CD, coffret, compte rendu critique : Un siècle de musique française (25 cd Sony classical). Sony classical réédite sous une thĂ©matique dĂ©jĂ passionnante plusieurs de ses bandes magiques… Attention bain de symphonisme français romantique et moderne : soit un condensĂ© d’histoire musicale française en 10 cd, chacun dĂ©diĂ© Ă un compositeur majeur, plus un recueil triple thĂ©matisĂ© “escales symphoniques” : Berlioz, Saint-SaĂ«ns, FaurĂ©, Debussy, Ravel, Poulenc (maĂ®tre de la musique par Eric Lesage et partenaires), Satie (le seul ici Ă offrir son legs non orchestral mais pianistique sous les doigts de Philippe Entremont, Daniel Varsano, Gaby et Robert Casadesus…), Dutilleux, Boulez, Messiaen (Turangalila Symphonie par Y. Loriod et Seiji Ozawa). L’attrait du coffret de 25 cd rĂ©tablit de puissantes personnalitĂ©s servies par des chefs de première qualitĂ© par leur engagement et leur somptueuse sensibilitĂ©, chacun dans le rĂ©pertoire qu’il aima dĂ©fendre : Munch, Ozawa, Boulez, Hans Graf (chez Dutilleux)… les baguettes sont prestigieuses et leur Ă©coute confirme de saisissantes comprĂ©hensions de la musique française.
Ici règne la nervositĂ© orfèvre de Charles Munch, directeur musical du Boston Symphony (1949-192), ici d’une vivacitĂ© fauve et d’une motricitĂ© analytique irrĂ©sistible, capable de fièvre et d’incandescente folie : remarquable interprète de la musique française romantique (ses Berlioz – premier cd de la collection, sa Fantastique, si chère Ă son cĹ“ur, devient transe Ă©poustouflante de tension incisive), mais aussi du premier XXè : Milhaud, Honegger, surtout l’ivresse Ă©chevelĂ©e, organique et sensuelle de son Roussel (Suite 2 de Bacchus et Ariane, un coup d’essai captivant hĂ©las trop court : que n’a t il enregistrĂ© l’intĂ©grale du ballet!), sans omettre des incontournables, au chapitre romantisme français dont la trop rare Symphonie sur un chant montagnar de D’Indy, Escales d’Ibert, la Symphonie n°3 avec orgue de Saint-SaĂ«ns, et L’Apprenti sorcier de Dukas…
DEBUSSY et RAVEL boulĂ©ziens, de rĂ©fĂ©rence. C’est aussi un fabuleux legs Pierre Boulez comme chef, interprète gĂ©nial autant analytique que prĂ©cis et dramatique, avec Ă©galement des orchestres amĂ©ricains : New York Philharmonic et surtout Cleveland orchestra pour deux recueils, joyaux incontournables : Ravel, Debussy (3 cd pour chacun) dont les Ĺ“uvres essentielles sont ainsi rĂ©vĂ©lĂ©es sous un filtre d’une exigence sonore irrĂ©sistible (Attention le coffret ne comprend pas, hĂ©las, l’intĂ©grale du ballet Daphnis et ChloĂ© de Ravel mais heureusement ShĂ©hĂ©razade, Rapsodie Espagnole, Valses nobles et sentimentales, Ma mère l’Oye, Alborada del Gracioso, les Concertos pour la main gauche et en sol majeur par Philippe Entremont, piano,… sans omettre l’excellent Quatuor par les Juilliard). Vous l’aurez compris, nous tenons lĂ la quasi intĂ©grale du Ravel symphonique par Boulez. C’est dire.
MĂŞme ivresse “intellectuelle”, la maĂ®trise est de mise sous la baguette boulĂ©zienne-, mais quelle transparence millimĂ©trĂ©e chez Debussy : Dans PrĂ©lude Ă l’après-midi d’un faune, l’enchantement s’invite ; Jeux est une extase façonnĂ©e telle un scintillement permanent, un miroitement Ă la fois introspectif et aĂ©rien ; Images pour orchestre affirme la prĂ©cision analytique d’un chef qui conçoit tout en une succession organiquement enchaĂ®nĂ©e d’admirables sĂ©quences instrumentales d’un fini Ă©poustouflant (ivresse lascive d’IbĂ©ria).Chaque Ă©pisode comme chez Ravel cultivant son propre univers. Les Danses sont des rituels d’une exquise nostalgie. Ces 2 coffrets Debussy et Ravel sont incontournables.
