COMPTE RENDU critique, concert. Marseille, Théùtre des Arts, le 7 novembre 2019 : Les Amants de Varsovie. Ewunia â Ewa Adamusinska-Vouland â chant et textes ; Yves Dupuis : piano et arrangements. Heureuse dĂ©sinence, Varsovie, en français, appelle la rime « vie ». Mais la vie implique, fatalement la mort, et ce chant Ă lâamour, amoureusement chantĂ©, nây Ă©chappe pas, mĂȘme dans la discrĂ©tion de deux chansons, une superbe cantilĂšne, sĂ»rement une ballade ancienne, dialoguĂ©e, a cappella, sur un mode plus aigu que la tessiture gĂ©nĂ©rale des chants, oĂč la jeune femme, revenant chez elle, frappant Ă la porte, dĂ©sespĂ©rĂ©e, implore sa mĂšre de venir Ă son mariage : terrible rĂ©ponse, la mĂšre nâest plus lĂ , mais dans la tombe ; ou cette derniĂšre chanson dâamour dâun jeune compositeur Ă sa bien-aimĂ©e qui ne le reverra plus puisque, phares en face dans la nuit, ivresse amoureuse ou autre, sa voiture sera son cercueil.
Mais hors ces deux airs, câest la vie qui est exaltĂ©e ici par Ewunia, Ă travers les traverses, les rues, les ruelles, lâerrance, les dĂ©ambulations, les promenades amoureuses dâun couple dans le soleil ou la brume de Varsovie, dans les rousseurs de lâautomne polonais aux feuilles mortes Ă la pelle de Kosma, avec leurs Ă©tapes rituelles, un anachronique et humoristique cinĂ©ma muet exaltant Valentino, un cafĂ© de coin de rue oĂč OrphĂ©e cherche son Eurydice perdue sous lâĆil (de Pluton ?) du chat noir : escales affectives inverses varsoviennes de celles, effectives sans affection, des marins des bateaux de la Vistule en bordĂ©e, bordel Ă bord, des bobards Ă la pute embobinĂ©e rĂȘvant dâun mot dâamour qui lâĂ©treint sous lâĂ©treinte tarifĂ©e et dĂ©chire sa voix.
Câest lâamour banal, universel, avec ses joies, ses tristesses, ses langueurs, ses rancĆurs, ses cĆurs rancis de dĂ©ceptions ou brisĂ©s, comme celui de Rebecca revenant dans son village, pour la rencontre amoureuse qui nâaura pas lieu, déçue, dĂ©chue de son rĂȘve trop beau, Ă la solitude condamnĂ©e. MĂȘme si « Lâamour te pardonnera tout », il laisse des blessures mais, pour les romantiques, les plus dĂ©sespĂ©rĂ©s des chants sont les chants les plus beaux.
Du chuchotement (Szeptem) de la douceur de lâaveu, du murmure de la confidence au cri de dĂ©sespoir du la prostituĂ©e amĂšre ou du tango lancinant de la sĂ©paration, Ewunia, quelques gestes sobres dessinĂ©s par la lumiĂšre, comĂ©dienne au visage expressif, chanteuse chaleureuse, voix large maĂźtrisĂ©e du lyrisme au parlando, envoĂ»te de vocalitĂ© rayonnante dans sa robe polonaise fleurie, ou sa robe noire serrĂ©e de parodique vamp hollywoodienne des films noirs, sa blonde chevelure, flamboyant dâun Ă©clair de projecteur dans lâambiance sexy (« Le sexe est en moi»), propice et sombre de cabaret de ce nocturne varsovien.
Bien sĂ»r, Chopin est Ă©voquĂ© avec Sand, et autres couples franco-polonais aux amours cĂ©lĂšbres, comme, on lâoublie trop, Louis XV, le Bien-AimĂ© Ă©perdument amant de Marie Leszczynska sa femme, dont je rappelle que, lassĂ©e, excĂ©dĂ©e de sa frĂ©nĂ©tique passion Ă©rotique et de ses consĂ©quences (« Toujours couchĂ©e, toujours accouchĂ©e »), elle lui ferma sa porte et son lit, les ouvrant en grand au troupeau des Ă©phĂ©mĂšres favorites. Rappelons aussi Balzac et Ewelina HĂĄnska.
Mais point nâĂ©tait besoin de ces amoureuses cautions pour aimer ce pont amoureux que tissait la chanteuse et diseuse entre sa Varsovie et la France : musiques belles sur la belle musique inconnue de la langue, dont elle traduisait les textes en partie, passant avec humour Ă lâanglais, relayĂ©e par un remarquable pianiste, solitaire et solidaire, brodant librement au-dessus commentant en dessous, partant en virtuoses dĂ©rives de rĂȘve musical pour toujours revenir aborder, sans la saborder, pour la border amoureusement, Ă cette voix tendre ou tragique.
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COMPTE RENDU critique, concert. Marseille, Théùtre des Arts, le 7 novembre 2019 : Les Amants de Varsovie. Ewunia â Ewa Adamusinska-Vouland â chant et textes ; Yves Dupuis : piano et arrangements.
Partenariat de lâInstitut Polonais de Paris en juin 2019 (Festival « Varsovie sâinvite Ă Paris »). En juillet 2019, Festival dâAvignon.
Prochaines représentations :
Aix-en-Provence, samedi 23 novembre à 15h00, Musée des Tapisseries.
Paris, Théùtre du Gymnase, du 17 février au 28 avril 2020 tous les lundis et mardis.
Photo : © Matthieu Wassik