Solistes et chœurs autour de Bernard Tétu, du 27 mai au 14 juin 2015. « La voix dans tous ses états », de l’ancien au contemporain, de recréations en  création…. Le Festival du Bourget(du Lac, à la pointe sud, en cadre archéologique significatif) poursuit son avancée programmatique « en apnée » (à vous couper le souffle)….Les musiques médiévales, renaissantes  et baroques s’y mêlent harmonieusement aux halos ensoleillés d’Espagne et Portugal, aux escales méditerranéennes ou balkaniques, et la création (Sighicelli, Guérinel  pour  ce qui est des « hexagonaux ») a sa part  primordiale…Pour presque trois semaines  de manifestations conviviales. En lire +

 

 

 

Week-end Mozart au Radiant de Caluire (69)

mozart-portrait-xixCaluire, Radiant. Les 10 et 11 janvier 2015. Week-end Mozart avec le Quatuor Debussy, au Radiant de Caluire (69). Une « fin de semaine »,  au Radiant de Caluire, salle à éventail de programmation culture « tous publics ». Le « classique » est cette fois célébré par le Quatuor Debussy, qui choisit un thème Mozart, autour du Requiem et d’airs d’opéra (instrumentalement réduits), mais aussi avec le Quintette pour clarinette et la Sérénade « Petite Musique de Nuit ». Belle occasion d’admiration, et d’interrogations sur le génie mozartien aujourd’hui… En Lire +

 

 

 

CNSMD de Lyon : concerts pour la nouvelle salle Varèse

CNSMD Lyon nuit des lunes fevrier 2015 nouvelle salle varese CLASSIQUENEWS repetatelier©BALyon, CNSMD. Réouverture de la salle Varèse : les 27 février, 3 mars, 6 et 7 mars 2015. Nuit de Lunes, Mélodies de Charles Bordes, Passion selon Saint Jean. Enfin, la Salle Varèse – lieu important de la recherche, de la pédagogie et de la diffusion en agglomération lyonnaise – réouvre, après quinze mois  de fermeture forcée pour glissement de terrain sur la colline au dessus du Conservatoire. Voici trois manifestations représentatives de ce dont on a été privé : une Nuit de Lunes (Kagel, Menozzi, Dallapiccola, Schreker), des mélodies France fin XIXe orchestrées , une Passion de Bach sous la houlette de l’organiste M.Radulescu. En Lire +

 

 

 

 

Oullins (69). Journées GRAME, Théâtre de la Renaissance

grame 2015Oullins (69). Journées GRAME, Théâtre de la Renaissance du 24 au 26 février 2015. Samuel Sighicelli, Tanguy Viel : Chant d’hiver, spectacle musical, création. Concerts,installations spectacles, jusqu’au 19 mars 2015. Une création chantée-hivernale, bien évidemment en milieu d’hiver : c’est ce que propose la Renaissance, en milieu d’hiver : mélange de musique, video, mise en  espace et théâtre, conçu par  le compositeur S.Sighicelli et l’écrivain T.Viel, qui font aussi appel aux citations de Schubert (Voyage d’hiver) et du romantisme allemand. Chant d’hiver s’inscrit dans la programmation des Journées du GRAME (jusqu’au 19 mars) et en prolonge l’esprit  de recherche. En lire +

 

 

 

Lyon. Concert Temps Modernes : Debussy, Franck, Murail… 28 novembre 2014

temps modernes lyon ensembleLyon, vendredi 28 novembre 2014, 19h : concert « Temps Modernes » : Debussy, Fauré, Franck, Murail, de Montaigne, Antignani, Jouve… Sans tapage médiatique, le groupe des Temps Modernes – fondé et dirigé à Lyon – joue un rôle déterminant, et pas seulement dans sa région d’origine et d’activité. Son concert lyonnais du 28 novembre, à la Mairie du 6ème à Lyon, est la synthèse de ses orientations : recours au « Trio »Franck-Debussy-Fauré, en appel vers les « classiques » du XXe et du XXIe (Murail, Antignani, Jouve), et en reprise du mystérieux Sarn I de P. de Montaigne. En lire +