Ailleurs, l’amateur de raretĂ©s comme de plĂ©nitude orchestrale, Ă la française trouvera son compte dans les volumes : celui sur Saint-SaĂ«ns comporte ainsi les trois Concertos pour piano 2,4 et 5 (l’Egyptien), avec Philippe Entremont sous la direction de Michel Plasson. Tout autant intĂ©ressant le triple volume dĂ©diĂ© Ă FaurĂ©, comprenant en particulier le Requiem par Ozawa (Boston Symphony, Barbara Bonney, Hakan Hagegard, et le choeur du Festival de Tanglewood)…
La prĂ©sence du violoncelliste Jean-Guilhen Queyras pour Tout un monde lointain fait la haute valeur du volume simple dĂ©diĂ© Ă Dutilleux ; et coupe Ă©tant apprĂ©ciĂ©e quand elle est dosĂ©e, le recueil dĂ©volu au compositeur Pierre Boulez, – 1 seul cd, regroupe Le Marteau sans maĂ®tre avec Yvonne Minton (au français bien peu intelligible sous la direction de Diego Masson), et plus intĂ©ressant, Livre pour cordes par Boulez le chef.
Notons l’habile programmation du triple volume intitulĂ© “Escales symphoniques françaises” qui rĂ©vèle sous le feu vif argent et d’une fantaisie jubilatoire de Charles Munch, l’Ă©clectisme de la Symphonie sur un chant montagnard de D’Indy (25mn d’Ă©criture concertante oĂą le piano discute avec l’orchestre en une forme libre entre Concerto et Symphonie), sans omettre le Rouet d’Omphale de Saint-SaĂ«ns, superbe poème symphonique d’une pensĂ©e libre et fluide (prĂ©cĂ©dĂ© par le poème symphonique pour chĹ“ur et soprano La nuit, oĂą le diamant un rien prĂ©cieux de la jeune Natalie Dessay dialogue avec la flĂ»te… Orchestre nat. d’ĂŽle de France, Jacques Mercier).
Le coffret forme un cycle incontournable pour amoureux de musique symphonique et concertante française, de Berlioz Ă Boulez et Messiaen. Par sa diversitĂ©, l’intelligence et la cohĂ©rence des volumes rĂ©unis par compositeur ou thème, la figure d’excellents chefs – de Munch Ă Boulez, Ozawa et Ormandy (Danse macabre de Saint-SaĂ«ns), sans omettre les pianistes Philippe Entremont (Ravel, Saint-SaĂ«ns), Michel Dalberto (Debussy), JM Luisada (FaurĂ©)… , l’Ă©dition Sony classical constitue une excellente entrĂ©e en matière ou l’enrichissement d’un fonds dĂ©jĂ existant. 25 cd Ă possĂ©der en urgence pour Ă©tayer sa discographie de base, au registre musique française. Le volume Poulenc vient astucieusement complĂ©ter la collection en regroupant les fondamentaux de sa musique de chambre (Sonates, Concertos oĂą s’affirme le tempĂ©rament en affinitĂ© du pianiste Eric Lesage et ses nombreux partenaires)… Seule rĂ©serve : l’Ă©diteur omet de mentionner pour chaque bande la date d’enregistrement, nous privant une juste apprĂ©ciation de l’Ă©poque concernĂ©e et de l’esthĂ©tique atteinte (malgrĂ© l’absence pour le rĂ©pertoire romantique, des instruments d’Ă©poque : or ni Boulez, ni Munch, malgrĂ© l’apport des orchestres et des chefs “historiquement informĂ©s”, ne se montrent dĂ©faillants, bien au contraire. Leur baguette enchanteresse montre aussi que la rĂ©ussite d’une lecture ne dĂ©pend pas exclusivement du choix des instruments…
CD, coffret : Un siècle de musique française (25 cd Sony classical)
CLIC de classiquenews d’avril 2016.