ENTRETIEN avec Fabien Armengaud, fondateur et directeur musical de l’Ensemble SĂ©bastien de Brossard… C’est son premier disque avec son Ensemble SĂ©bastien de Brossard, mais Fabien Armengaud n’en est pas Ă son premier concert ; loin de lĂ : l’assistant d’Olivier Schneebeli au sein de la MaĂ®trise du CMBV (Centre de Musique Baroque de Versailles) n’a cessĂ© depuis plus de 15 ans, de participer Ă la rĂ©ussite d’une phalange aujourd’hui exemplaire, qui dĂ©fend avec passion et finesse, l’art choral du Baroque Français. Mais lĂ oĂą nombre de nouveaux instrumentistes dĂ©butent leur carrière avec leur propre ensemble, se dĂ©diant souvent Ă l’incontournable et inestimable MA Charpentier, Fabien Armengaud agit diffĂ©remment, frappe fort mĂŞme en rĂ©alisant un rĂŞve portĂ© depuis une dĂ©cennie, enregistrer un programme de musique française pour 3 voix d’hommes… d’un illustre mais gĂ©nial mĂ©connu, Louis-Nicolas ClĂ©rambault.

En plus de maîtriser son sujet et posséder les ficelles du métier, Fabien Armengaud ose défricher, explorer, surprendre. Le résultat est là : son programme édité chez Paraty productions dépasse toute espérance et prouve l’excellence du nouvel ensemble, tout en affirmant dès son départ, l’originalité et l’audace du répertoire présenté. Le cd Motets à 3 voix d’hommes de Nicolas-Louis Clérambault est élu CLIC de CLASSIQUENEWS d’octobre 2016 (parution annoncée, le 21 octobre 2016). Le chant des trois chanteurs réunis autour de Fabien Armengaud, l’articulation ardente, vive, palpitante des instrumentistes de l’Ensemble Sébastien de Brossard affirment la venue d’un collectif mûr, éblouissant dont la sonorité, le goût, le style confirment la justesse, la vérité, la profondeur. Grande critique du cd à la date de sortie de l’album, soit le 21 octobre prochain. A l’occasion de la parution de ce disque événement, CLASSIQUENEWS a posé 4 questions à Fabien Armengaud.
Pourquoi avoir choisi pour votre premier disque ce programme révélant un Clérambault méconnu et surprenant ?
Fabien Armengaud : Le choix d’un compositeur, en particulier pour un premier disque, est une démarche tout sauf anodine. Force est de constater que bon nombre de mes collègues ont très souvent choisi Charpentier pour leur premier disque. C’est tout à fait légitime, Charpentier étant un immense compositeur dont on aura jamais fait le tour. Néanmoins, il me semblait intéressant de prendre un autre chemin. J’ai donc passé un an à lire beaucoup de musique à trois voix d’hommes et un jour ce fut la rencontre avec l’œuvre de Clérambault. C’est apparu pour moi comme une évidence: il fallait enregistrer ce compositeur! J’ai donc tout de suite réuni mon équipe et le projet s’est monté grâce à la confiance que m’a témoignée Bruno Procopio, directeur du label Paraty, qui m’a laissé carte blanche pour cet enregistrement.
Pouvez vous citer 2 exemples précis, extraits du programme qui démontrent l’intérêt de Clérambault ?
Il est difficile pour moi de ne choisir que deux exemples! ClĂ©rambault est, Ă mes yeux, Ă la croisĂ©e de deux mondes, le XVIIème siècle – le vĂ©ritable siècle baroque pour moi- avec son Ă©lĂ©gance, sa noblesse de caractère et j’ose mĂŞme dire sa dignitĂ© qui transparaĂ®t dans tous les arts, et le XVIIIème siècle, qui lui, va plutĂ´t vers la virtuositĂ©, vers l’agrĂ©able et parfois le dĂ©coratif. ClĂ©rambault est justement Ă la charnière, Ă la fin d’un monde et au dĂ©but de l’autre et c’est ce que j’ai essayĂ© de dĂ©montrer dans cet enregistrement.
En tant que claveciniste, j’ai beaucoup de proximité avec le XVIIème siècle mais je ne boude jamais mon plaisir de jouer également la musique du XVIIIème. On peut aimer Nosferatu et La folie des grandeurs!