 

 

Käfig, Boxe-Boxe, chorégraphie.Quatuor Debussy. 19>21 mars 2014

Caluire Kafig, debussyCaluire (69), Le Radiant, 19,20,21 mars 2014. Käfig, Boxe-Boxe, chorégraphie, Quatuor Debussy. Boxe + Hip-Hop + un Quatuor classique, qui plus est nommé Debussy : on ne s’attend pas à ces éléments réunis dans un spectacle de type pluri-média… Dans l’agglomération lyonnaise – qui est aussi « le camp de base » du chorégraphe Mourad Merzouki et du Quatuor Debussy -, il s’agit pourtant d’une nouvelle représentation de ce Boxe-Boxe inventé par le chorégraphe et co-piloté par les Debussy, qui en ont choisi les musiques, de Schubert et Verdi à Phil Glass. Boxe-Boxe, donc… En lire +

 

 

 

Lyon, Biennale de Musiques en Scène. 5>29 mars 2014

Biennale_musiques_en_scene_2014_LYONLyon, Biennale de Musiques en Scène. 5>29 mars 2014. Dans le Nuage, Heiner Goebbels. Une Biennale de Musique Contemporaine à Lyon ? Oui, et depuis 1992, 1400 programmes dans ce cadre de « tous les deux ans »… Pour 2014, un centrage thématique autour du nuage sonore/informatique, et un enthousiaste portrait de Heiner Goebbels (né en 1952). Vous avez dit que la Métropole des Gaules sait surtout être «  dans les nuages » ? Mais non, cher Tryphon ! : « dans le nuage » ! Lire notre présentation complète

 

 

 

 

Compte rendu, concert. Temple Lanterne, Lyon. 21 février 2014. Schubert : Mathieu Grégoire, Chœur Hypérion (E.Planel). Et aussi, Saison « Bach et plus », mars à juin 2014

Schubert portraitUn Temple d’architecture néo-gothique, cela ne semble pas lieu idéal pour célébrer Franz Schubert. Pourtant, bien beau concert : le jeune pianiste Mathieu Grégoire est soliste dans la Sonate D.958), et accompagne les trop peu connus chœurs (Chœur Hypérion, Etienne Planel), dont deux sublimes Hymnes à la Nuit… Et un nouveau groupe (Baroque et plus) ouvre sa saison en variations instrumentales sur Bach.

Cent clochers et mille dévotions de Lyon
La musique, ce sont aussi des lieux, on le sait. Les attendus, les traditionnels, les évidents, et puis les occasionnels, parfois un peu paradoxaux ou intrigants. Souvent aussi églises, sanctuaires, temples pour les cultes, et on ne s’attendrait pas à ce que Lyon, ville à colline-qui-prie, à cent clochers et mille dévotions, échappe à cette présence musicale, – plus ou moins laïcisée, selon les époques -…De plus, cet hiver (qui en est si peu un), deux « verrouillages » de salles favorisent le refuge avec d’autres abris : la Salle Molière, à légendaire acoustique, est en réfection interne, et la Salle Varèse, joyau moderne du CNSMD, brutalement menacée d’inondation en novembre (au bas d’une colline qui glisse…), est indisponible selon délais reportés : cela oblige le CNSMD à des acrobaties…supérieures pour cours et concerts. Hommage soit rendu aux organisateurs qui parent au plus urgent et trouvent « ailleurs »(Lyon et périphérie) des solutions de substitution…et d’aimables accueils.

Du Second Empire aux Paroles de Résistance
Le Temple de la rue Lanterne n’a certes pas attendu ces mois difficiles pour se faire havre sonore. Son cadre continue à intriguer : cet édifice du Second Empire –mais peu à voir avec Badinguet, alias Napoléon le Petit – est enchâssé entre de hautes maisons ; sa façade austère franchie, on a la surprise d’un sanctuaire étroit mais très haut, où le style néo-gothique n’engendre pourtant pas la froideur, surtout quand le sonore des concerts généreusement accueillis par la communauté protestante y révèle une acoustique fort acceptable. (On peut aussi y songer à l’un des pasteurs qui parlèrent ici : Roland de Pury, dénonciateur précoce et public du nazisme puis de la collaboration vichyste, protecteur des résistants et des Juifs, arrêté par la Gestapo en 1943 et interné à Montluc, d’où il pourra être « exfiltré » à cause de sa nationalité suisse). C’est en ce lieu chargé d’histoire (discrète, et de sens si lourde…) qu’on a aujourd’hui le bonheur d’écouter…du Schubert, ici moins attendu. Non point d’ailleurs le cycle du Voyage d’Hiver (le baryton Jean-Baptiste Dumora, Mathieu Grégoire, reprenant le lendemain leur beau concert de 2012 dans la néo-gothique – et vaste, et froide – église de la Rédemption : nous ne doutons pas que l’interprétation, subtile et forte, en ait été encore approfondie), mais, ce 21 février, un programme original de piano soliste puis accompagnateur d’un chœur d’hommes….

La beethovénienne et Schubert
Le pianiste Mathieu Grégoire s’y affronte, en solitude, à la 1ère des trois ultimes Sonates ( D.958) : parfois surnommée « la beethovénienne », elle porte certains échos du Commandeur qui tant fascina le « petit Franz ». Mais le langage de Schubert s’y affranchit de toute subordination au Maître révéré, pour partir en quête d’une conception du Temps, irréductible aux découvertes si autonomes de Beethoven, puis Schumann, Chopin ou Liszt. Il faut y marier le rêve au voyage, comprendre l’importance de ce lointain (die ferne) qui, dans l’espace – paysage mental, est une des clés du romantisme allemand. En recherche inquiète dans l’allegro initial, M.Grégoire nous emmène, d’une vraie respiration, dans un adagio qui participe vraiment de ce que le poète français Yves Bonnefoy nomme « L’arrière-pays » : bonheur d’un chant- pour -lui-même, extrême précaution de qui improviserait dans le sans-tumulte, et puis, lors de deux ruées d’angoisse, une qualité d’âme « orphéenne » pour affronter les puissances d’en-bas… Ensuite butées sur silence du Minuetto, et continuum énigmatique aux éclairages pourtant changeants du finale : oui, on entend rarement une telle concentration sur les tensions de ces textes complexes, de surcroît appuyée sur un pianisme ouvert à l’imagination, tour à tour lyrique et rigoureux.

Hypérion à Bellarmin
Encadrant ce parcours soliste, des raretés au concert sinon au disque : pourtant ces chœurs – hommes, femmes, mixité, accompagnement instrumental – sont dans le premier cercle du romantisme austro-allemand, parfois proches du « populaire », ou traducteurs de ce que David d’Angers nomma chez Friedrich « la tragédie du paysage », et encore tirant l’esprit vers le haut, là où siège l’âme religieuse, à tout le moins mystique. La vraie connaissance de Schubert passe par ce chemin aussi , et il faut de prime abord remercier le Choeur Hyperion – géométrie variable autour d’une quinzaine de chanteurs – de se vouer à un répertoire qui exige savoir, science du groupe, élan et culture. Gageons que les Hypérion récitent à chaque retrouvaille la dernière lettre que le héros gréco-romantique inventé par Hölderlin envoyait à son ami Bellarmin : « Ô âme, beauté du monde ! Toi l’indestructible, la fascinante, l’éternellement jeune : tu es. Les dissonances du monde sont comme les querelles des amants. La réconciliation habite la dispute, et tout ce qui a été séparé se rassemble. »