Pour répondre à votre question, si je devais choisir deux exemples, je choisirai tout d’abord un des mouvements du Motet pour la Canonisation de Saint Pie: Impii Turcarum Gens, qui est, à ma connaissance, le seul exemple de Tempête dans la musique sacrée. Le second pourrait être le verset Et Misericordia tiré du Magnificat. Quand on commence à écouter cette pièce, on se dit que c’est très beau et que cela va s’arrêter au bout de une ou de deux minutes,  et c’est là  où Clérambault est véritablement génial: il renouvelle sans cesse le discours avec une économie de moyen incroyable, le contrepoint de plus en plus sublime rendant ce mouvement complètement hypnotique pendant plus de quatre minutes!
En quoi le programme de ce disque est-il emblématique de votre démarche artistique comme chef et directeur musical de l’Ensemble S de Brossard (geste, texte, cohérence, sonorité…) ? Quelle serait la carte d’identité de votre ensemble ?
Comme chaque vie de musicien, la mienne a été faite de très belles rencontres. Odile Masse, Jan Willem Jansen et Yasuko Bouvard avec qui j’ai commencé mes études dans cette belle ville de Toulouse. Ensuite, deux rencontres furent déterminantes dans ma vie de musicien: Hervé Niquet, à qui je dois tant, et qui m’a ouvert le monde fantastique de la musique baroque française et Laurence Boulay qui, elle, m’a ouvert la porte de la basse continue et de la recherche, (et qui est toujours présente dans mon esprit dès que je fais un continuo). Je n’oublie pas également Michèle Dévérité à qui je dois beaucoup. Dernière rencontre et non des moindres: Olivier Schneebeli que j’ai rencontré au début des années 2000 et qui m’a tout de suite accordé sa confiance sans faille et avec lequel je travaille depuis maintenant dix-sept ans à la Maîtrise du Centre de musique baroque de Versailles où je suis son assistant.
Ce long prĂ©ambule pour vous expliquer que ce disque c’est d’abord le fruit de rencontres et la rĂ©union de ceux que je considère comme “ma famille musicale”. C’est prĂ©cisĂ©ment ces chanteurs -Cyril Auvity, Jean-François Novelli et Alain Buet- et ces instrumentistes -Maud Caille, LĂ©onor de RĂ©condo, ValĂ©rie Balssa, Lucie Rio-Humbrecht, François Costa, Mathurin Matharel, Thibaut Roussel et Guillaume Cuiller- que j’avais envie de rĂ©unir dans ce projet que je porte en moi depuis maintenant dix ans. Concernant ma dĂ©marche de chef d’ensemble, deux phrases de mon MaĂ®tre Dominique Rouits m’accompagnent dans mon parcours. La première: « la musique est un partage » et j’espère bien que cela s’entend sur ce disque, cette connivence musicale!
La seconde « un chef, doit faire autoritĂ© et non avoir de l’autorité » et c’est bien ainsi que je conçois ma dĂ©marche. Un chef, c’est quelqu’un bien sĂ»r qui a une longueur d’avance sur la musique, mais cette longueur n’est pas dĂ»e Ă une « inspiration quelconque » mais Ă beaucoup de travail Ă la table! Un chef est avant tout un artisan et c’est aussi quelqu’un qui se doit de rĂ©unir et fĂ©dĂ©rer afin que tout le monde aille dans la mĂŞme direction, et cela, je l’avoue est très jouissif! C’est en tous cas ainsi que je conçois mon rĂ´le au sein de l’Ensemble SĂ©bastien de Brossard. Concernant la carte d’identitĂ© de cet ensemble, je dirai, avec un peu de provocation, que nous sommes un jeune ensemble de… vieux. Nous avons tous notre parcours et cela nourrit cet ensemble et c’est aussi ce qui, Ă mes yeux, en fait la sève.
Quelles sont vos prochains territoires musicaux en chantier pour l’Ensemble ?Â
La musique à trois voix d’hommes me fascine depuis des années. Si l’on excepte Charpentier, c’est encore une terra incognita.
J’avoue que je déborde de projets autour de ce répertoire si particulier et j’espère pouvoir continuer à les réaliser.
Propos recueillis en octobre 2016
CD, Ă©vĂ©nement : Louis-Nicolas Armengaud, Motets Ă trois voix d’hommes et symphonies (1 cd Paraty productions, Ă paraĂ®tre le 21 octobre 2016). LIRE notre prĂ©sentation du cd ClĂ©rambault par Fabien Armengaud, Ensemble SĂ©bastien de Brossard
VIDEO
REPORTAGE VIDEO & extraits : Les Motets oubliés de Clérambault, ressuscités par Fabien Armengaud et son Ensemble Sébastien de Brossard (1 cd événement édité par PARATY, parution le 21 octobre 2016)