L ’ultime barrière se brise
Placé sous un tel « patronage », l’ensemble fort intelligemment dirigé par Etienne Planel dans six de ces œuvres qui relient Schubert aux poètes (l’ami Mayrhofer, Seidl, et Son Immensité Indifférente le Conseiller Goethe…) nous conduit aux bons Poteaux Indicateurs : des eaux miroitantes pour un Gondolier charmeur à la cordialité en Esprit de l’Amour, et à une Berceuse de la Nature en Mélancolie. Le Passé dans le Présent est doux balancement (c’est le Divan Oriental-Occidental de Goethe) comme si on s’immergeait dans la matière même du Temps, et conclut en « hymne radieux de la beauté pure ». Au dessus de tout, deux Nuits dignes de Novalis : la première, si recueillie, lance des appels par delà collines et montagnes, comme en quelque « beau monde, tu es bien là ! ». La seconde (Nachthelle) est lumière palpitante, échos magiquement échangés entre soliste, piano « scintillant » et groupe vocal, puis la métaphysique, mystérieuse évocation d’une « ultime barrière qui se brise ». Cette merveille primordiale de la musique romantique rayonne et palpite en son battement perpétuel, la voix éthérée – hors du monde, jurerait-on – du ténor Julien Drevet-Santique comme y conduisant notre voyage extasié.Et le piano de M.Grégoire est vrai compagnon rythmique et harmonique.

Une saison de printemps
Tiens, en attendant un 2e programme d’Hypérion (les romantiques français cette fois) et –pourquoi pas ? un disque -, indiquons qu’au cours du printemps, le Temple s’éclairera d’interventions proposées par des « invités permanents », tel le Chœur Emélthée ( dirigé par Marie Laure Teyssèdre : musique baroque et XXe) qui donnera le 11 avril des « Histoires Sacrées » de Carissimi et M.A.Charpentier. Et aussi un « petit nouveau », qui honore l’inépuisable Johann Sebastian : « Baroque et plus »alias « le baroque autrement ». Après une ouverture en quatuor le 28 février (les Varese, quatre jeunes gens issus du CNSMD qui commencent à briller dans le paysage français : le 3e de Bartok, l’op.18/3 de Beethoven, et, justement, de l’Art de la Fugue en version « à quatre archets »), ce seront des « Variations Bach », souvent avec instruments qu’on n’attendrait pas forcément, en Temple, Eglise ou même Salle de Concert. Joël Versavaud confie à son saxophone Suites et Partitas de Dieu le Père Musical, Joachim Expert et Mathilde Malenfant cheminent avec piano, harpe et conférence, de Bach à Chick Corea. Didier Patel et Samuel Fernandez unissent leurs claviers pour une Leçon de Musique alla Bach. (Et le même Samuel Fernandez dialogue à l’Amphi-Opéra avec le jazzman et enseignant du CRR Mario Stantchev en « une étonnante variation classique et jazz sur Goldberg or not Goldberg ? »). Quant aux Percussions-Claviers de Lyon, c’est autour du Bien Tempéré qu’elles centrent leurs transpositions rejoignant le Kantor en une géométrie dans l’espace au « Point Bak ». Ou comme le dit l’Evangile de Jean : « Il y a plusieurs demeures dans la Maison du Père ». Croyants et incroyants : à méditer…

Lyon, Temple Lanterne. 21 février 2014 : Mathieu Grégoire (piano), Chœur Hypérion (E.Planel) : F.Schubert (1797-1828), Sonate D.958, Six chœurs pour voix d’hommes
Chœur Emélthée, 4 avril 20h30 : Histoires sacrées. « Baroque et plus », autour de J.S.Bach : Joël Versavaud, 21 mars ; Percussions-Claviers, 11 avril ; Samuel Fernandez, D.Patel, 23 mai : Temple Lanterne, concerts à 20h30
Mario Stantchev,S.Fernandez, 28 mars, 12h30, Amphi Opéra
Renseignements et réservation : Tel. 06 27 30 11 72 ; www.baroqueetplus.com
www.emelthee.fr ; Tel. 06 49 58 16 83

Ventes flash de l’Auditorium-Orchestre national de Lyon, le 14 fĂ©vrier 2014, 8h30

ventes flash auditorium LyonLyon, Auditorium-Orchestre national: Vente flash le 14 fĂ©vrier 2014 Ă  8h30. Offre spĂ©ciale Saint-Valentin. Vendredi 14 fĂ©vrier 2014 dès 8h30, l’Auditorium de Lyon fĂŞte tous les amoureux en proposant aux internautes passionnĂ©s enivrĂ©s, une vente flash exceptionnelle sur sa billetterie : faĂ®tes votre plein de places Ă  prix spĂ©cial pour la Saint-Valentin. Il s’agit de concerts Ă  venir dans la saison et dont le programme est gardĂ© secret jusqu’Ă  la date de l’offre flash, soit ce vendredi 14 fĂ©vrier 2014 Ă  8h30 sur le site de l’Auditorium Orchestre national de Lyon…

 

Inscrivez-vous en ligne Ă  l’alerte Vente Flash de l’Auditorium de Lyon.

 


Les ventes flash de l’Auditorium – Orchestre national de Lyon, ce sont :     

> des ventes surprises car les internautes ne savent pas quel concert est mis en vente ni à quel tarif, avant le jour dit de la vente.

> des places de concert mises en vente Ă  un prix… dĂ©coiffant (jusqu’à 8 € la place soit plus de 50% du plein tarif selon la sĂ©rie).

> des concerts de qualité avec des musiciens de prestige

 

 

Les prĂ©cĂ©dentes ventes flash proposaient des places Ă  8 € (soit au minimum des billets Ă  moitiĂ© prix du plein tarif) et les concerts proposĂ©s Ă©taient : Vente Flash #1 Tigran – Shadow Teater (jazz) / Vente Flash #2 Steinbacher et Janowski (symphonique ONL) / Vente Flash #3 Vadim Repin joue Prokofiev (symphonique ONL) / Vente Flash #4 RomĂ©o et Juliette (symphonique ONL).

 

 

Trio Wanderer Ă  Caluire (69)

Caluire (69), week end Trio Wanderer, les 18 et 19 janvier 2014. Deux concerts et des rencontres avec le public, c’est presque une résidence pour le Trio Wanderer. Et Marie-Christine Barrault est partenaire vocale pour illustrer le parcours lisztien entre Suisse et littérature, après que les chambristes français aient voyagé du côté de chez Schubert, Brahms et Fauré. Ce « parlé-chanté » romantique  constitue la première d’une formule qui s’expérimente à Caluire.

 

 

Les Wanderer pour un week end romantique Ă  Caluire

 

Le Radiant, Caluire (69)
Week-end des 18-19 janvier 2014 : concerts et rencontres Schubert, Brahms, Liszt, Fauré

Wanderer et voyageurs
wanderer_trio_caluire_lyon_69_Marie_christine_barrault« Wanderer, Winterreise » , ces mots en « romantique-allemand » (comme on le dirait d’un dialecte très particulier des langues germaniques) roulent dans notre mémoire de Français tout de même un peu jaloux des profondeurs et de l’imaginaire qu’atteignirent outre-Rhin  musiciens, écrivains et peintres entre fin XVIIIe et milieu XIXe. A côté, nos  « voyage et voyageurs » semblent presque privés de magie, et un rien pauvres, même si nous pouvons placer en arrière-plan les somptuosités d ’un Chateaubriand et plus tard  de Delacroix et  Baudelaire… Question d’optique et d’harmoniques ? Il est vrai que la réminiscence d’un Schubert ou d’un Friedrich – ils « voyagèrent » bien peu, sinon dans leur esprit et leur cœur- viendrait aussitôt nous suggérer que le nombre réellement parcouru de lieues ou de kilomètres ne fait pas grand-chose à l’affaire.

Une fin de semaine-événement
Alors quand un des groupes de musique de chambre les plus  internationalement célèbres se place sous le signe du voyage, et s’il est français, il ne s’appellera pas « Trio Voyageur », mais « Trio Wanderer », sans doute en hommage au compositeur qui aura laissé par la voix (voie ?)  du lied et même du piano l’exploration la plus obsessive  et affective  de ce voyage qui n’aura pas été seulement celui des hardis explorateurs de la terre et des mers.

La saison précédente, les trois  Wanderer avaient été invités  par le Radiant de Caluire(périphérie nord de Lyon), qui consacre dans sa salle rénovée  une toute petite part  de sa programmation multi-culturelle (théâtre, et ce qu’on nommait naguère « la variété ») à la musique « classique ». Voici début janvier notre Trio, cette fois convié non seulement à un concert, mais à une présence de deux jours. Ce « week-end événement » s’apparente à une très brève résidence, où une master-class (zut, disons classe de maître(s) puisqu’on peut traduire en « ancien français »), une conférence et  un brunch musical (pardon : un mi-déjeuner) accompagnent les deux concerts  du samedi soir et du dimanche après-midi.

Johannes le Nordique
Les Wanderer – un pianiste plutôt extraverti et « Florestan », Vincent Coq, un violoniste, Jean-Marc Phillips-Varjabédian, et un violoncelliste, Raphaël Pidoux, plutôt…à l’inverse, apparemment « Eusebius », pour reprendre les termes du double schumannien – sont particulièrement « chez eux » avec Brahms. Pour le Quatuor op.25, ils sont rejoints par l’altiste Christophe Gaugué (ils ont enregistré l’œuvre avec lui). Brahms y est en « sa maturité de jeunesse » (risquons l’oxymore pour l’ardent ex-adolescent qui enthousiasma Schumann et s’enflamma pour Clara, avant que la mort tragique de Robert contraigne Johannes à renoncer à ses projets amoureux), et l’œuvre résonne de l’alternance entre romantisme d’inspiration et déjà-classicisme structurel. Et les deux versants du romantisme s’y expriment, tumulte qui sous-tend l’allegro initial, abandon au rêve nocturne qui envahit l’intermezzo et l’andante. Le Quatuor, terminé en 1861 – chez des amis à la campagne, situation qui a toujours plu à Brahms-le-Nordique – culmine dans les emportements du très long presto, « alla zingarese », où l’âme tzigane se confie tour à tour dans la mélancolie et dans une exaltation aux allures de sauvagerie. Voici Brahms enfin libéré en sa modernité implicite, lui qui (dit-on) s’endormit en écoutant la si progressiste Sonate de Liszt et en tout cas devint (volens nolens ?) le héraut d’une musique plus sage contre les audaces de Wagner et Liszt.

Les cloches de Montgauzy et le vent d’ouest
Schubert est  salué au passage, depuis les rives entre crépuscule et aube, puisque ce bref adagio isolé –peut-être servit-il d’insertion « lente » pour le futur grand Trio en si bémol de 1827 – se nomme aussi Notturno. Mais là c’est l’éditeur Diabelli qui voulait faire un coup de comm-pub… Le climat est plutôt agité en son centre, mais doucement lyrique au début et à la fin qui chantent la même mélode tendre. Puis nos Voyageurs parcourent dans le 2e Quatuor op.45 une ample contrée où Gabriel Fauré, l’Ariégeois devenu depuis longtemps Parisien , se remémore  fort proustiennement  son enfance dans un sublime andante où lui-même joue le Narrateur de son  Temps Perdu (à 42 ans, en 1887), « relevant les distances » comme en un  Combray  des Pyrénées Orientales : « Je me souviens avoir traduit là, presque involontairement, le souvenir bien lointain d’une sonnerie de cloches qui, le soir à Montgauzy, nous arrivait d’un village nommé  Cadirac lorsque le vent soufflait de l’ouest. Un fait extérieur nous engourdit dans un genre de pensées si imprécises qu’en réalité elles ne sont pas des pensées et cependant quelque chose où on se complaît… » Les autres mouvements sont tout d’élan, parfois à la limite de la violence des passions, architecture, rythmique et harmonie heureuses de se rencontrer pour un chef-d’œuvre qui marque l’irréversible entrée du compositeur dans une maturité qui ne cédera plus aux charmes mondains et ira inscrira son automne  – via la musique de chambre, surtout –dans d’ultimes partitions austères et bouleversantes.

Le premier ? Non, le seul !
Bien, Voyageurs ou…mais comment le dit-on en hongrois ? Car le 2e concert, « lettres d’un voyageur », est consacrĂ© Ă  Franz Liszt. Ici le Trio – qui se rĂ©duit, dans quatre  des cinq  partitions, aussi Ă  Duo – est en dialogue avec la voix non strictement chantĂ©e, mais si musicienne, d’une rĂ©citante de textes. On chercherait en effet dans l’œuvre du compositeur franco-hongrois une musique de chambre Ă  la hauteur de celle de ses frères romantiques, Schubert, Schumann ou Brahms. On dira qu’il n’est pas besoin pour assumer le romantisme d’autre instrument qu’un piano : ainsi Chopin… (mais Liszt par la mĂ©lodie, l’orchestral et le choral a aussi  agrandi ses horizons Ă  la dimension de ses rĂŞves !). Liszt fut « le »pianiste du XIXe – « le premier ? non  le seul », disait une dame qui s’y connaissait en admiration), et pour la rĂ©vĂ©lation de son gĂ©nie autant que par nĂ©cessitĂ© de la rencontre et du destin, un Voyageur immense.

Libre enfin de mille liens
En témoigne un texte de 1837 que la récitante aura peut-être inscrit à son programme :  «  Encore un jour, et je pars. Libre enfin de mille liens, plus chimériques que réels, dont l’homme laisse si puérilement enchaîner sa volonté, je pars pour des pays inconnus qu’habitent depuis longtemps mon désir et mon espérance. Comme l’oiseau qui vient de briser les barreaux de son étroite prison, la fantaisie secoue ses ailes alourdies, et la voilà prenant son vol à travers l’espace. Heureux, cent fois heureux le voyageur ! Heureux qui sait briser avec les choses avant d’être brisé par elles ! L’artiste (ne doit) se bâtir nulle part de demeure solide. N’est-il pas toujours étranger parmi les hommes ? ».

Une actrice française très mélomane
barrault_marie_christine_portraitL’auteur de cette superbe déclaration d’indépendance, que Liszt ne renia jamais dans ses actes et son œuvre, il appartient donc à Marie-Christine Barrault d’en être la traductrice. La comédienne, au théâtre ou au cinéma, a su se conserver au Texte regardé comme un principe avec lequel on ne transige pas. Les cinéphiles n’ont pas oublié « la jeune fille, catholique et blonde » qu’elle incarnait en face de la si laïque (et diablement… séduisante !) Françoise Fabian, dans « Ma nuit chez Maud », l’une  des  écritures les plus admirables, aux dialogues et à l’image,  du cinéma français (Eric Rohmer, bien sûr). « Reconnue aujourd’hui comme une des plus mélomanes des actrices françaises, elle préside depuis 2007 aux Fêtes de Nohant, autour du souvenir en Berry de Chopin et George Sand ».

Tzigane et franciscain
Elle sera voix parlĂ©e dans une pièce rare de Liszt, un  mĂ©lodrame (un cadre commencĂ© fin XVIIIe et que le XIXe romantique a sublimĂ©, en particulier chez Schumann, dont « L’enfant de la lande » est frère hallucinĂ© de l’Erlkönig schubertien) : la LĂ©nore de Burger est sous le signe  d’une Ă©criture harmonique  hardie et d’une pensĂ©e musicale fragmentaire ». Les Wanderer-Voyageurs « transposeront » (on sait que ce fut une activitĂ© compositrice très importante de Liszt pour « diffuser » ceux qu’il admirait, et parfois lui-mĂŞme) Les Trois Tziganes (Franz se dĂ©finissait comme une alliance de Franciscain et de Tzigane), La Cellule de Nonnenwerth (un couvent…franciscain auquel Liszt rendit visite en 1840) et La Lugubre Gondole, une des pièces de la dernière manière , oĂą le vieux compositeur retirĂ© en religion mystique « invente » la future musique atonale du  dĂ©but XXe. Et Ă  cĂ´tĂ© d’extraits passionnants de Lord Byron (son Voyage de Childe Harold  fit frĂ©mir l’Europe) et du jeune Franz – les Lettres d’un bachelier ès-musique ; la correspondance avec Marie  d’Agoult, l’aristocrate des amours passionnĂ©es avec laquelle il brava la biensĂ©ance louis-philipparde des annĂ©es Trente, l’écrivaine qui fut aussi la mère de Cosima, future Madame von Bulow puis Wagner – , on Ă©coutera La VallĂ©e d’Obermann.

Les rêveries du mélancolique Obermann
Cette pièce figure dans les Années de Pèlerinage, chapitre Suisse, où Liszt « conta » ses fugues avec Marie… Et fut admirable traducteur musicien d’un trop négligé (de nos jours) pré-romantique français, Etienne Pivert de Senancour qui inventa un Werther de ce côté du Rhin et du Rhône, merveilleux mélancolique dont les Rêveries ont fasciné les contemporains cultivés : « nous ne sommes malheureux que parce que nous ne sommes pas infinis », écrit dans son récit-Journal Intime  Obermann, qui  promène sous les montagnes helvétiques son mal de vivre, et l’écriture si musicale d’un esthète replié sur sa solitude enchantée : « Même ici, je n’aime que le soir. L’aurore me plaît un moment, je crois que je sentirais sa beauté , mais le jour qui va la suivre doit être si long ! Accident éphémère et inutile, je n’existais pas je n’existerai pas ; et si je considère que ma vie est ridicule à mes propres yeux, je me perds dans des ténèbres impénétrables… Livrés à tout ce qui s’agite autour de nous, nous sommes affectés par l’oiseau qui passe, la pierre qui tombe, le vent qui mugit, le nuage qui s’avance, nous sommes ce que nous font le calme, l’ombre, le bruit d’un insecte, l’odeur émanée d’une herbe…

Caluire (69, périphérie nord de Lyon). Week-end au Radiant de Caluire. Trio Wanderer, Christophe Gaugué, Marie-Christine Barrault.  Samedi 18 janvier 2014. Master-Class du Trio Wanderer, 14h30. Conférence, 18h30.  Concert, 20h30. Brahms (1833-1897) , Schubert (1797-1828), Fauré 1845-1924). Dimanche 19 janvier : Brunch, 10h30. 15h, concert avec M.C.Barrault : Liszt (1811-1886), textes et musique.
Information et réservation : T. 04 72 10 22 19 ; www.radiant-bellevue.fr

CNSMD de Lyon: La Nuit des esprits (27 janvier 2012) – Reportage vidĂ©o exclusif

reportage vidéo

La Nuit des esprits


CNSMD de Lyon
conservatoire national supérieur de musique et de danse de Lyon
Lyon, vendredi 27 janvier 2012


 

 

 
Quand le CNSMD de Lyon fait sa Nuit des esprits, ce sont toutes les classes d’Ă©tudiants qui sont impliquĂ©es, encadrĂ©s par les professeurs, concentrĂ©s sur le thème choisi, acteurs principaux d’une nuit de concerts et de moments conviviaux. Pour GĂ©ry Moutier, directeur du CNSMD de Lyon, il s’agit certes d’une offre musicale gratuite destinĂ©e au grand public lyonnais, c’est surtout un outil pĂ©dagogique majeur oĂą le musicien apprend et approfondit les rouages de son futur mĂ©tier: l’expĂ©rience de la scène, la prĂ©paration, la concentration, l’Ă©coute et le partage… La nuit des esprits de janvier 2012 regroupe les Ă©tudiants musiciens des classes de direction de choeur mais aussi la classe musique Ă  l’image…
DĂ©couvrir la saison publique du CNSMD de Lyon, tout au long de l’annĂ©e: